Le projet de loi Justice continue d'être scruté de toutes parts, et son examen par le Sénat se poursuit le jeudi 8 juin 2023.
Le fameux article 3, au cœur des dispositions les plus controversées, a été avalisé, non sans quelques modifications, par les membres du Sénat ce mercredi 7 juin.
Encadrer légalement une pratique déjà usitée
Vous en avez déjà lu les enjeux chez Clubic, le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 a généré plusieurs débats de fond quant au recours à la technologie pour certaines enquêtes judiciaires. Parmi les mesures les plus contestées, notamment par le Conseil de l'Ordre des avocats, l'article 3 dispose que certains magistrats tels que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention peuvent prononcer un recours à « l’activation à distance d’un appareil électronique à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ou possesseur aux seules fins de procéder à sa localisation en temps réel ».
Le Sénat s'est prononcé ce mercredi 7 juin 2023 en majorité favorable à ces usages, non sans apporter quelques amendements, mais sans que cela puisse rassurer fermement les opposants à ces dispositions. Pour la géolocalisation d'un individu en temps réel sans son consentement tout d'abord, le Sénat a adopté un amendement soumis par le groupe Les Républicains (LR). Désormais, la géolocalisation ne sera légalement possible que pour les infractions punies d'au moins 10 ans d'emprisonnement. Le texte initial prévoyait d'autoriser le juge à y recourir pour des peines deux fois plus courtes, soit 5 ans.
Si cet amendement est défavorable aux souhaits du gouvernement, Éric Dupond-Moretti peut se satisfaire de l'adoption d'un autre amendement. Celui-ci permet de prolonger les délais d'une enquête préliminaire, sous certaines conditions. L'encadrement législatif de cet « espionnage » déjà largement usité de manière informelle s'étend donc principalement au crime organisé, à la délinquance et au terrorisme.
Du côté du gouvernement, on invoque davantage de sécurité pour les enquêteurs grâce à ces usages
Ces trois motifs peuvent permettre au juge d'instruction comme au juge des libertés et de la détention d'également recourir à l'activation, à l'insu d'un individu, de son micro ou de sa caméra (webcam) dans le cadre du déroulement de l'enquête, sans pour autant procéder à des retranscriptions. Voilà ce qu'il en est pour la théorie, et donc pour ce nouveau cadre législatif.
Dans la pratique, le recours à des logiciels espions, souvent particulièrement onéreux, tout comme l'installation de mouchards à l'insu des individus ciblés, est déjà bien réel. Cependant, il n'y aurait désormais plus besoin de chercher à atteindre physiquement l'ordinateur ou le smartphone de l'individu, tout serait effectué à distance.
Malgré des mesures renforçant un peu plus le contrôle du magistrat sur la procédure judiciaire, cet aval du Sénat continue de susciter des réactions mitigées, par exemple de l'Observatoire des libertés et du numérique (OLN). Ce dernier dénonce une « surenchère sécuritaire ». Par ailleurs, vous pouvez suivre en temps réel ou en replay l'examen de ce projet de loi sur le site officiel du Sénat, en source ci-dessous.