Installés en octobre 2021 dans la ville d'Orléans, des capteurs sonores couplés aux caméras de surveillance ne devraient plus être utilisés, faute de cadre légal.
La technologie évolue, et la crainte de voir notre société dériver vers celle dépeinte dans le roman 1984 de George Orwell grandit d'année en année. Cela n'empêche pas les pouvoirs publics et de nombreuses entreprises de tenter d'innover dans le domaine de la surveillance, pour le meilleur et pour le pire, si tant est que l'on puisse en donner une appréciation objective.
La capitale de la région Centre-Val de Loire s'est essayée à l'exercice en cherchant à augmenter les capacités de ses caméras de surveillance. Elle n'avait cependant peut-être pas prévu de recevoir un rappel à l'ordre de la part de la CNIL.
Donner des oreilles aux caméras
En partenariat avec une start-up locale, Sensivic, la mairie d'Orléans a doté des caméras chargées de surveiller quatre places de sa commune de capacités auditives. Sous forme de boîtiers blancs, ces microphones ont pour but de reconnaître certains sons spécifiques. Coups de feu, explosions, accidents, ou encore cris font partie des bruits « anormaux » que la société est capable d'identifier, puis de localiser pour permettre d'orienter automatiquement les appareils de vidéosurveillance dans leur direction.
Le gendarme de la vie privée n'est toutefois pas satisfait de ce système, estimant que le lien entre vidéosurveillance et audiosurveillance touche à « un traitement de données à caractère personnel ». De plus, il rappelle qu'il n'existe pas de cadre légal entourant ce genre de pratique en France. En effet, « les dispositions applicables du Code de la sécurité intérieure […] prévoient uniquement la possibilité d'installer des systèmes de vidéoprotection sans captation du son », explique-t-il.
Ainsi, les dispositifs de Sensivic ont été déclarés illégaux par la CNIL, marquant une première victoire pour La Quadrature du Net. C'est cette association qui avait saisi la commission, pointant principalement du doigt la convention signée entre la société et la mairie d'Orléans. Parallèlement, elle a déposé une plainte auprès du tribunal administratif, qui est le seul à pouvoir forcer la commune à ne pas poursuivre son expérimentation.
Un cadre juridique comme garde-fou
Pour Florent Montillot, adjoint à la mairie d'Orléans chargé de la sécurité, il s’agit d’une « polémique totalement dépassée, ridicule ». Selon lui, le partenariat avec Sensivic vise à mieux « protéger des gens » grâce à l'utilisation des nouvelles technologies. L'élu a également expliqué au journal Le Monde que l'objectif de la mairie « n'a jamais été d'identifier des personnes, mais des situations pour pouvoir y réagir le plus efficacement possible ». Pour le moment, la ville a découplé les systèmes de vidéosurveillance et les microphones, qui ne servent plus qu'à entraîner l'algorithme de la start-up.
De son côté, le directeur marketing de Sensivic, Hervé Zandrowicz, se veut rassurant. « Tous les sons qui sont captés par les micros sont immédiatement traduits en métadonnées », explique-t-il. Plus encore, les enregistrements sont très courts, de l'ordre de la milliseconde, et peuvent donc difficilement être utilisés pour obtenir des informations privées. Enfin, les données ne seraient conservées ni par l'entreprise ni par la mairie.
Cependant, ces arguments n'ont pas été suffisants pour peser sur le jugement de la CNIL. Reste à voir comment cette affaire pourrait influencer un éventuel cadre juridique adapté « aux caractéristiques techniques et aux enjeux » d'une telle technologie, ajoute l'organisme.
Plus tôt dans l'année, celui-ci avait déjà dû se pencher sur un dossier similaire, concernant l'utilisation de drones par la gendarmerie. La surveillance prend donc un nouveau tournant en France, et nous saurons bien assez tôt si les tribunaux, le gouvernement et les élus tiendront compte des mises en garde de la CNIL.
Source : France 3