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Après plusieurs mois de recueil de mandats, La Quadrature du Net a lancé son recours collectif devant la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), pour protester contre l'utilisation de technologies d'identification par le ministère de l'Intérieur.

En quelques mois, La Quadrature du Net a réussi le tour de force de recueillir les mandats de 15 248 personnes, pour ainsi déposer trois plaintes contre les différents piliers de ce que l'on appelle « la Technopolice », à savoir le fichage, la reconnaissance faciale, les caméras de surveillance et la vidéosurveillance algorithmique (VSA). Les trois plaintes ont fait l'objet d'un « dépôt festif » auprès de la CNIL en fin de journée samedi, en marge du festival Technolopolice à Marseille.

La Quadrature réclame la fin de la vidéosurveillance en France

Le recours est d'une ampleur peu commune, mais il témoigne du travail de sape mené par La Quadrature du Net ces six derniers mois et aussi de la gêne occasionnée dans l'opinion par les différents outils de surveillance policière, aujourd'hui déployés un peu partout dans le pays.

Comme l'indiquent nos confrères de Mediapart, la première des trois plaintes déposées à l'encontre du ministère de l'Intérieur vise à faire retirer toutes les caméras de surveillance installées en France, pour mettre fin à la vidéosurveillance. LQDN estime que leur déploiement va à l'encontre du RGPD, en ce que l'efficacité de la vidéosurveillance n'a jamais été démontrée, se fondant notamment sur divers travaux universaitaires ou encore sur une étude de la Cour des comptes sur les polices municipales.

En théorie, toute collecte de données doit en effet répondre à un intérêt légitime et remplir une mission d'intérêt public. « En droit, il est interdit d'utiliser des caméras de surveillance sans démontrer leur utilité », ajoute La Quadrature, qui estime que « l'ensemble des caméras autorisées par l'État en France semblent donc être illégales ». Par voie de conséquence, la fin des caméras de surveillance entraînerait celle de la vidéosurveillance algorithmique, qui associe caméras et logiciels intelligents pour repérer les comportements suspects.

Des fichiers qui réquisitionnent de plus en plus de données

La seconde plainte déposée par LQDN s'attaque au traitement des antécédents judiciaires (TAJ). Dans ce fichier sont inscrites toutes les personnes impliquées dans une enquête judiciaire, et ce qu'elles soient mises en cause, suspectées ou simples victimes. La police et la gendarmerie y ont accès, de même que l'administration en cas de recrutement à un poste sensible. Ce document compterait 20 millions de fiches, dont « beaucoup (…) n'ont aucun lien avec une infraction ».

Cette seconde plainte s'attaque aussi à la reconnaissance faciale, un sujet brûlant depuis plusieurs années, contre lequel La Quadrature du Net est déjà vent debout. Le TAJ est né de la fusion de deux fichiers, et un décret pris en 2012 a rendu possible l'enregistrement de la « photographie comportant des caractétistiques techniques permettant de recourir à un dispositif de reconnaissance faciale ». Depuis lors, la police a selon l'association multiplié l'usage de cette reconnaissanc faciale, sur cette base légale. 1 680 opérations de reconnaissance faciale seraient ainsi menées chaque jour.

La dernière plainte, enfin, vise le fichier des titres électroniques sécurisés (TES), créé en 2015 et qui englobe dans son champ les données personnelles et biométriques des titulaires de passeports, et depuis 2016 celles liées aux cartes d'identité. Ce « fichier des gens honnêtes », qui ne cesse de s'élargir, est critiqué depuis plusieurs années, et les données qu'il intègre sont stockées de manière centralisée. La CNIL et l'ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information), ont déjà pointé du doigt ce système.

Alors que peut bien faire la CNIL à la réception de ces trois plaintes ? Pas grand chose d'un point de vue légal, mais elle peut encore user de son pouvoir de conseil et d'accompagnement du gouvernement, ce que La Quadrature du Net et les 15 000 plaignants espèrent ardemment.