Vos données ne suffisent plus : la Silicon Valley filme désormais la ville en continu.
Des défenseurs de la vie privée aux États-Unis ont critiqué la complaisance de certaines sociétés de véhicules autonomes avec la police. Ces dernières semblent en effet tout à fait enclines à partager les centaines d'heures de vidéos prises en roulant, fournissant de fait un réseau de caméras de surveillance mobiles.
Que leur est-il reproché ?
En décembre 2021, un chauffeur Uber est assassiné, et la police de San Francisco, sans preuve ni témoin, se trouve dans une impasse. La seule caméra de surveillance disponible sur les lieux n'est pas d'une grande aide à première vue, jusqu'à ce que l'un des enquêteurs repère que de nombreuses voitures de Waymo (une société appartenant à Google qui met des véhicules autonomes à disposition) passent sur un axe proche de la scène de crime. Il a alors une révélation en réalisant que toutes ces voitures sont des empilements de caméras et de capteurs. Il demande un mandat pour saisir des heures et des heures d'enregistrements de celles qui étaient présentes dans la zone à l'heure estimée du crime.
Ce mandat est rapidement accordé par un juge, puis par Waymo elle-même, qui n'a pas de problème à fournir les vidéos. C'est le premier cas connu dans lequel ce genre de caméras sont été utilisées pour une enquête de police, mais pas le dernier. Au moins 9 demandes similaires ont été faites à San Francisco, sans compter celles qui restent peut-être protégées par le secret de l'instruction.
Une pente glissante
Sans trop de surprise, ces caméras supplémentaires offertes sur un plateau d'argent aux forces de l'ordre par des sociétés privées ne sont pas du goût de tout le monde. La mesure est critiquée par des avocats et des groupes de défenseurs de la vie privée. Pour ces derniers d'ailleurs, il est urgent de réfléchir à la pratique et de l'encadrer, car Waymo et ses concurrents, comme Cruise, s'étendent rapidement dans de nouvelles villes américaines. Cela a pour effet secondaire d'étendre le déjà tentaculaire système de surveillance auquel ont accès les policiers américains.
Chris Gillard, activiste de la vie privée, a ainsi expliqué à Bloomberg : « Cela fait longtemps que nous savons qu'il s'agit finalement de caméras de surveillance sur roues. » Pour lui, « nous sommes censés […] ne pas être surveillés à moins d'être suspectés d'un crime, mais cette technologie nous retire petit à petit cette possibilité. » Dans la même veine, certains systèmes « intelligents », comme les sonnettes connectées d'Amazon, peuvent être mis à la disposition des policiers ou d'Amazon, parfois même sans le consentement de leurs propriétaires.
Interrogés sur la pratique, des porte-parole de la société Waymo n'ont pas nié, expliquant qu'ils vérifiaient chaque demande faite par les autorités pour s'assurer qu'elle respectait la loi. Mais dans le cas échéant, fournir ces enregistrements ne paraît pas poser de problème. La société Cruise assure de son côté ne fournir « que le minimum d'informations » aux autorités, car, lisez cette prochaine phrase sans sourire, « la vie privée est extrêmement importante pour nous ».
Il n'existe a priori pas de cas connu en France, mais il est certain qu'après les drones de maintien de l'ordre et l'autorisation faite aux policiers de capturer à distance micro et caméra des téléphones, certains au ministère de l'Intérieur doivent déjà saliver en travaillant sur cette possibilité.
Source : Bloomberg