Exemple d'un bateau de croisière © Dennis MacDonald / Shutterstock.com
Exemple d'un bateau de croisière © Dennis MacDonald / Shutterstock.com

En pleine saison touristique en Martinique, un mystérieux brouillage a perturbé les services de téléphone et d'Internet mobile d'Orange Caraïbe à Fort-de-France, poussant l'Agence nationale des fréquences (ANFR) à intervenir.

Il y a quelques jours, l'ANFR a détaillé l'une de ses récentes interventions marquantes, débutée par le signalement émanant de l'opérateur Orange Caraibe, le 3 mars 2023, avec un brouillage majeur dans la bande de fréquences 1 920 – 1 930 MHz, autour d'un terminal de croisière martiniquais. L'enquête de l'ANFR a révélé que le brouillage était lié aux mouvements d'un navire étranger. Retour sur une affaire qui, sans aucune volonté de nuire, aurait pu avoir des conséquences importantes.

Le navire perturbait la 3G d'Orange, parce qu'il utilisait les mêmes fréquences qu'en Amérique du Nord

Informée du brouillage, l'Agence nationale des fréquences en parle au procureur et commence son enquête. Les observations d'Orange Caraïbe indiquent une perturbation liée aux mouvements des navires. L'opérateur remarque que dès qu'un navire entre dans le terminal de croisière, le réseau 3G subit des perturbations. Dès qu'il reprend la mer, le réseau revient à la normale.

Lors de son contrôle, l'ANFR attend le navire de pied ferme, pour procéder à un port state control (PSC), une procédure permet de contrôler les équipements radioélectriques d'un bateau étranger. L'agence perçoit aussitôt le signal perturbateur, et découvre un réseau sans fil DECT (digital enhanced cordless telecommunication) à bord du navire. Ce réseau est utilisé pour que les membres d'équipage puissent communiquer entre eux à l'extérieur du navire.

Problème, donc, le DECT émet dans la bande 1 920 MHz – 1 930 MHz, suivant le plan de fréquences pour l'Amérique du Nord. Le navire ignore tout simplement les spécificités locales. Si les systèmes DECT peuvent s'adapter via GPS, le bateau n'avait pas programmé les fréquences européennes (1 880 – 1 900 MHz).

© Pixabay - ArtisticOperations
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Les autorités clémentes avec le navire, mais ce n'est pas toujours le cas

Les occupants du navire n'avaient pas pensé que la Martinique, bien que davantage située du côté des Amériques, est un département français. Et que ce dernier utilise donc toujours un plan de fréquences européen, qui d'ailleurs permet aux voyageurs d'utiliser les mêmes appareils entre l'Hexagone et les Antilles.

La bande de fréquences utilisée par le navire incriminé est attribuée à la filiale d'Orange en Martinique, qui l'exploite pour son service 3G. L'utilisation de la bande par le navire aurait pu créer une certaine pagaille, et empêcher les appels de secours.

Si la faute est incontestable, l'ANFR et les autorités ont fait preuve de clémence envers l'équipage, qui ignorait la subtilité que nous évoquions. Toujours est-il que si un système DECT peut automatiquement adapter son plan de fréquences, celui-ci n'a pas pu être reprogrammé sur le bateau concerné, ce qui a entraîné sa coupure, au profit de l'utilisation de bons vieux talkies walkies.

Selon l'ANFR, ces brouillages involontaires sont courants. Parfois, les autorités peuvent toutefois être moins clémentes, en ce que la préfecture maritime peut carrément suspendre le passage d'un navire, et le procureur de la République entamer des poursuites judiciaires.