Les États-Unis ont beau avoir de grosses ambitions sur l'énergie éolienne, une loi centenaire, qui impose l'utilisation de navires américains, entrave leurs projets offshore. Et la France souffre un peu du même problème.
L'administration Biden s'est fixée l'objectif de générer pas moins de 30 gigawatts d'électricité issue de l'éolien offshore (en mer), d'ici 2030. C'est l'équivalent de la consommation d'une ville comme New York, multipliée par quatre. Mais une loi datant de 1920, non, vous ne rêvez pas, impose l'utilisation de navires américains spécialisés dans la mise en place des éoliennes. Sauf qu'outre-Atlantique, comme en France d'ailleurs, ces navires ne sont pas légion.
L'incohérence bureaucratique dans toute sa splendeur, et c'est l'éolien qui trinque
Le premier projet éolien offshore américain, le Vineyard Wind 1, rencontre des obstacles sérieux. Les pales de turbine de ce dernier ont quitté leur port en septembre 2023, direction le Massachussetts. Sauf que les pales ont voyagé à bord de barges, au lieu d'un navire d'installation éoliennes, devenu essentiel au processus d'installation.
Aux États-Unis, cela est dû au Jones Act, ou Merchant Marine Act de 1920, qui oblige quiconque veut transporter des marchandises d'un bout à l'autre des États-Unis par la voie maritime à utiliser des navires américains. Plus précisément, cette obligation concerne les lieux ralliés par le navire. Et aux USA, on considère une éolienne offshore comme un lieu à part entière, ce qui le soumet de fait au Jones Act.
Sauf que cette interprétation plutôt archaïque du texte crée des obstacles et des défis majeurs pour l'industrie éolienne américaine. Car à l'heure où nous écrivons ces lignes, le pays de l'Oncle Sam ne dispose pas d'un seul navire installateur d'éoliennes en mer en fonction. Il lui faut alors faire avec des barges, puisqu'il lui est impossible de mobiliser des navires étrangers.
Le premier navire installateur d'éoliennes américain en cours de construction
Le tableau est sombre, mais un espoir émerge, sans mauvais jeu de mots. Le premier navire de cette nature, conforme au Jones Act et baptisé le « Charybdis » (la fille de Gaïa et de Poséidon dans la mythologie grecque), est aujourd'hui en construction au Texas. Sauf que des retards imputés au manque de main-d'œuvre repoussent encore et encore son achèvement, au mieux prévu pour 2025. En l'état, la pénurie de navires fait peu à peu sortir les États-Unis de leur objectif de 30 gigawatts d'électricité éolienne d'ici 2030.
L'interprétation du Jones Act confère au pays un monopole particulièrement coûteux, en ce qu'il exige que la construction, le pavillon et la navigation soient effectués par des chantiers navals américains. Forcément, cela a des conséquences sur le coût des projets éoliens offshore et le calendrier, ce qui limite la compétitivité et ralentit la progression des États-Unis vers ses objectifs d'énergie plus verte.
Les experts soulignent que les USA doivent impérativement résoudre les problèmes liés au Jones Act s'ils veulent accélérer le déploiement de l'énergie éolienne offshore. Bien que d'autres facteurs, tels que les taux d'intérêt et l'inflation, jouent sur le secteur, la réforme de cette loi vieille d'un siècle est cruciale pour garantir un développement éolien digne de de nom.
Source : Hakai Magazine