La Marine nationale française a décidé d'adapter sa navigation au contexte cyber, en misant sur le passé. Pour éviter les cyberattaques, elle contribue à relancer l'industrie des sextants.
Non, le sextant n'est pas un objet d'un autre temps, et oui, on peut faire du neuf avec du vieux. Dans un monde écrasé par la technologie, la Marine nationale française fait un pas en arrière vers une méthode de navigation traditionnelle, en équipant ses navires de sextants. Ces instruments, fabriqués par l'artisan Patrick Lorho dans l'Eure, offrent une alternative fiable face au risque croissant de cyberattaques qui ciblent les systèmes de géolocalisation.
Des sextants qui ne dépendant pas des systèmes de navigation vulnérables
Le sextant, pourtant inventé au 18e siècle, dans les années 1730, est un instrument de navigation qui permet de mesurer l'angle entre deux objets, généralement un astre céleste et l'horizon, pour déterminer la position d'un navire ou d'un avion. De jour, comme de nuit, il permet donc de connaître sa position en mer grâce à des relevés d'angles des étoiles ou du soleil.
S'il a été souvent remplacé par des outils technologiques plus avancés, comme le GPS, il reste un incontournable en matière de sécurité, en ce qu'il permet de naviguer de manière totalement indépendante, sans justement dépendre de signaux externes, comme le fameux GPS.
Et la Marine nationale, très largement sujette aux cyberattaques comme d'autres entités des Armées et de l'État français, l'a bien compris. Elle a passé commande d'une quinzaine de sextants pour renouveler certains des équipements de ses navires. L'idée est ici de disposer de moyens fiables qui, comme nous le disions, ne dépendent pas de systèmes informatiques vulnérables.
Chaque objet coûte entre 1 200 et 1 500 euros
Avec 140 bâtiments au total, la Marine nationale n'a pas le droit à l'erreur, et il est assez atypique de voir qu'elle offre un horizon prometteur, vous nous excuserez du jeu de mots, au sextant français.
Elle a ainsi passé commande auprès de Patrick Lorho, un artisan passionné, qui produit ces instruments depuis 1990. Chacun d'entre eux est un objet de haute technicité, composé d'une quarantaine de pièces, et dont la bonne maîtrise permet d'atteindre une précision d'une centaine de mètres.
Monsieur Lorho, qui travaille du côté de Saint-Vincent-du-Boulay, dans l'Eure, a pourtant presque failli jeter l'éponge en 2018, prêt à prendre sa retraite. Mais il fut en quelque sorte réveillé par Loïck Peyron, vainqueur de la Route du Rhum en 2014 et bien décidé, sur l'édition 2018, à naviguer d'une façon traditionnelle. Le dessinateur industriel et ajusteur, qui compte aussi Airbus parmi ses clients, fabrique désormais des sextants plus légers et plus résistants, l'aluminium ayant remplacé un métal plus lourd. Chaque objet, qui nécessite autour de 15 heures de travail, coûte entre 1 200 et 1 500 euros.
21 novembre 2024 à 11h06
Source : Le Point