Les deepfakes politiques envahissent TikTok. Des comptes fictifs comme Amandine Le Pen ou Léna Maréchal font la promotion du RN.
Si les deepfakes font florès sur Internet et tendent à s'incruster dans les campagnes électorales, certains tentent d'en tirer profit en faisant d'un parti en particulier la ligne éditoriale de leur compte TikTok. Ce parti, c'est le RN.
C'est le site RTS qui a repéré ces comptes. Amandine Le Pen, qui a rassemblé plus de 30 000 abonnés sur TikTok avant que son compte ne soit modifié et finalement banni à la suite de la publication de l'article sur le site d'actualité suisse, s'est forgé une communauté solide sur la plateforme. Se décrivant comme une « Française fière » qui vénère « sa tata », Marine Le Pen, elle agrémente chacun de ses posts (que Clubic a choisi de ne pas partager avec vous) d'un drapeau français.
Mais un détail, et non des moindres : Amandine Le Pen n'existe pas. Pire encore, de nombreux autres comptes similaires foisonnent sur le réseau social chinois. Si certains n'y voient que des comptes parodiques pour tenter de tourner la campagne électorale en dérision, d'autres y croient dur comme fer.
De faux comptes, mais une vraie viralité
Que ce soit des vacances à la plage, des escapades luxueuses à la montagne ou des séances de fitness à domicile, Amandine Le Pen, 24 ans, illustre son quotidien idyllique à ses abonnés, à l'instar de toute influenceuse. Ses posts sont généralement agrémentés de hashtags tels que « Lepen », « Famille », « RN » et « 2027 », faisant largement allusion aux élections européennes de 2024.
Cette jeune femme blonde aux yeux bleus, qui évite de s'adresser directement à la caméra, joue indéniablement sur sa ressemblance frappante avec Marine Le Pen et affiche fièrement son adhésion aux principes du Rassemblement national (RN). Elle exprime ouvertement son admiration pour Jordan Bardella, le leader du parti, et encourage ses abonnés à la rejoindre sur Telegram pour discuter du RN. Ses vidéos, qui suscitent de nombreux commentaires, sont partagées des milliers de fois, certaines atteignant même plus de 600 000 vues.
Mais elle n'est pas la seule à duper les fans de TikTok avec ce qui est un deepfake. Le compte de Léna Maréchal, créé fin mars 2024 et déjà suivi par près de 30 000 abonnés, utilise également l'image de la famille Le Pen grâce à l'intelligence artificielle. Certaines de ses vidéos, très similaires à celles d'Amandine, ont été vues plus d'un million de fois.
Dans ses publications, cette jeune femme encourage ses abonnés à suivre ses « meilleures amies » : Rose, qui se revendique 100 % française, Lucia Meloni, « droite pure souche », ou encore Chloé Le Pen. Les nombreux points communs dans les décors en arrière-plan et les vêtements portés par ces personnes suggèrent une origine commune derrière ces faux comptes.
Ces influenceuses virtuelles, à travers leurs poses suggestives, tendent à présenter une image glamour et rajeunie du parti. Certaines vidéos sont accompagnées de légendes à double sens, souvent truffées de fautes d'orthographe : « J'espère que je ne vais pas trop bronzer », ou « Pas mieux que de se réveiller et de voir que tout est blanc de neige ».
Le RN et Reconquête dénoncent, TikTok fait la sourde oreille
Alors que certains reconnaissent facilement ces vidéos comme des deepfakes, un grand nombre d'internautes semblent être dupés et expriment leur soutien aux partis de Marine Le Pen ou d'Éric Zemmour dans les commentaires. Heureusement, des avertissements sur la nature trompeuse de ces vidéos sont également disponibles dans les commentaires d'abonnés qui ont détecté le deepfake.
Il est d'ailleurs facile de pouvoir détecter un deepfake. Comme l'a expliqué Eny Sauvêtre, cofondateur de BRAIN Cybersecurity Awareness, certaines vidéos générées par l'IA présentent des incohérences entre les mouvements des lèvres et les paroles de la personne. Un léger décalage peut se produire. Il faut également observer les expressions faciales. Si le visage semble figé et statique, il pourrait s'agir d'un faux. Certains deepfakes négligent également les clignements des yeux, avec des personnages qui ne clignent jamais. La couleur de la peau est un autre indice : les deepfakes ont du mal à reproduire la réflexion de la lumière sur la peau humaine. Enfin, des différences de qualité ou de résolution entre le visage et le reste de la vidéo peuvent trahir un contenu généré par l'IA.
Interrogé par BFMTV, le Rassemblement national nie toute association avec ces comptes anonymes. « Nous ne produisons aucune falsification, je suis contre toute forme de tromperie », déclare l'eurodéputé Philippe Olivier. D'après lui, la famille Le Pen est mécontente de l'utilisation de ces images, à tel point que le parti a envisagé d'engager des poursuites judiciaires, avant de finalement se rétracter, étant donné qu'ils sont « en pleine campagne électorale ».
Alors que les élections européennes approchent, ce phénomène relance la discussion sur la propagation de contenus fallacieux et trompeurs sur TikTok et le manque de contrôle de l'application, qui s'est pourtant engagée en février 2024 à lutter contre la désinformation sur sa plateforme. D'après une recherche menée par NewsGuard, une entreprise spécialisée dans la lutte contre les fake news, 20 % des vidéos abordant des sujets d'actualité sur TikTok seraient du contenu trompeur.
Sources : Le Parisien, RTS, BFMTV, NewsGuard