Une vidéo TikTok montrant Michel Barnier annoncer l'installation de boîtiers connectés dans les voitures pour taxer les kilomètres parcourus affole les réseaux sociaux. Il s'agit en réalité d'un deepfake créé par intelligence artificielle.
Le projet de loi de finances 2025 inquiète aussi bien les observateurs que les internautes, notamment à cause d'une vidéo vue près de 2 millions de fois sur TikTok en un peu plus d'une semaine. On y voit le Premier ministre Michel Barnier annoncer sur TF1 l'installation obligatoire de boîtiers connectés dans les véhicules pour taxer chaque kilomètre parcouru à hauteur de 0,5 centime, autrement dit la pose d'un mouchard. Une annonce qui a provoqué un tollé... avant d'être démasquée comme une création par IA.
Anatomie d'un deepfake viral sur l'installation d'un mouchard dans les voitures
La vidéo en question, publiée par le compte l_ochju_corsu sur le réseau social TikTok, met en scène un échange entre la journaliste Anne-Claire Coudray et Michel Barnier, lors du 20 Heures de TF1. Si les images sont authentiques, puisque issues d'une interview du 6 septembre dernier, les voix ont été habilement manipulées grâce à des logiciels d'intelligence artificielle disponibles en ligne. Le créateur lui-même confirme la simplicité déconcertante de cette manipulation.
Malgré la mention « contenu parodique » en introduction de la vidéo et la nature humoristique revendiquée du compte (qui se dit « Humours parodie IA »), de nombreux internautes ont pris l'information au pied de la lettre. La qualité troublante du montage y est évidemment pour beaucoup : les voix sont, il faut le dire, parfaitement reproduites et le contexte du projet de loi de finances 2025, qui pourrait aboutir au prélèvement de nouvelles recettes fiscales, rend la manipulation particulièrement crédible.
Le phénomène s'est rapidement amplifié avec la reprise massive de la vidéo par d'autres comptes TikTok, qui sont nombreux à avoir oublié, parfois délibérément, comme pour participer à la mascarade, de mentionner la nature parodique du contenu. Le compte Lemercenair, par exemple, a généré près de 160 000 vues avec cette désinformation. La plateforme, restée passive face aux signalements qui se multiplient, estime que ces contenus ne violent pas ses « consignes communautaires ».
Une alerte sur la propagation des deepfakes
Ce nouveau bad buzz illustre la démocratisation inquiétante des deepfakes et deepvoices, ces contenus manipulés par intelligence artificielle. Le créateur de la vidéo admet avoir utilisé des outils payants, certes, mais aisément accessibles en ligne. On peut d'ailleurs s'interroger sur la facilité déconcertante avec laquelle n'importe qui peut désormais créer des contenus trompeurs d'apparence authentique.
La viralité de cette fausse information attire une fois de plus l'attention sur les limites de la modération sur les réseaux sociaux. Malgré l'évidence de la manipulation et les nombreux signalements, un vide juridique évident permet à TikTok de refuser d'intervenir. Que doit-on penser de cela, alors que la désinformation par deepfake devient un enjeu majeur de notre consommation d'information en ligne ?
Pour les internautes, le problème pousse d'autant plus à la vigilance. Sans franche régulation dans les mois ou les années à venir, il va falloir prendre le réflexe de, systématiquement ou presque, vérifier les sources d'information, particulièrement lorsqu'il s'agit de contenus sensationnels ou polémiques, touchant par exemple au pouvoir d'achat. Et si certains en doutaient encore, non, le gouvernement Barnier n'installera pas de mouchard dans nos voitures.
Source : TikTok @l_ochju_corsu