La Commission européenne a Corning, le géant américain qui fabrique le Gorilla Glass de nos smartphones, dans son viseur. Soupçonné d'avoir étouffé la concurrence et maintenu des prix élevés, le leader mondial du verre protecteur fait l'objet d'une enquête antitrust.

Corning et ses verres Gorilla Glass sont dans le viseur des autorités européennes © Alexandre Boero / Clubic
Corning et ses verres Gorilla Glass sont dans le viseur des autorités européennes © Alexandre Boero / Clubic

Le géant américain du verre, Corning, connu pour son Gorilla Glass qui protège nos smartphones, est placé sous le regard suspicieux de Bruxelles. La Commission européenne a annoncé, ce mercredi 6 novembre 2024, avoir ouvert une enquête sur de possibles pratiques anticoncurrentielles de l'entreprise, qui pourrait avoir maintenu les prix artificiellement élevés et freiné l'innovation.

Les consommateurs et leurs appareils mobiles seraient les premiers impactés par les pratiques présumées de Corning. Le fabricant de verre, qui collabore avec les plus grands noms de la tech comme Apple, Samsung, Google ou encore Tesla, aurait mis en place un système d'accords d'exclusivité avec les fabricants de smartphones et les transformateurs de verre.

Corning, un géant du verre sous haute surveillance

Fondée en 1851, Corning s'est imposée comme un acteur incontournable dans l'industrie du verre haute technologie. Son produit phare, le Gorilla Glass, équipe aujourd'hui la majorité des smartphones premium, des tablettes et des montres connectées, citons par exemple l'iPhone 15 ou le Google Pixel 9. On parle ici d'une dominante sur le marché du verre alcalin-aluminosilicate, qui lui confère une influence jugée considérable dans l'industrie mobile.

La Commission européenne s'inquiète particulièrement des accords conclus par Corning avec les fabricants d'équipements d'origine (OEM). Les OEM les plus connus sont Foxconn, Pegatron, Quanta Computer, Wistron ou BOE Technology Group. Ces accords incluraient des clauses d'approvisionnement exclusif, obligeant les fabricants à se fournir presque exclusivement auprès de Corning. Un système de rabais conditionné à ces exclusivités aurait également été mis en place.

Les « English clauses » constituent un autre point de préoccupation majeur. Ces dispositions contractuelles forceraient les OEM à informer Corning des offres concurrentes, ce qui lui donnerait un avantage pour maintenir sa position dominante. Une pratique qui pourrait étouffer la concurrence et l'innovation.

Des pratiques qui impactent toute la chaîne de production

Les accords avec les « finisseurs », ces entreprises qui transforment le verre brut en produit final, sont également dans le collimateur de Bruxelles. Corning leur aurait imposé des obligations d'achat exclusif et aurait considérablement limité leur liberté de choix en matière d'approvisionnement. Cette situation pourrait avoir créé un goulot d'étranglement dans la chaîne de production, dit la Commission.

Des clauses particulièrement restrictives empêcheraient ces finisseurs de contester les brevets de Corning. Et cette limitation de la contestation des droits de propriété intellectuelle pourrait avoir freiné l'émergence d'alternatives innovantes sur le marché. Un point crucial quand on sait l'importance de l'innovation dans ce secteur technologique.

La portée de ces accords soulève des questions sur leur impact global. En verrouillant à la fois les fabricants et les transformateurs, Corning aurait pu créer un écosystème fermé, limitant de fait l'entrée de nouveaux acteurs et maintenant des prix artificiellement élevés pour les consommateurs.

Vers une transformation du marché ?

L'enquête de la Commission européenne pourrait marquer un tournant dans l'industrie du verre pour appareils mobiles. Si les pratiques présumées sont avérées, Corning pourrait faire face à des sanctions significatives au titre du fameux article 102 du TFUE, qui interdit l'abus de position dominante.

L'entreprise américaine a désormais l'opportunité de proposer des engagements pour répondre aux préoccupations de la Commission. Cette phase pourrait aboutir à une restructuration importante des accords commerciaux dans le secteur, ce qui ouvrirait alors, sur le papier du moins, la voie à plus de concurrence et d'innovation.

La durée de l'enquête, elle, reste indéterminée. Une transformation du marché pourrait bénéficier aux consommateurs, avec des prix qui pourraient potentiellement être plus bas pour nos appareils électroniques. À moins que les marques n'en profitent pour augmenter un peu plus encore leurs marges. Mais ça, c'est une autre histoire.

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