Une guerre des ondes se profile : la bande 6 GHz cristallise les tensions entre les industriels du Wi-Fi et de la téléphonie mobile. Chacune revendique ce spectre pour ses innovations, comme la 6G, le Wi-Fi 7 ou le métavers.
Sans que l'on puisse en avoir conscience, l'avenir des télécommunications en France se joue peut-être dans une bataille silencieuse, mais intense. Au cœur du conflit, on retrouve la bande 6 GHz haute (fréquences 6 425 à 7 125 MHz), convoitée aussi bien par les acteurs du Wi-Fi que par ceux des réseaux mobiles. Et pensez bien que l'enjeu est de taille : cette bande de fréquences pourrait révolutionner l'internet domestique, avec le Wi-Fi 7, ou accélérer l'avènement de la 6G. Mais il sera impossible de satisfaire pleinement les deux camps, comme le souligne bien l'Agence nationale des fréquences (ANFR).
Le Wi-Fi 7 en embuscade
Le camp du Wi-Fi 7 avance des arguments solides. Cette bande viendrait naturellement compléter la portion 5 925-6 425 MHz, déjà harmonisée en Europe depuis 2021. Les États-Unis, et plusieurs pays asiatiques, ont d'ailleurs franchi le pas, en rendant de nombreux équipements actuels compatibles avec ces fréquences.
L'arrivée du Wi-Fi 7 renforce cette position. Cette nouvelle génération pourrait exploiter des canaux allant jusqu'à 320 MHz de largeur, en nous promettant des débits gigantesques. Ce serait évidemment une chance pour les futurs usages gourmands en bande passante, pensons notamment à la réalité virtuelle ou au métavers.
Le besoin se fait pressant face à l'objectif européen du fameux « gigabit pour tous », qui ressemble aujourd'hui à une belle utopie. Ce qui est certain, c'est que sans cette extension de spectre, le Wi-Fi pourrait devenir un goulot d'étranglement, limitant les performances des connexions domestiques, malgré la fibre optique.
La 6G en ligne de mire
Les opérateurs mobiles ne l'entendent pas de cette oreille. Selon le dernier rapport de l'équipementier Ericsson, le trafic mobile pourrait plus que doubler en Europe occidentale d'ici 2029. Pour les opérateurs, la bande 6 GHz représente à ce stade la seule option viable pour déployer la future 6G supersonique.
Cette bande intermédiaire offre il est vrai un compromis idéal entre couverture et débit. Et de l'autre côté, les alternatives ne sont pas franchement réjouissantes : il faudrait multiplier les antennes peu populaires auprès des consommateurs, ou se contenter des bandes millimétriques à la portée très limitée.
L'histoire plaide plutôt en la faveur des opérateurs. Chaque nouvelle génération de réseau mobile, qu'il s'agisse de la 3G, de la 4G ou de la 5G, fut accompagnée de l'attribution de nouvelles fréquences. La 6G ne devrait pas faire exception.
Un compromis technique encore complexe
Les études techniques dont on a connaissance révèlent la difficulté certaine d'un partage. Une cohabitation de la bande 6 GHz nécessiterait de réduire de façon drastique la puissance des stations de base mobiles. Cela compromettrait leur efficacité, particulièrement en intérieur.
Alors, des solutions émergent. Citons par exemple l'amélioration de la détection des signaux mobiles par les équipements Wi-Fi. Leur mise en œuvre soulèvera par contre des questions de coût mais aussi de compatibilité à long terme avec l'évolution des deux technologies.
Quoi qu'il en soit, la décision finale, attendue au niveau européen, devra trancher entre ces visions concurrentes. Chaque camp affûte ses arguments, conscient que l'avenir de leurs innovations respectives pourrait dépendre de cette bande stratégique.