La startup française Lhyfe propose une solution inédite pour lutter contre l'asphyxie des océans. Son idée, plutôt à contrecourant de l'actualité qui vise à la dépollution, est d'injecter l'oxygène coproduit lors de la fabrication d'hydrogène vert en mer directement dans les profondeurs de la mer Baltique.

 Une vague de nouveautés pour sauver les océans de la pollution - © immfzi / Shutterstock
Une vague de nouveautés pour sauver les océans de la pollution - © immfzi / Shutterstock

Les océans suffoquent. Selon Aurélien Paulmier, biogéochimiste à l'Institut de recherche et de développement (IRD), depuis les années 1960, le nombre de zones mortes, soit sans oxygène, a été multiplié par quatre au large des côtes, et par dix dans les espaces côtiers. La mer Baltique figure parmi les cas les plus préoccupants de cette désoxygénation galopante.

Mais plutôt que de s'attaquer aux causes — la pollution et le réchauffement climatique — une entreprise française préfère miser sur un remède technologique. Lhyfe, spécialiste de l'hydrogène vert, s'est associée à Flexens et à l'Université de Stockholm pour tester l'injection d'oxygène pur dans les profondeurs marines.

Une solution qui rappelle les systèmes d'oxygénation des aquariums, mais à l'échelle d'une mer entière. Le projet, baptisé BOxHy, a déjà reçu l'approbation des Nations Unies.

L'électrolyse offshore pourrait produire 1 600 tonnes d'oxygène par jour

La nature nous met parfois la solution sous le nez sans que l'on songe à l'exploiter. Après la découverte d'« oxygène noir » dans les tréfonds des océans, la molécule indispensable à toute forme de vie est au cœur d'un projet qui repose sur un principe simple : lors de la production d'hydrogène par électrolyse de l'eau de mer sur des plateformes offshore, huit kilos d'oxygène sont générés pour chaque kilo d'hydrogène produit. Jusqu'ici, cet oxygène n'était pas valorisé.

Lhyfe propose d'utiliser ces importantes quantités — jusqu'à 1 600 tonnes quotidiennes pour un site produisant 200 tonnes d'hydrogène — pour redonner vie aux zones marines asphyxiées. L'oxygène serait injecté sous forme de microbulles via un système de tuyaux plongeant dans les profondeurs, en dessous de la zone où se produisent les variations de densité de l'eau. Trois sites potentiels ont déjà été identifiés le long des côtes de la Baltique pour accueillir ce projet expérimental de six ans.

Les partenaires ont établi une dizaine de critères de sélection, prenant en compte aussi bien les aspects techniques qu'environnementaux : présence d'anoxie, bathymétrie, infrastructure existante, réglementation locale.

Valoriser l'oxygène généré par l'hydrogène, le projet de cette startup française - © Kelly Marken / Shutterstock
Valoriser l'oxygène généré par l'hydrogène, le projet de cette startup française - © Kelly Marken / Shutterstock

Les scientifiques restent sceptiques sur l'efficacité d'une telle solution

Si, sur le papier, l'idée de recyclage et valorisation pour redonner vie aux océans paraît excellente, la communauté scientifique accueille ce projet avec un enthousiasme très modéré. Car même si la technique a déjà fait ses preuves dans des lacs aux États-Unis, en Allemagne et en Suisse, son application en milieu marin coule moins de source.

Selon nos confrères du Parisien, Catherine Jeandel, spécialiste de géochimie marine au CNRS, considère qu'il est « complètement dingue » d'envisager une réoxygénation à l'échelle des océans. Encore moins optimiste, Aurélien Paulmier considère que l'injection artificielle d'oxygène pourrait créer un effet pervers : plus on en ajoute, plus les bactéries en consomment, générant davantage de CO2 et libérant des nutriments qui alimentent la prolifération d'algues. Un cercle vicieux qui ne ferait qu'aggraver le problème initial.

Jean-Philippe Jenny de l'INRAE compare quant à lui cette approche à un « patch à oxygène » qui, au mieux, soulagera temporairement les symptômes sans guérir la maladie. La vraie solution passerait plutôt par une réduction drastique des rejets domestiques, industriels et agricoles qui continuent d'asphyxier les eaux côtières.

La Chine, l'un des pays les plus pollueurs de la planète, pourrait ouvrir cette voie en visant sa neutralité carbone à 2060. De quoi organiser encore quelques COP.

Source : Le Parisien (accès payant par abonnement)