Une équipe de chercheurs des Caraïbes veut bousculer la mobilité verte en convertissant la sargasse, une algue envahissante et malodorante, vrai fléau local, en biocarburant pour alimenter les voitures.
Les plages paradisiaques des Caraïbes font face depuis 2011 à un envahisseur malodorant : les sargasses, une algue brune qui s'échoue massivement sur les côtes. Mais ce qui était considéré comme une catastrophe écologique et touristique pourrait finalement devenir une opportunité énergétique majuscule. Une équipe de scientifiques de l'Université des West Indies (UWI), à la Barbade, vient de réussir un exploit : faire rouler une voiture avec un biocarburant créé à partir de ces algues.
L'algue comme carburant, une innovation née d'une crise environnementale
Le projet est né d'une observation simple de Brittney McKenzie, une étudiante qui a remarqué le nombre impressionnant de camions mobilisés pour débarrasser les plages de ces algues. Sous la direction du docteur Legena Henry, connue comme experte en énergies renouvelables, l'équipe a développé un procédé unique combinant les algues sargasses avec des eaux usées de distilleries de rhum locales.
L'innovation, relayée par la BBC, a rapidement attiré l'attention internationale. En 2019, lors d'une présentation à l'Assemblée générale de l'ONU à New York, le projet avait déjà séduit la Fondation Blue Chip qui a depuis investi 100 000 dollars pour développer cette technologie ô combien prometteuse. Ce soutien a permis d'accélérer les recherches et les expérimentations.
La biologiste Shamika Spencer a ensuite rejoint l'équipe pour optimiser le mélange entre algues et eaux usées, pour aboutir à la création d'un biogaz compressé naturel. Les tests sur une Nissan Leaf ont d'ailleurs démontré l'efficacité de ce carburant innovant.
Une solution accessible et évolutive
Ce projet est d'autant plus prometteur qu'il jouit d'une franche simplicité d'adoption. Imaginez que n'importe quelle voiture peut être adaptée pour fonctionner avec ce biocarburant, moyennant tout de même une installation de quatre heures, et un investissement d'environ 2 500 dollars. Voilà une solution particulièrement intéressante pour les pays des Caraïbes, fortement dépendants des importations de carburants fossiles.
Aujourd'hui, l'initiative est portée par la société Rum and Sargassum Inc., qui vise maintenant le déploiement à plus grande échelle. En France, la Martinique est, entre autres, de plus en plus touchée par l'échouement d'algues sargasses. Le docteur Legena Henry estime qu'un investissement de 7,5 millions de dollars permettrait d'alimenter 300 taxis à la Barbade, un honnête démarrage. Des discussions sont en cours avec l'USAID, l'Union européenne et des banques de développement.
La technologie présente un potentiel international significatif. Il faut bien avoir conscience que les algues sargasses n'affectent pas uniquement les Caraïbes, mais aussi l'Afrique de l'Ouest, l'Amérique du Sud et la Floride.
Des perspectives d'avenir encourageantes
Les chercheurs continuent d'explorer d'autres applications possibles de l'algue pyante. L'UWI travaille notamment sur le développement de produits antiparasitaires, ce qui élargirait le champ des possibilités offertes par cette ressource auparavant considérée comme nuisible.
L'équipe scientifique prévoit la construction d'une station de biogaz pour remplacer les installations actuelles. Ell aidera, une fois bâtie, à augmenter la production de manière significative et à démontrer la viabilité commerciale du projet, pour ainsi ouvrir la voie à une adoption plus large de cette technologie verte.
Tout cela illustre parfaitement comment une problématique environnementale peut se transformer en opportunité économique. Elle démontre également la capacité des petites nations insulaires à développer des solutions technologiques d'envergure mondiale pour lutter contre le changement climatique.
Source : BBC