En lançant son nouvel onglet « Santé » en 2025, Doctolib pourrait également jeter un énorme pavé dans la mare. Cette nouvelle option pourrait en effet l concurrencer « Mon espace santé ». L'Assurance-maladie monte au créneau et réclame des explications.

Les grandes ambitions de Doctolib vont-elles se faire couper l'herbe sous le pied par l'Assurance maladie ? - ©  Studio / Shutterstock.com
Les grandes ambitions de Doctolib vont-elles se faire couper l'herbe sous le pied par l'Assurance maladie ? - © Studio / Shutterstock.com

La frontière entre le privé et le public serait-elle en train de disparaître ? Doctolib, l'incontournable application de santé et ses 50 millions d'utilisateurs vient de dégainer une nouvelle carte qui donne des aigreurs d'estomac : un onglet baptisé « santé » prévu pour 2025. Il permettra aux patients de centraliser leurs informations médicales, de leurs antécédents, à leurs vaccins, le tout avec l'argument massue de la simplicité. Si vous y percevez un air de déjà-vu, c'est normal, « Mon espace santé », de l'Assurance maladie propose les mêmes options.

Quand Doctolib défie le monopole public sur les données médicales

Thomas Fatôme, directeur général de l'Assurance-maladie, n'a pas tardé à défendre son pré carré. Qu'on en juge : après des années de développement, « Mon espace santé » a enfin réussi à convaincre 15 millions d'utilisateurs de centraliser leurs données médicales dans un coffre-fort numérique géré par le service public. Un parcours du combattant dont l'administration garde quelques stigmates. Et voilà que Doctolib, entreprise privée, propose une solution quasi identique, avec la promesse d'un partage instantané et d'une ergonomie rodée.

« Nous avons toujours considéré comme utile, pertinent et même nécessaire que des acteurs privés et publics soient embarqués dans la même feuille de route sur le numérique en santé, et c’est ce qui se passe, ce qui est très positif », déclare Thoma Fatôme. « Mais le lieu de référence de l’hébergement des données de santé, c’est le service public, avec "Mon espace santé", c’est un choix du législateur, et il y a une vraie ambiguïté à en proposer un autre », déplore-t-il.

Le son de cloche n'est pas du tout le même pour le patron de Doctolib, Stanislas Niox-Chateaun pour lequel « il ne s’agit pas de privatiser le "carnet de santé numérique" ou de créer un autre coffre-fort numérique. Nos logiciels sont les premiers contributeurs de la plateforme publique "Mon espace santé" », affirme-t-il.

Un autre scénario que l'Assurance-maladie redoute est de voir ses investissements numériques phagocytés par un acteur privé. Stanislas Niox-Chateau assure que ce n'est pas le cas, brandissant même le fait que l'État est actionnaire via la Banque publique d'investissement. Mais la méfiance demeure tenace.

La page d'accueil de Mon espace santé par Ameli - © ameli.fr
La page d'accueil de Mon espace santé par Ameli - © ameli.fr

Comment une administration a tenté de torpiller Doctolib dans les coulisses

L'épisode prend des allures de guerre froide administrative. La délégation du numérique en santé (DNS), dépendant du ministère, a discrètement fait circuler une tribune dénonçant le risque de « privatisation » du carnet de santé numérique. Manœuvre subtile : la DNS a contacté directement des syndicats médicaux et associations de patients pour faire signer ce texte, sans y apparaître elle-même.

Un coup bas qui a fait réagir Franck Devulder, patron de la Confédération des syndicats médicaux français : « C'est quoi ce bin's ? » La ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, n'aurait même pas été informée de cette manœuvre. Doctolib, choqué, dénonce des « fake news » et questionne le rôle de son autorité de tutelle. Le ministère de la Santé, pris la main dans le sac, invoque pudiquement son « devoir de neutralité ». « Si la participation de membres de la DNS, autrement dit de notre administration, est établie, il appartiendra au ministère de la Santé de prendre les décisions adéquates pour que cela ne se reproduise pas ».

Quoi qu'il en soit, l'Assurance maladie a demandé des clarifications à Doctolib.

Source : Le Monde (accès payant par abonnement)