Des dizaines de millions d'euros en cryptos, des centaines de milliers d’utilisateurs et une traque de plusieurs années : Crimenetwork, le roi du cybercrime germanophone, est mort.

Fin de partie pour Crimenetwork : la police démantèle le plus grand hub cybercriminel germanophone © Vloneoneal / Shutterstock
Fin de partie pour Crimenetwork : la police démantèle le plus grand hub cybercriminel germanophone © Vloneoneal / Shutterstock

Crimenetwork, cœur battant du cybercrime allemand, n’est plus. La plateforme, active depuis plus de dix ans et considérée comme la plus grande marketplace illégale germanophone, fournissait tout ce que le dark web peut offrir de pire, ou presque : données bancaires volées, faux documents, drogues. Mais après des années de traque, les autorités ont frappé. L’arrestation de son administrateur et la saisie des serveurs marquent la fin d’un réseau qui semblait intouchable.

100 000 utilisateurs, 93 millions d'euros de transaction

Créée en 2012, Crimenetwork s’était imposée comme carrefour incontournable des activités illégales germanophones. Les internautes y achetaient de tout : bases de données volées, documents falsifiés, services de hacking, et substances illicites. Au sommet de sa gloire, la plateforme fédérait une communauté relativement impressionnante, à raison de plus de 100 000 utilisateurs, une centaine de vendeurs, et des transactions atteignant des dizaines de millions d’euros.

Si la success story de Crimenetwork est aussi marquée, c’est parce que son mode de fonctionnement reposait sur deux facteurs favorables à son développement : l’anonymat garanti par les cryptomonnaies (Bitcoin et Monero), et une interface intuitive qui facilitait les échanges. Entre 2018 et 2024, le volume des transactions est estimé à plus de 93 millions d’euros, sur lesquels la plateforme aurait perçu une commission de 5%, en plus de revenus publicitaires et de cotisations mensuelles versées par les vendeurs. Un business florissant à plus de 5 millions de dollars cumulés sur six ans, qui n’a donc pas su rester suffisamment discret pour échapper aux radars.

Car les autorités allemandes surveillaient cet écosystème depuis des années. Objectif : identifier les failles de la plateforme, tracer les flux financiers et remonter jusqu’aux cerveaux derrière cette machine bien huilée. Une enquête minutieuse qui a permis d’amasser suffisamment de preuves pour frapper au bon moment et démanteler le réseau.

En six ans, Crimenetwork a enregistré plus de 93 millions d'euros de transactions, dont 90 millions en bitcoins ©Skorzewiak / Shutterstock
En six ans, Crimenetwork a enregistré plus de 93 millions d'euros de transactions, dont 90 millions en bitcoins ©Skorzewiak / Shutterstock

Encore une bataille de gagnée, mais la guerre n'est pas finie

Lundi dernier, la police allemande, assistée par le Bureau central de lutte contre la cybercriminalité (ZIT) et l’Office fédéral de la police criminelle (BKA), a finalement mis Crimenetwork hors service. L’ensemble de l’infrastructure technique de la plateforme a été saisi, tandis que l’administrateur principal, un homme de 29 ans répondant au pseudo de Techmin, a été arrêté. La BKA a également confirmé avoir mis la main sur d’autres informations concernant des utilisateurs et utilisatrice de la marketplace, et pourrait procéder à d’autres arrestations dans un futur proche.

Cette opération s’inscrit dans une offensive allemande plus large contre les marketplaces illégales en ligne. En mars 2024, c’est Nemesis Market, un autre hub majeur, qui tombait. En novembre dernier, les autorités locales frappaient à nouveau, épaulées par des partenaires internationaux (FBI, Europol, UK National Crime Agency et agence polonaise de lutte contre la cybercriminalité) dans le cadre de l’opération « PowerOFF », et saisissait Dstat, plateforme commercialisant des services DDoS. Ce dernier coup de filet avait notamment conduit à l’arrestation de deux personnes, dont le responsable du site.

Mais, comme toujours, fermer des services de cybercriminalité ne suffit pas. Les démantèlements de Crimenetwork, Nemesis et Dstat représentent certes des victoires symboliques, mais ils ne signent pas la fin de des marketplaces illégales. D’autres plateformes émergeront pour les remplacer, et celles tombées pourraient éventuellement réapparaître sous d’autres noms. En bref, les autorités nationales et internationales ont encore du pain sur la planche.