Le ministère de la Culture lance une mission pour moderniser le calcul de la taxe sur la copie privée, inchangé depuis 2012. Une probable refonte impacterait le montant prélevé sur nos smartphones, tablettes et ordinateurs, actuellement plafonné à 14 euros par appareil.
Une fois de plus, la copie privée fait débat. Sa méthodologie actuelle, vieille de 12 ans, ne reflète plus vraiment la réalité du marché numérique. Rachida Dati, la ministre de la Culture, a donc confié à Pierre-Jean Benghozi, directeur de recherche au CNRS, le soin d'y remédier. Ce dernier a la lourde tâche de proposer une nouvelle approche d'ici le mois de mars. La taxe copie privée, reversée aux sociétés de gestion collective comme la SACEM, finance encore une part substantielle de la création culturelle française.
Une taxe copie privée en décalage avec son temps
La taxe pour copie privée, dont il fut un temps envisagé la suppression, est une redevance payée sur certains appareils et supports numériques (comme les clés USB, les disques durs), pour compenser les auteurs pour les copies personnelles de leurs œuvres. En 2024, son montant est par exemple de 10,08 euros pour un smartphone reconditionné, et 10,92 € pour une tablette reconditionnée. Pour les disques durs externes, elle est de 6 euros pour une capacité inférieure à 5 To, 10 euros pour une capacité entre 5 et 10 To, et 15 euros pour une capacité supérieure à 10 To.
La commission copie privée, qui réunit ayants droit, fabricants et consommateurs, utilise toujours des références de prix obsolètes. Par exemple, elle se base sur un DVD à 11,20 euros, alors qu'il ne coûte aujourd'hui qu'environ 5 euros. Même constat pour les Blu-ray, évalués à 22,30 euros à leur grande époque, contre 8,53€ en moyenne actuellement.
Les industries culturelles sont évidemment ravies, puisqu'elles perçoivent des montants plus élevés grâce aux anciennes références. Le système ignore également les nouvelles formes de consommation comme la vidéo à la demande, pourtant devenue incontournable. Poussons le bouchon un peu plus loin : pour le cinéma, le calcul utilise un tarif de place à 6,32 euros HT, bien loin des 7,04 euros observés en moyenne aujourd'hui.
Une formule complexe de calcul qu'il faut simplifier
L'Inspection générale des finances a critiqué cette méthodologie qu'elle estime dépassée. Elle pointe notamment l'inadéquation des barèmes face à l'évolution des capacités de stockage des appareils modernes, passées de 32 Go à plus de 1 To pour certains smartphones haut de gamme.
Le calcul actuel, rappelé par l'Informé, repose sur l'équation suivante : ((TR x V/CM)- A) x CO. Cette formule prend en compte le taux de référence, le volume de copies, la capacité moyenne d'enregistrement et divers coefficients d'ajustement, avec notamment un abattement de 85% sur la quote-part des ayants droit.
Cette méthode pose plusieurs problèmes. D'abord, elle s'appuie sur des études d'usage où les sondés peuvent sous-déclarer leurs pratiques de copie. Ensuite, elle peine à s'adapter à l'augmentation des capacités de stockage des appareils, avec des barèmes progressifs devenus inadaptés.
Du coup, plus de la moitié des smartphones se voient ainsi appliquer le tarif maximal de 14 euros pour les modèles neufs, malgré un barème théoriquement progressif. Les montants finaux font ensuite l'objet de négociations entre les différentes parties au sein de la commission, qui rappelons-le est composée de 12 représentants de la culture, 6 des consommateurs et 6 des fabricants.
Un vrai enjeu culturel en France
La réforme confiée à madame Dati, loin d'être simple, devra donc concilier les intérêts des créateurs et des consommateurs. La taxe représente toujours une source importante de financement pour la culture française, comme le rappelle le ministère à Pierre-Jean Benghozi. En 2022, elle a tout de même généré autour de 330 millions d'euros de recettes.
C'est à partir des résultats des études d'usage menées auprès des utilisateurs et en fonction des pratiques réelles que les taux seront ajustés, sachant qu'aujourd'hui, seules les copies de sources licites sont prises en compte dans les calculs.
La mission devra, enfin, proposer une méthodologie plus adaptée aux usages numériques actuels, en veillant à préserver à la fois la rémunération des créateurs et l'impact sur le prix des appareils. Le rapport final est attendu pour le 31 mars 2025.