© Assemblée nationale
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L'Assemblée nationale a adopté jeudi soir un amendement gouvernemental qui veut s'ériger en « compromis », mais qui n'empêchera pas les appareils électroniques avec une capacité de stockage d'être taxés de la redevance pour copie privée.

Le secteur du reconditionné était en alerte, l'UFC-Que Choisir s'en était aussi mêlée, mais finalement, la redevance copie privée sera bien appliquée à tous les smartphones, tablettes et autres appareils électroniques dotés d'une capacité de stockage. La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a en effet obtenu gain de cause en faisant adopter ce jeudi un amendement qui a de nouveau fait basculer la balance du côté des ayants droit. Et pas forcément du côté des consommateurs…

Le gouvernement estime avoir trouvé « un équilibre »

L'industrie de la musique a remporté l'ultime bataille, et donc la guerre de l'extension de la redevance copie privée au secteur du reconditionné. Les députés ont adopté à 58 voix pour et 8 contre (sur 71 votants et 66 suffrages exprimés) l'amendement n° 203, déposé par le gouvernement dans le cadre des discussions sur la loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France.

Le vote de cet amendement vient ainsi valider le barème fixé par la Commission copie privée le 1er juin 2021, alors même que le Sénat avait, lors de son adoption de la loi, décidé d'exonérer de redevance les produits reconditionnés. Le gouvernement et les ayants droit souhaitaient trouver une nouvelle source de revenus pour les producteurs de biens culturels, en soutenant aussi et au passage des activités culturelles sur tout le territoire.

© Capture d'écran de l'Assemblée nationale
© Capture d'écran de l'Assemblée nationale

L'amendement voté repose sur 3 principes, vantés par la ministre de la Culture comme permettant de trouver une sorte d'équilibre. D'abord, il vise à confirmer l'assujetissement des supports reconditionnés à la rémunération pour copie privée. Il supprime ainsi la mesure d'exonération votée précédemment par le Sénat, comme nous le disions plus haut.

Ensuite, cet amendement proposé par le gouvernement et soutenu par les membres de la majorité présidentielle conforte la décision prise par la Commission pour la rémunération de la copie privée, qui a tout récemment établi le fameux barème consacré aux produits reconditionnés, une première en France.

En troisième lieu, le texte prévoit que le barème voté par la Commission ne pourra pas être modifié avant le 31 décembre 2022, ce qui lui vaut d'ores et déjà une bonne année d'application, une fois que la loi sera définitivement adoptée, promulguée, puis publiée au Journal officiel.

Un barème sur le reconditionné qui ne sera sans doute pas sans conséquences sur le secteur

La ministre Roselyne Bachelot a rappelé qu'il existait toujours aujourd'hui, et sans doute plus que jamais, un contentieux judiciaire entre les ayants droit, au passage majoritaires dans la Commission pour la rémunération de la copie privée dont nous parlions, et les acteurs de la filière du reconditionnement. Il y a quelques jours, 1 600 artistes, auteurs et autres acteurs culturels avaient cosigné une tribune en faveur de cette rémunération, dans le Journal du Dimanche. Officiellement, le gouvernement se dit « prêt à accompagner le dialogue entre ces acteurs afin de faciliter la recherche d'accords ».

Il promet en effet de lancer une étude sur l'influence de cette redevance copie privée sur le secteur du reconditionné, qui pourrait être sévèrement touché par l'application du barème. Les députés ont d'ailleurs rejeté un amendement qui proposait de geler le barème jusqu'en 2025.

Avec cette redevance, et au moins jusqu'à la fin de l'année 2022, chaque smartphone reconditionné vendu avec une capacité de stockage comprise entre 32 et 64 Go sera frappé d'une taxe de 7,20 euros (7,80 euros pour les tablettes), au titre de la copie privée. Ce montant grimpe à 8,40 euros (9,10 euros pour les tablettes) pour les appareils supérieurs à 64 Go. On se rapproche ici assez nettement des tarifs du neuf, respectivement de 12 et 14 euros. Ainsi, un smartphone de 64 Go reconditionné rapportera aux ayants droit de la copie privée, sur son cycle de vie complet (achat neuf + achat reconditionné), la coquette somme de 22,4 euros.

Un amendement contre-productif ?

« On n'est pas sur des rémunérations qui vont conditionner l'acte d'achat » a essayé de défendre Roselyne Bachelot, qui évoque une solution « gagnant-gagnant ». Sauf que chaque hausse a ses conséquences, et si celle-ci n'est pas appliquée à l'achat, mais lors du processus de reconditionnement, nul doute que le secteur répercutera le coût supplémentaire sur le prix final pour le consommateur. Seules les entreprises issues de l'Économie sociale et solidaire seront exonérées de cette extension aux appareils électroniques reconditionnés.

Pourtant membre de la majorité, le député des Côtes-d'Armor, Éric Bothorel, s'est presque érigé en opposant de l'amendement gouvernemental. Soulignant d'abord le calendrier douteux du nouveau barème (voté avant la loi), il a rappelé que la redevance copie privée avant largement crû depuis 1987 (36 millions d'euros), avec 273 millions d'euros en 2020. L'élu affirme que l'extension de la redevance aux appareils reconditionnés fera des victimes du côté de la filière des reconditionneurs, « tout en réduisant le pouvoir d'achat des consommateurs qui ont un comportement écologiquement vertueux ».

Source : communiqué du gouvernement