L'ancien commissaire européen au numérique, Thierry Breton, réfute fermement les accusations de censure portées contre le DSA par les géants du web et leurs dirigeants, dont Elon Musk et Mark Zuckerberg. Il qualifie ces allégations de « pure manipulation ».
Thierry Breton en a gros sur la patate. Dans une interview donnée à nos confrères de Ouest-France, l'artisan de la législation européenne sur le numérique et du fameux DSA, le Digital Services Act, défend avec force la régulation des grandes plateformes.
Face aux critiques des dirigeants des géants américains qui invoquent la liberté d'expression, il expose la vision européenne d'un internet régulé, tout en réaffirmant le respect « absolu » de la liberté de parole. Les relations entre l'Union européenne et certaines plateformes comme Meta ou X sont plus froides que jamais.
Thierry Breton livre sa réponse cinglante sur les géants du numérique
On le sait, le DSA, dans le viseur de Mark Zuckerberg et Elon Musk, concerne les plateformes dites systémiques qui comptent plus de 45 millions d'utilisateurs dans l'Union européenne, soit 10% de la population de la zone. « Le DSA ne fait que remettre du droit dans la façon inédite et singulière dont on peut amplifier massivement, via les algorithmes, des propos à forte viralité », explique et rappelle Thierry Breton.
Cette régulation vise particulièrement à encadrer l'usage des algorithmes et leur impact sur la diffusion de l'information. En opposition aux défenseurs des plateformes qui crient à la censure venant du Vieux continent, l'ancien ministre français est catégorique. « C'est un mensonge, de la pure manipulation », dénonce-t-il.
Monsieur Breton souligne que l'Europe respecte la liberté d'expression, tout en maintenant certaines limites déjà existantes dans l'espace physique, comme l'interdiction des propos racistes ou l'apologie du terrorisme. Ces règles s'appliquent à toutes les plateformes opérant en Europe, qu'elles soient américaines, chinoises ou européennes.
L'arsenal juridique européen prévoit d'ailleurs des sanctions pouvant aller jusqu'à 6% du chiffre d'affaires en cas de manquement au règlement. Plus encore, « un juge peut aller jusqu'à suspendre temporairement la capacité d'émission en Europe de certains opérateurs en cas de récidive », ne manque pas non plus de rappeler Thierry Breton. Ces sanctions, qui doivent en théorie être dissuasives, ont pour but de garantir l'efficacité de la régulation.
10 janvier 2025 à 16h21
L'idée d'un réseau social européen pour concurrencer les GAFA de nouveau évoquée
Pour l'ancien commissaire au Marché intérieur, la cohésion européenne est cruciale. « Le modèle démocratique de l'Europe, qui fonde sa force, est directement visé. Beaucoup aimeraient avoir pour interlocuteur non pas une Europe forte et unie de 450 millions de citoyens, mais une Europe fragmentée », analyse-t-il.
Ce qui est vue comme une mise en garde intervient ici dans un contexte où la souveraineté numérique devient un enjeu majeur, face aux plateformes pouvant devenir incontrôlables. En ce qui concerne la dépendance technologique, Thierry Breton voit dans le marché numérique unique créé par le DSA, le DMA (Digital Markets Act) et le Data Act une vraie opportunité.
« La clé, on le sait, c'est l'innovation et la recherche dans lesquels l'Europe a des atouts considérables », affirme-t-il, évoquant même la possibilité d'un réseau social 100% européen, comme l'a fait juste avant l'avocat Constantin Pavléas, apparu sur Clubic. Thierry Breton ajoute que le continent dispose désormais des outils réglementaires nécessaires pour concrétiser cette ambition.
Malgré les sérieuses fragilités politiques actuelles en France et en Allemagne, qu'il qualifie de « passagères », Thierry Breton reste confiant. Il n'a « aucun doute » que le couple franco-allemand saura retrouver « la vigueur nécessaire et indispensable à notre projet européen ». Une position qui réaffirme sa conviction dans la capacité de l'Europe à s'imposer comme une puissance numérique majeure.
Source : Ouest-France