Interview : 7 raisons d'essayer Orion, le navigateur qui fait trembler Safari sur macOS et iOS

Initialement créé en 2019 par l'équipe du moteur de recherche Kagi, le navigateur Orion s'est enrichi au fil des années et reste aujourd'hui encore en bêta. Si l'idée d'un énième navigateur sur Chromium vous donne la nausée, pas de panique, ce dernier est basé sur WebKit et pourrait bien vous faire de l'œil. Son fondateur nous en dit un peu plus.

En publiant notre avis sur la dernière version de Safari cet été, nous avions apprécié plusieurs points, à commencer par un peu d'originalité au sein de cette masse de navigateurs basés sur Chromium. Entre un design soigné et minimaliste et une intégration poussée à macOS, Safari s'enrichit d'années en années. Mais bien plus confidentiel, Orion Browser repousse les limites et entend proposer une version survitaminée du navigateur Web d'Apple.

Interrogé par nos soins, Vladimir Prelovac, anciennement vice-président de GoDaddy et fondateur et PDG de Kagi affirme : "En 2018, j'étais un utilisateur satisfait de Safari, mais je remarquais de plus en plus la lenteur de son développement et l'absence de certaines fonctionnalités que je considérais essentielles pour un navigateur web. Parallèlement, nous lancions le moteur de recherche Kagi avec un modèle d'abonnement payant, et je me suis rendu compte que les navigateurs étaient encore plus importants que la recherche. J'ai également réalisé que tous les navigateurs sur le marché étaient financés par les données et l'attention des utilisateurs (via la publicité directe ou indirecte). Je souhaitais donc un navigateur que je pouvais financer directement avec mon argent, en ayant la certitude que toutes les décisions prises dans ce navigateur seraient dans mon meilleur intérêt."

Actuellement disponible sur macOS et iOS, le navigateur Orion devrait également s'inviter sur Windows et Android par la suite. C'est en tout cas listé sur la feuille de route. Voici 7 raisons de l'essayer et peut-être de l'adopter.

1. La prise en charge des extensions Chrome et Firefox

L’un des principaux points noirs de Safari, et probablement ce qui empêche bon nombre d'utilisateurs de migrer vers ce dernier, concerne la prise en charge des extensions. Safari n'en a que quelques-unes listées au sein de son App Store, beaucoup d'entre elles étant payantes.

De son côté, si Orion Browser est basé sur Webkit, il est compatible avec les extensions Safari, mais aussi celles de Chrome et de Firefox ! Il sera donc possible de retrouver tous les add-ons disponibles, tout en contournant les limites imposées par Google avec Manifest V3 pour les bloqueurs de pub.

Au sujet de cette prise en charge, M. Prelovac explique que les travaux ne sont pas faciles, "mais nous faisons de bons progrès. Nous avons implémenté environ 70% de toutes les API Webextension." Au travers de nos tests, nous n'avons en tout cas rencontré aucun problème.

Pour activer cette prise en charge il est nécessaire de se rendre dans les paramètres avancées du logiciel. Une fois installées, ces extensions s'affichent en haut à droite du navigateur et peuvent être masquées via un clic droit (désépinglées).

Mais alors si Kagi est en mesure d'apporter cette compatibilité sur Orion, pourquoi donc Apple ne la propose pas également pour Safari ? Selon Vladimir Prevolac, "je pense que c'est parce que c'est difficile. Il nous a fallu plus de trois ans pour adapter l'API Webextensions à WebKit. Et il semble que Safari n'ait pas autant d'importance pour Apple qu'Orion en a pour Kagi. Nous sommes vraiment passionnés et souhaitons tout simplement faire le meilleur navigateur sur Mac".

2. Des fonctionnalités de confidentialité

On le sait, Apple communique très largement sur les dispositifs de sécurité au sein de son navigateur. Mais Orion va un peu plus loin en adoptant une approche radicale avec une politique de "zéro télémétrie", garantissant qu'aucune donnée utilisateur n'est collectée ou envoyée à des serveurs tiers par défaut.

Nous retrouvons un bloqueur de publicités et de traqueurs activé dès l'installation. On obtient donc d'emblée une protection contre les publicités intrusives et le suivi en ligne. Pour obtenir ce niveau de protection sur Safari, il faut nécessairement passé par l'installation d'extensions.

Selon Orion, au démarrage du navigateur Edge, quelque 367 requêtes sont envoyées vers des serveurs distants, qu'il s'agisse de votre adresse IP ou de votre empreinte matérielle. De leurs côtés, Firefox, Chrome et Brave envoient respectivement 151, 91 et 70 requêtes. Orion n'en envoie tout simplement aucune.

Contre le tracking, Orion utilise non seulement le dispositif de protection Webkit implémenté au sein de Safari mais le combine à plusieurs listes pour un double bouclier. Il en résulte un mécanisme non seulement natif mais efficace. Ce dernier bloquerait 99,9% de toutes les publicités en ligne y compris celles de YouTube sur bureau ou mobile.

Sur une page de support dédiée, l'équipe d'Orion explique avoir repensé les mécanismes de défense contre le fingerprinting en bloquant directement les scripts invasifs. Les approches visant à tenter de masquer les empreintes sont jugées inefficaces, notamment si les pages Web embarquent des fingerprinters sophistiqués.

3. De meilleures performances

Au travers de nos tests, Safari affiche des performances plutôt moyennes. Ce n'est pas le navigateur le plus lent, mais pas le plus rapide non plus en comparaison, par exemple, à Brave. Mais, si Brave s'avère particulièrement rapide, ce n'est pas parce que Chromium est intrinsèquement plus rapide que Webkit, c'est surtout parce qu'il embarque des bloqueurs de trackers.

Orion est basé sur le moteur de Webkit mais les développeurs ont procédé a plusieurs optimisations. Il en résulte un chargement des pages bien plus rapide, une interface utilisateur plus réactive, mais aussi une meilleure utilisation de la mémoire.

Pourquoi avoir opté pour Webkit ? Son créateur est clair : "Pour les performances - WebKit est le moteur de rendu le plus rapide et le plus économe en énergie sur le matériel Apple, ce qui n'est pas surprenant puisqu'il est conçu par Apple. Et nous voulons qu'Orion soit le navigateur le plus rapide pour Mac."

Notons au passage qu'à l'instar d'Opera, nous retrouvons aussi un mode d'économie d'énergie, particulièrement pratique en déplacement pour prolonger un peu plus l'autonomie de son PC portable. Ce dernier met en hibernation les onglets inutilisés depuis plus de 5 minutes.

4. Des outils de productivité

Plusieurs navigateurs ont pris le parti d'introduire des onglets verticaux. Pour certains, cet affichage s'avère particulièrement efficace pour gérer un grand nombre de pages ouvertes sur grand écran. Orion Browser propose cet agencement en option avec en plus la possibilité de mettre en avant les pages web récemment consultées. Autant dire que cette fonctionnalité bien pratique permettra de s'y retrouver facilement parmi des dizaines d'onglets ouverts.

Pour Orion, il s'agit d'apporter assez de souplesse répondant aux besoins de plusieurs types d'utilisateurs. Son fondateur estime que "le navigateur est fondamentalement l'outil le plus intime que nous utilisons sur nos ordinateurs, et il est logique que les utilisateurs puissent l'utiliser de la manière qui leur convient."

Nous retrouvons par ailleurs l'IA du moteur Kagi pour le résumé des pages Web. Toutefois, son implémentation n'est pas intrusive, ni forcée. Rien à voir avec Aria sur Opera, par exemple. Pour en profiter, il est nécessaire de configurer Kagi comme moteur de recherche au sein des paramètres puis de s'authentifier avec son compte utilisateur. Un simple clic droit révèle l'option. C'est discret, subtile et efficace.

Au sujet de l'IA directement embarquée au sein des navigateurs, Vladimir Prelovac explique : "Cela peut être utile si c'est bien fait. Par exemple, nous avons intégré le Kagi Summarizer dans Orion, et c'est extrêmement pratique si vous souhaitez résumer un long article ou une vidéo YouTube. Nous avons récemment ajouté Kagi Translate, qui offre une traduction bien supérieure à celle des services tiers ou des traductions au niveau du système d'exploitation."

5. Une intégration dans l'écosystème d'Apple

Puisque le but est de faire tout simplement le meilleur navigateur sur macOS, Orion tire parti d'un maximum de composants natifs à l'écosystème d'Apple. Nous retrouvons, par exemple, la possibilité de créer plusieurs profils de navigation (eg. un profil personnel et un profil pour le travail) avec des favoris et des cookies distincts. Ils sont identifiés par des pastilles de couleur à gauche de la barre d'adresse.

Des outils sont aussi proposés pour migrer facilement ses favoris, cookies, et autres données de navigation sans perte d'information.

Les versions pour iOS et iPadOS d'Orion profitent pour leur part de la synchronisation via iCloud. Le navigateur mobile semble pour l'heure limité à un profil sélectionné par défaut sur le Mac. L'ergonomie reprend sans surprise celle de la version mobile de Safari. Le chargement des pages est rapide, mais l'interaction avec les réglages de l'application, peut parfois apparaître un peu saccadé (du moins sur un iPhone 15 Pro). On imagine que des optimisations seront apportées par la suite.

6. De nouvelles options de personnalisation

Un point que nous avions particulièrement apprécié chez Safari, c'est son mode compact. Ce dernier place sur une même ligne les onglets à l'horizontale ainsi que la barre d'adresse. Concrètement il suffit de cliquer sur n'importe quel onglet pour faire apparaitre le champ d'URL. Avec Orion les choses diffèrent de deux manières.

D'un côté, en mode compact, Safari déplace la barre d'adresse en fonction de l'onglet en cours de lecture, ce qui a créé pas mal de confusion chez certains internautes habitués à un agencement classique. Orion prend le parti d'afficher cette barre en permanence à gauche des onglets en cours de consultation. Mais, les développeurs ont introduit un mode encore plus compact baptisé "Mini Toolbar" qui réduit davantage l'affichage des éléments de navigation.

Et si cela ne vous suffit pas, Orion intègre également on mode Focus qu'il est possible d'activer via un raccourci clavier. Ce dernier masque tous les composants du navigateur pour faire la part belle à la page web en cours de lecture sans devoir nécessairement activer un mode plein écran. Cela facilite donc la gestion de plusieurs fenêtres au sein d'un même bureau virtuel.

7. Sortez du lot

Marre de Chromium et de ces interfaces plus ou moins similaires ? Alors ça tombe bien parce qu'en utilisant Orion et le moteur WebKit, cela contribue, avec Firefox, à maintenir la diversité des moteurs de rendu sur le web. Et cela reste crucial pour éviter la monopolisation du paysage internet par une seule technologie.

Zen Browser, Pale Moon, LibreWorf ou Waterfox sont des forks de Firefox. En voilà un qui change un peu et semble prometteur.

L'équipe d'Orion, composée de six développeurs, travaille actuellement à rendre open source tous les composants de son fork de Webkit.