En 2023, la France détienait le taux de spam téléphonique le plus élevé d'Europe avec 44% d'appels indésirables, selon un rapport de la société de protection contre les appels fraudyleux Hiya. Si ajourd'hui, elle est à égalité avec l'Espagne, ces appels continuent d'exaspérer les Français.

Chaque jour, des millions de Français décrochent leur téléphone pour répondre à des appels non sollicités. Le phénomène a pris une telle ampleur que 97% des Français se déclarent agacés par ces sollicitations, d'après un sondage de l'UFC Que Choisir cité par le député Pascal Lecamp sur France Info. Le rapport Global Call Threat Report de Hiya pour le troisième trimestre 2023 plaçait quant à lui la France en tête des pays européens les plus touchés par le spam téléphonique, avec un taux de 44%, juste devant l'Espagne à 42%.
Les techniques d'arnaque se multiplient, les escrocs utilisent désormais l'intelligence artificielle pour cloner des voix et tromper leurs victimes. Pour répondre à ce problème, les parlementaires français ont adopté une proposition de loi qui change radicalement l'approche du démarchage téléphonique. Le texte, voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, prévoit l'interdiction du démarchage sans consentement préalable.
La France est un terrain fertile pour les appels indésirables
En Europe, la France occupe une position peu enviable. Selon les données collectées par Hiya, 44% des appels provenant de numéros inconnus sont des spams. Au total, l'entreprise a identifié 6,55 milliards d'appels indésirables dans 39 pays au troisième trimestre 2023, soit 73 millions chaque jour. Les appels ont atteint un pic fin juillet avec 543 millions pendant la semaine du 24 juillet.
Les tactiques utilisées en France se concentrent principalement sur trois domaines : les fausses livraisons de colis, les arnaques bancaires et l'usurpation du fameux Compte Personnel de Formation (CPF). L'intelligence artificielle aggrave le problème. Les escrocs utilisent désormais les technologies de clonage vocal pour faire croire à leurs victimes qu'un proche est en danger et nécessite une aide financière immédiate.
« Comme moi, 97% des Français se déclarent agacés par ces appels intempestifs », déclare Pascal Lecamp, député MoDem de la Vienne et rapporteur de la proposition de loi. Le parlementaire précise : « Il y en a six par semaine selon le sondage, mais moi, j'en suis plutôt à six par jour ».
Malgré la mise en place du dispositif Bloctel en 2016, censé permettre aux consommateurs de s'opposer au démarchage, les appels continuent d'affluer. Les entreprises trouvent des moyens de contourner la législation actuelle. « Le contrat de l'État avec Bloctel ne marche pas », affirme sans détour le député Lecamp.
À l'échelle mondiale, le problème dépasse largement nos frontières. Le Chili (57%), l'Indonésie (56,5%), l'Argentine et Hong Kong (56% chacun) affichent des taux encore plus élevés que la France. Aux États-Unis, 22,3% des appels inconnus sont des spams.

La législation a été renforcée pour mettre fin aux appels non consentis
La proposition de loi « pour un démarchage téléphonique consenti et une protection renforcée des consommateurs contre les abus » entend bien renverser les rôles. Le texte, adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale après son passage au Sénat, inverse la logique actuelle. Désormais, les démarcheurs devront obtenir le consentement préalable des personnes avant de les appeler.
Le code de la consommation sera modifié dès l'entrée en vigueur de la loi. L'article L. 223-1 précisera qu'"il est interdit, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers agissant pour son compte, de démarcher téléphoniquement un consommateur qui n'a pas exprimé préalablement son consentement pour faire l'objet de prospections commerciales par ce moyen."
Quelques exceptions subsistent, notamment lorsque la sollicitation intervient dans le cadre d'un contrat en cours et en lien avec l'objet de ce contrat. Le démarchage reste également autorisé pour la fourniture de journaux, périodiques ou magazines.
Les sanctions prévues pour les contrevenants sont considérablement renforcées. Les entreprises qui ne respectent pas la législation s'exposeront à cinq ans d'emprisonnement et 500 000 euros d'amende pour une personne physique. Pour une société, l'amende pourra atteindre 20% du chiffre d'affaires moyen annuel.
Le gouvernement souhaitait une entrée en vigueur au 10 août 2026, date de fin du contrat avec Bloctel. Les députés ont préféré avancer cette échéance au 1er janvier 2026. « Les sociétés ont fait de la résistance et du lobbying à tous les députés. Elles ont dit qu'il leur fallait trois, quatre ou cinq ans pour se mettre en marche. Là, on leur demande d'être prêt dans 10 mois », explique Pascal Lecamp.
Cette législation ne pourra cependant pas régler le problème des appels provenant de l'étranger. C'est pourquoi les parlementaires envisagent déjà une action au niveau européen. « Les pays du nord de l'Europe, y compris l'Allemagne, ont mis quelque chose de similaire en place depuis plusieurs années. Il va falloir qu'on se concerte avec nos collègues députés européens pour qu'ils prennent le relais afin d'établir une directive européenne », précise le député MoDem.
La navette parlementaire se poursuit pour harmoniser les versions du Sénat et de l'Assemblée nationale. D'ici là, les Français continueront de recevoir des appels indésirables. Mais bientôt, ce sont les démarcheurs qui devront décrocher pour obtenir notre accord avant de nous appeler.
14 juin 2024 à 12h00
Source : The Times (accès payant), rapport HIYA 2024, rapport HIYA 2023, France Info, Assemblée nationale