Un consortium nippon vient de libérer en open source un système d'exploitation pour ordinateurs quantiques. Cette initiative pourrait bien abaisser de quelques centimètres les barrières techniques qui freinaient jusqu'alors l'accès à ces machines extraordinaires.

Ordinateur quantique d'IBM exposé au CES de Las Vegas, en 2020. © Audio und werbung / Shutterstock
Ordinateur quantique d'IBM exposé au CES de Las Vegas, en 2020. © Audio und werbung / Shutterstock

L'informatique quantique a longtemps été perçue comme un domaine réservé aux laboratoires d'élite et aux grandes entreprises technologiques, mais ce statu quo a évolué très rapidement ces dernières années. Entre le processeur Majorana 1 de Microsoft, la puce Willow de Google, les promesses de PsiQuantum et les récentes avancées sur les fermions de Majorana, l'informatique quantique a connu une superbe effervescence en peu de temps.

Son potentiel extraordinaire – la capacité de résoudre en quelques secondes des problèmes qui prendraient des milliers d'années aux superordinateurs classiques – restait inaccessible faute d'infrastructures logicielles adaptées. L'annonce de l'Université d'Osaka et de ses partenaires, est en ce sens une excellente nouvelle, puisqu'elle offre enfin aux chercheurs et développeurs un outil essentiel qui manquait à leur ceinture : un système d'exploitation standardisé et ouvert.

Un OS quantique enfin accessible

L'Université nippone a collaboré avec plusieurs partenaires ; Fujitsu Limited, Systems Engineering Consultants (SEC) et TIS Inc. ; pour développer OQTOPUS (Open Quantum Toolchain for Operators and Users). Disponible sur leur page Github, ce projet est certainement l'une des initiatives collaboratives les plus ambitieuses jamais lancées dans ce domaine.

Comme vous pouvez le voir sur le schéma technique ci-dessous, OQTOPUS s'articule autour de trois couches qui s'empilent pour former un pont entre l'utilisateur et le processeur quantique. La couche frontale (frontend layer) offre aux développeurs des outils (QURI Parts) programmer leurs applications. Au milieu, la couche cloud (OQTOPUS Cloud, Frontend et Admin) orchestre utilisateurs, données et tâches de calcul, pour gérer intelligemment les files d'attente et les priorités.

À l'arrière-plan, la couche backend mobilise OQTOPUS Engine (le moteur de contrôle des opérations quantiques) et le serveur Tranqu pour contrôler les opérations quantiques, avant que les instructions ne soient traduites en séquences d'impulsions par QDash (outil qui simplifie le flux de travail d'étalonnage et d'observation des qubits) et le Device Gateway (interface entre le OQTOPUS Engine et les contrôleurs). Deux composants indispensables pour assurer une communication efficace et précise entre le logiciel et le matériel quantique. Sans QDash et le Device Gateway, l'interaction entre le logiciel et le matériel quantique serait considérablement entravée, voire impossible.

Les plus avertis n'auront pas de mal à remarquer le premier avantage d'OQTOPUS : sa modularité, qui permet aux différentes couches d'évoluer indépendamment. Un aspect qui facilitera les mises à jour et l'adaptation à différents types de matériel quantique. Auparavant, universités et entreprises devaient développer en interne des logiciels complexes pour rendre leurs ordinateurs quantiques disponibles via le cloud. Avec cet OS, les entités du monde entier ont donc une solution standardisée et ouverte : un pas de géant pour la démocratisation de l'informatique quantique.

 Cette architecture ressemble à un traducteur universel entre notre monde classique et celui, déroutant, de la superposition quantique. © OQTOPUS Team
Cette architecture ressemble à un traducteur universel entre notre monde classique et celui, déroutant, de la superposition quantique. © OQTOPUS Team

Un déploiement imminent

L'Université d'Osaka n'a pas attendu pour intégrer OQTOPUS à son service cloud quantique. Fujitsu emboîtera le pas dans quelques mois, rendant cette technologie disponible pour ses partenaires recherche au second semestre 2025. Ces premiers déploiements serviront de test grandeur nature avant que d'autres acteurs puissent s'en emparer et cela permettra de s'assurer que le système est suffisamment robuste et convivial pour une adoption à grande échelle.

Comme l'explique le Dr Keisuke Fujii du Center for Quantum Information and Quantum Biology (QIQB) de l'Université d'Osaka : « cela facilitera la standardisation de divers logiciels et systèmes quantiques tout en stimulant la création d'applications quantiques innovantes ».

Avec un code en open source, ces quatre acteurs japonais prennent à contre-pied les approches fermées qui dominent encore l'informatique quantique. Un choix qui ne manque pas de nous rappeler la secousse qu'a provoquée Linux dans le monde des serveurs il y a quelques décennies. Mais ne nous emballons pas trop vite – son succès dépendra autant de la qualité technique que de la dynamique communautaire qui se formera autour du projet. Les premiers retours des développeurs seront décisifs, et il faudra sans doute plusieurs mois avant de voir émerger des cas d'usage véritablement novateurs. Le Saint Graal de la suprématie quantique n'a cependant jamais été aussi proche !

Source : Phys.org