[Article mis à jour le 31 mars 202 à 12h23] L'Autorité de la concurrence française a annoncé, lundi, avoir infligé une amende record de 150 millions d'euros à Apple pour son système App Tracking Transparency (ATT), jugé abusif et préjudiciable aux petits développeurs.

Pour le géant Apple, et à l'échelle de la France, on peut parler d'une très lourde sanction. Ce lundi 31 mars 2025, l'Autorité de la concurrence explique avoir enfin tranché, après plusieurs années d'instruction. La firme à la pomme devra s'acquitter d'une amende de 150 millions d'euros, pour avoir abusé de sa position dominante via son dispositif App Tracking Transparency (ATT) entre avril 2021 et juillet 2023.
Le système ATT d'Apple : une bonne intention aux conséquences anticoncurrentielles
L'affaire remonte à avril 2021, lorsqu'Apple a déployé avec iOS 14.5 son fameux système ATT. Cette fonctionnalité, présentée comme protectrice de la vie privée, demande aux utilisateurs et propriétaires d'iPhone ou d'iPad, en ouvrant une fenêtre pop-up, s'ils autorisent ou non les applications à suivre leur activité. Si l'intention semble louable, l'Autorité de la concurrence pointe du doigt sa mise en œuvre problématique.
Selon l'enquête, le dispositif complique excessivement le parcours utilisateur en multipliant les fenêtres de consentement. Les développeurs sont alors contraints d'utiliser leurs propres solutions de recueil en plus de celle d'Apple, ce qui crée une expérience confuse pour les utilisateurs. Une « complexité inutile et artificielle » selon la CNIL, le gendarme des données, consultée dans le cadre de l'instruction.
Plus grave encore, l'Autorité a relevé dans sa décision du 28 mars une asymétrie flagrante. L'acceptation du traçage requiert une double confirmation, tandis que le refus s'effectue en un clic. Cette conception biaisée est considérée comme un traitement défavorable envers les éditeurs d'applications tierces, qui impacte directement leur modèle économique basé sur la publicité ciblée.
Des petits développeurs particulièrement pénalisés
Les conséquences d'ATT ne touchent pas tous les acteurs de façon équitable. L'Autorité de la concurrence souligne que les petits développeurs, dépendant largement des revenus publicitaires, sont disproportionnellement affectés par rapport aux grandes plateformes intégrées comme Google ou Meta, qui disposent de leurs propres écosystèmes de données.
Plus troublant encore, l'enquête révèle qu'Apple s'appliquait des règles plus souples qu'aux autres. Jusqu'à iOS 15, la firme ne demandait aucun consentement pour ses propres applications. La pratique avait valu à Apple une sanction séparée de la CNIL pour violation de la directive ePrivacy. Aujourd'hui encore, Apple utilise une fenêtre unique de consentement pour ses services, quand les développeurs tiers doivent passer par un double processus.
Tout cela a donc poussé l'Autorité de la concurrence à prononcer une sanction de 150 millions d'euros à l'encontre d'Apple. L'entreprise américaine est épinglée pour avoir « abusé de sa position dominante sur le secteur de la publicité sur applications mobiles sur les terminaux iOS et iPadOS ».
Cette décision est en tout cas l'aboutissement d'une collaboration inédite entre l'Autorité de la concurrence et la CNIL. Les deux régulateurs français montrent qu'il est possible de protéger à la fois la vie privée des utilisateurs et une concurrence équitable. Apple, de son côté, devra non seulement payer l'amende, mais aussi publier le résumé de la décision sur son site pendant sept jours consécutifs ce qui, pour le moment, n'est pas le cas.
Apple réagit et se dit « déçue » de la décision de l'Autorité de la concurrence
Dans une réaction transmise dans la matinée à Clubic, Apple a tenu à rappeler l'intérêt de l'App Tracking Transparency (ATT). « L'App Tracking Transparency (ATT) permet aux utilisateurs de mieux contrôler leur vie privée grâce à une fenêtre de consentement obligatoire, claire et facile à comprendre concernant une seule chose : le suivi des utilisateurs sur les apps et sites tiers ».
Et l'entreprise américaine de poursuivre que « cette fenêtre est la même pour tous les développeurs, y compris Apple, et nous avons reçu un fort soutien pour cette fonctionnalité de la part des consommateurs, des défenseurs de la vie privée et des autorités chargées de la protection des données dans le monde entier ».
« Bien que nous soyons déçus par la décision d'aujourd'hui, l'Autorité de la concurrence française n'a pas exigé de changements spécifiques à l'App Tracking Transparency (ATT) », conclut l'entreprise.