© lumosajans / Shutterstock.com
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L'Autorité de la concurrence reproche à Apple d'avoir abusé de sa position dominante en matière de suivi publicitaire. Elle demande des comptes à la firme de Cupertino.

Mardi, en fin de journée, l'Autorité de la concurrence a publié un communiqué de presse dans lequel elle indique avoir notifié au groupe Apple un grief portant sur les pratiques de publicité sur les applications mobiles iOS de la marque à la pomme, qui seraient contraires à la réglementation. Si la procédure est contradictoire, ce qui donne donc la possibilité à Apple d'y répondre, elle a en réalité démarré il y a trois ans.

Les acteurs publicitaires reprochaient à Apple l'apparition d'un bandeau de consentement

Tout a commencé le 23 octobre 2020, lorsque l'Autorité de la concurrence fut saisie par diverses associations du monde de la publicité, qui lui demandaient alors de prendre des mesures conservatoires contre Apple. En cause ? La politique ATT pour les applications sur iOS qu'Apple voulait mettre en place, et qui fut finalement déployée en 2021, en même temps qu'iOS 14.5.

Rappelons que la politique ATT (App Tracking Transparency) est un dispositif qui permet de faire apparaître sur l'écran de l'iPhone une fenêtre pop-up qui demande à son propriétaire son consentement sur la question du partage de ses données personnelles à des fins publicitaires. Cette fenêtre s'ouvre dès lors que l'utilisateur consulte une application qui vient d'être téléchargée sur l'App Store. Si le propriétaire de l'iPhone consent, alors, les tiers peuvent accéder à l'IDFA, l'identifiant de chaque appareil Apple, qui permet ce fameux suivi publicitaire. Pour les entreprises ayant saisi l'autorité, Apple commettait un abus de position dominante en propulsant le bandeau, car cela imposait aux développeurs d'applis des conditions de transaction inéquitables.

À l'époque, l'Autorité de la concurrence avait rejeté la demande de mesures conservatoires, préférant prendre son temps pour recueillir des éléments, en poursuivant donc l'instruction au fond. Celle-ci a abouti à une notification de griefs, d'un grief plus particulièrement.

La fonctionnalité ATT, ici sur Facebook © Apple
La fonctionnalité ATT, ici sur Facebook © Apple

Apple essaie de montrer patte blanche

Aujourd'hui, l'autorité estime que les pratiques d'Apple sur la distribution d'applications sur ses terminaux mobiles sont « susceptibles d'avoir des effets sur plusieurs marchés connexes de services publicitaires et de services aux consommateurs ». Pour elle, Apple a abusé de sa position dominante, en mettant en œuvre des « conditions discriminatoires, non objectives et non transparentes en matière d'exploitation des données des utilisateurs à des fins publicitaires ».

Voici le grief communiqué à Apple, qui peut désormais exercer ses droits de la défense. Précisons que cette procédure ne présume pas de la culpabilité de l'entreprise. Elle ne marque en fait que le début de l'instruction. Reste désormais à la firme américaine de la convaincre qu'elle respecte bien la réglementation.

D'ailleurs, Apple a répondu dans un communiqué en indiquant que la fonctionnalité ATT donnait aux utilisateurs « un meilleur contrôle », rappelant devoir, comme tous les développeurs, se conformer à l'ATT. Mais la société ajoute ne pas afficher d'invite ATT sur les applications d'Apple (donc sur ses propres applications), « car elles ne suivent pas l'utilisation, ce qui signifie qu'elles ne lient pas les données de l'utilisateur ou de l'appareil avec les données de l'utilisateur ou de l'appareil collectées » à partir d'applications, sites web ou autres à des fins de publicité ciblée ou de mesure de la publicité. Apple revendique ne pas partager les données de l'utilisateur avec des courtiers en données. Enfin, l'entreprise explique appliquer à ses activités publicitaires « un niveau de confidentialité encore plus élevé que celui demandé à tout autre développeur ».

L'AFCDP (Association française des correspondants à la protection des données à caractère personnel) fait le rapprochement avec le dernier projet de recommandation sur les applications mobiles publié par la CNIL, le 21 juillet 2023. « Selon certains observateurs, cette recommandation donnerait un avant-goût de l'avis que la CNIL doit remettre à l'Autorité de la concurrence dans le dossier en cours, et serait plutôt favorable à la solution d'Apple », nous dit l'association.