Le géant taïwanais des semi-conducteurs fait face à une amende potentielle dépassant le milliard de dollars malgré sa propre dénonciation d'exports illicites vers Huawei.

TSMC - © N/A
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L'affaire des transferts technologiques interdits vers la Chine prend un nouveau tournant avec TSMC au centre d'une polémique financière. Le fondeur taïwanais, qui avait lui-même alerté les autorités américaines sur des commandes suspectes, se retrouve aujourd'hui menacé d'une sanction colossale. Cette situation survient quelques mois seulement après la suspension totale de ses exportations vers la Chine et sa rupture avec plusieurs intermédiaires asiatiques.

Le lanceur d'alerte pris à son propre piège

TSMC se retrouve dans une situation pour le moins ironique. Selon Reuters, l'entreprise pourrait devoir payer jusqu'à un milliard de dollars, voire davantage, pour régler une enquête américaine concernant des exports indirects d'accélérateurs d'intelligence artificielle vers Huawei. Pourtant, c'est bien TSMC qui avait signalé ces activités suspectes aux autorités américaines. Le fondeur taïwanais avait en effet remarqué que les commandes passées par Sophgo, un concepteur de puces chinois, ressemblaient étrangement à l'accélérateur d'IA Ascend 910B de Huawei. Ce processeur, l'un des plus sophistiqués du géant chinois, offre des performances comparables à une Nvidia A100 avec 320 téraFLOPS en FP16.

Le montant de la pénalité pourrait atteindre jusqu'à deux fois la valeur des transactions réalisées entre TSMC et Sophgo l'année dernière. Une sanction particulièrement sévère pour une entreprise qui a pourtant joué le jeu de la transparence, d'autant plus que TSMC avait déjà coupé ses livraisons de puces avancées vers plusieurs entités chinoises dès la découverte de ces irrégularités.

Un réseau d'intermédiaires sophistiqué mis au jour

Cette affaire révèle l'existence d'un véritable réseau d'approvisionnement parallèle mis en place pour contourner les sanctions américaines. Depuis 2019, Huawei figure sur la liste noire américaine, interdisant à TSMC de lui fournir des semi-conducteurs sans autorisation expresse de Washington. Fin 2024, les soupçons se sont portés sur Sophgo, concepteur spécialisé dans l'architecture RISC-V, qui aurait servi de façade à Huawei. L'entreprise a nié ces allégations, mais les autorités américaines n'ont pas été convaincues, ajoutant Sophgo à la liste des entités sanctionnées début 2025.

Ce n'est pas le premier intermédiaire identifié dans ce jeu de contournement des sanctions. TSMC avait également rompu ses relations avec PowerAIR, une société singapourienne soupçonnée d'avoir facilité l'accès de Huawei à des technologies interdites. Ces découvertes successives montrent la détermination de Huawei à maintenir son accès aux technologies de pointe, allant jusqu'à tenter de recruter directement des employés de TSMC en leur proposant des salaires triplés.

Entre loyauté américaine et critiques taïwanaises

La position de TSMC devient de plus en plus inconfortable. D'un côté, le fondeur cherche à satisfaire les exigences américaines en investissant massivement sur le sol des États-Unis. Le groupe a récemment annoncé un plan de 100 milliards de dollars pour développer son site en Arizona, s'ajoutant aux 65 milliards déjà engagés. De l'autre côté, ces investissements sont perçus comme une trahison à Taïwan, où l'entreprise est parfois surnommée « USMC » par ses détracteurs. Certains analystes craignent que le joyau technologique taïwanais ne soit progressivement absorbé par les États-Unis, affaiblissant la position stratégique de l'île.

Ironie de la situation, malgré ces efforts pour se montrer coopératif avec Washington, TSMC se retrouve aujourd'hui menacé d'une amende substantielle par l'administration Trump. Cette décision intervient au moment même où le fondeur prépare le lancement de sa production américaine, prévu pour le second trimestre 2025, avec des coûts de fabrication 30% plus élevés qu'à Taïwan.

Source : The Register