La Commission nationale informatique et libertés a présenté lundi dans ses locaux parisiens les grandes lignes de son rapport d'activité 2006 sur fond de crise. Alex Türk, président de l'autorité administrative indépendante, a alerté la presse et les pouvoirs publics.
Alors que le rôle de la CNIL a été renforcé par une loi de 2004 dont le premier décret vient d'être publié, alors que « la société de surveillance menace la protection des données et les libertés », la Commission créée par la loi informatique de 1978 n'est plus en mesure de mener à bien ses missions : informer, garantir le droit d'accès aux fichiers, recenser les fichiers, contrôler et réglementer.
La prise de conscience de l'importance du rôle de la CNIL et la coopération sont motifs à satisfaction. Cependant, la Commission semble ne plus être en mesure de faire face aux défis actuels et à venir : montée en puissance et convergence des technologies (video surveillance, biométrie, géolocalisation, couplage téléphonie/informatique), profusion des textes réglementaires, tensions entre Union européenne et Etats-Unis (l'accord conclu sur les données passagers est, selon les termes d'Alex Türk, « un échec cinglant pour l'Europe », affaire Swift...)
Le budget annuel de la CNIL, environ 10 millions d'euros imputés sur le budget de l'Etat français (plan de rattrapage « Raffarin » inclus), et son effectif d'une centaine de collaborateurs « restent insuffisants et fragiles » pour permettre à la Commission d'assurer le contrôle.
« Nous sommes totalement débordés par les demandes de droit d'accès indirect aux données collectées (police, banque, renseignements généraux...) Nous avions 1.600 cas à traiter l'an dernier, tous ne l'ont pas été. Nous sommes au même niveau en 2007, et ce dès le 1er juillet. Aujourd'hui, nous avons quelque 3.000 dossiers de retard, certains présentés dès 2003 », a déclaré Alex Türk. Avant d'ajouter : « Notre organisation est la dernière d'Europe en terme de moyens et d'effectif. Si rien ne change, nous finirons par ne plus être en mesure de défendre le citoyen, le citoyen se retrouvera seul face au pouvoir. C'est un risque énorme quand on sait que l'informatique intéresse tous les domaines de la vie en société ».
Pour permettre à la CNIL de se faire entendre en France, en Europe et, dans le cadre communautaire, face aux Etats-Unis, Alex Türk demande au gouvernement « le doublement des moyens de la CNIL sur 5 ans » et la « sanctuarisation » de son budget. Interrogé au printemps dernier par l'organisation, Nicolas Sarkozy s'était prononcé pour le renforcement des moyens de la CNIL par le biais d'un « budget autonome ». Reste à savoir si M.Sarkozy, désormais Président de la République, répondra effectivement aux attentes de la Commission nationale informatique et libertés.