Le marché juteux des accessoires iPod
Déshonneur n'est peut-être pas un terme trop fort pour qualifier le désarroi des Japonais quand a lancé le premier sur le marché nippon, avant les cadors locaux, un baladeur audio à disque dur, en l'occurrence l'iPod, grillant ainsi la priorité à Sony, inventeur du récepteur de radio de poche à transistors dans les années 50 et créateur du premier baladeur à cassette, le Walkman, en 1979.Les géants nippons de l'électronique, qui avaient bâti une partie de leur réputation sur les techniques du son, étaient tout marris de constater qu'un groupe d'informatique américain les devançait sur leur terrain de prédilection : l'audio-mobile. Pire, Apple continue depuis de faire la course en tête, à l'échelle mondiale. Même si au Japon les parts de marché de la gamme iPod sont inférieures à ce qu'elles sont au niveau international, les baladeurs au logo « pomme » y sont très appréciés. Depuis le premier modèle d'iPod, les fabricants nippons ont certes beaucoup innové, mais, mis à part Sony avec sa dernière série de Walkman NW800, ils ne parviennent toujours pas à mettre en péril la suprématie du groupe de Steve Jobs.
Pour autant, toutes les firmes nippones ne sont pas mécontentes du succès des iPod, à commencer par les accessoiristes. C'est que l'engouement pour ces juke-box de poche leur a ouvert de nouveaux horizons. Les opportunistes fabricants de housses de protection, de câbles, d'enceintes, de supports, de casques, d'amplis ou d'autoradios sont ravis de profiter d'un marché potentiel énorme pour tous les périphériques destinés à l'iPod.
Il suffit de se rendre dans un des temples de l'électronique japonais pour le constater. Des dizaines de mètres de linéaires sont consacrés à une impressionnante panoplie d'ustensiles pour accompagner les baladeurs, iPod en tête. Cela va de la pochette en silicone ou en cuir aux stations d'accueil haute-fidélité en passant par les innombrables films de protection, les façades décorées aux couleurs de personnages emblématiques (Hello KiTTY ou autres), les panneaux de recharge par énergie solaire, les télécommandes, les boîtiers et casques étanches, les extensions pour transformer l'iPod en enregistreur ou radio FM, les kits de voitures et tutti quanti...
Les casques / écouteurs de qualité ont la cote
Dans un pays où l'écoute de musique solitaire dans les lieux publics est une pratique archicourante et transgénérationnelle depuis des décennies, les rayons les plus impressionnants sont sans nul doute ceux des écouteurs et casques audio. À la louche, on en dénombre près de trois cents alignés chez Bic Camera, Yodobashi Camera ou autre enseigne locale majeure. Les prix vont de 1.300 yens (8 euros) à plus de 160.000 yens (plus de 1000 euros) en passant par tous les stades intermédiaires. Il est ainsi loisible de passer des heures à comparer le son de chacun d'eux, y compris en demandant aux vendeurs de les tester avec son propre baladeur.La plupart de ces accessoires d'écoute sont issus de firmes nationales et de fabricants étrangers de grandes marques. Délaissant sans scrupules les modèles d'entrée de gamme, les Japonais s'orientent volontiers sur les casques et oreillettes onéreux signés Audio-technica, Sony, Shure, JVC, Ultimate Ears (utilisés sur scène et en studio par les pros), Sennheiser, Bang & Olufsen, AKG ou Bose, maisons de diverses nationalités réputées de longue date pour leur savoir-faire en la matière.
Argument de vente important au Japon compte tenu des temps passés dans les transports en commun : « même dans les trains et métros, rien ne vient polluer l'écoute ». L'importateur de la marque Shure n'en revenait ainsi pas de la ruée sur sa paire d'écouteurs vendue plus de près de 70.000 yens (plus de 500 euros), c'est-à-dire plus cher que les baladeurs eux-mêmes. Il croulait sous les commandes de boutiques à la peine pour satisfaire la demande. Le bouche à oreille a fait mouche auprès des hommes de plus de 30 ans.
De même, quand Audio-Technica, marque japonaise renommée pour la qualité de ses produits, lance un nouveau modèle, il est annoncé plusieurs semaines à l'avance et il faut même parfois réserver un exemplaire pour pouvoir se le procurer rapidement. Idem pour les casques ou les ensembles ampli/enceintes estampillés Bose. Il va sans dire que les casques disposant d'un système d'atténuation de bruits environnants sont très appréciés, en dépit de leur prix ou de leur encombrement. Les Japonais qui se baladent dans les rues à pied ou à vélo avec un casque de studio fermé collé sur les oreilles ne sont pas plus rares que ceux qui se contentent des écouteurs d'origine livrés avec leurs iPod, Walkman ou téléphone portable/baladeur. Et ce, même si leurs musiques sont parfois encodées avec un piètre niveau de qualité.
Le fin du fin, pour les plus exigeants, est de posséder un casque siglé Stax, à utiliser à domicile, et d'un second conçu par le même petit fabricant discret pour les balades. Cette marque, que vous ne connaissez peut-être pas, est la préférée des audiophiles japonais. Ses casques électrostatiques et amplificateurs associés, au design un peu rustique, sont basés sur une technologie unique dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle est celle qui restitue le plus fidèlement le spectre sonore original. Seul inconvénient, les modèles Stax isolent assez mal des bruits extérieurs. Leur utilisation est donc recommandée dans un environnement silencieux. Les vrais amateurs de Jazz ou de musique classique, assez nombreux au Japon, ne jurent en tout cas que par Stax et les super-Audio CD. Le fait est que la différence s'entend. C'est d'ailleurs vrai aussi avec le modèle portable associé à un iPod.
Regain pour les amplis de qualité
Les autres groupes forts en son nippons, que sont Onkyo, JVC ("His Master's Voice"), Denon, Pioneer, Kenwood, Audio-Technica, Yamaha, ou Roland, un temps décontenancés par l'appauvrissement qualitatif du aux formats compressés, ont depuis développé des ensembles acoustiques haut de gamme pour iPod et autres baladeurs qui redonnent aux auditeurs le goût du son fidèle. Si bien que l'on constate un regain du marché des amplis et ensembles modulaires dont l'esthétique rappelle les chaînes hi-fi d'antan. Les constructeurs n'hésitent d'ailleurs pas à vanter à contre-courant les avantages des technologies analogiques en terme de fidélité. En témoigne la présence visible dans les magasins high-tech et plus encore dans les petites boutiques spécialisées d'amplis à tube, d'enceintes produites en petit nombre et de platines pour disque vinyle à des coûts faramineux. On trouve aussi très facilement toute une variété d'accessoires (câbles professionnels, supports d'enceintes, patins, systèmes d'isolation...) pour améliorer l'acoustique d'une pièce et éliminer toutes les détériorations potentielles.Ces derniers temps, percevant ce nouvel enthousiasme pour le son, toutes les grandes enseignes ou presque ont aménagé un lieu d'écoute à l'abri du capharnaüm insupportable qui caractérise généralement les magasins nippons. De même, le marché des matériels audio d'occasion où l'amateur peut dénicher des perles rares trouve dans ce courant porteur un nouveau dynamisme. Le gouvernement, qui souhaitait, par souci de sécurité, interdire la revente d'appareils électriques dépourvus d'un label de respect de certaines normes électriques (PSE) mis en place il y a quelques années, a dû se résoudre à faire une exception sur l'audio, sous la pression des mordus d'amplis et autres équipements plus anciens. L'implication dans ce mouvement de stars, à commencer par le compositeur vedette japonais Ryuichi Sakamoto a d'ailleurs fortement pesé dans ce compromis.
L'importance de plus en plus perceptible accordée à la qualité acoustique est aussi fortement entraînée par le fait que les foyers nippons s'équipent de TV à large écran « Full HD » et de systèmes home-cinéma. Habituant ainsi leurs oreilles à une meilleure restitution sonore pour accompagner les images en haute définition diffusées par les chaînes hertziennes, par câble ou par satellite national, les Japonais supportent de moins en moins les sons étriqués des mini haut-parleurs de TV, de PC ou de casques. Qui s'en plaindra. Cet intérêt nouveau pour le son ne peut que bénéficier aux pros du secteur, lesquels sont nombreux au Japon. Le processus de fusion récemment engagé entre les deux japonais Kenwood et JVC vise justement à associer leurs forces pour profiter de ce regain d'attention pour le son à la maison, dans la rue ou dans les voitures. Pioneer, Onkyo, Denon ou Marantz s'en réjouissent également, d'autant que le phénomène ne se cantonne pas aux frontières de l'Archipel, même si pour le moment, compte tenu de facteurs socio-culturels (technophilie, nombre de fabricants locaux, mélomanie) et du pouvoir d'achat des Japonais, il y semble plus perceptible et plus massif qu'ailleurs.