Rejet de l'Open XML : l'AFNOR s'explique

Julien Jay
Publié le 06 septembre 2007 à 17h48
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Après l'annonce en début de semaine par l'AFNOR, l'organisme français de normalisation, du vote négatif, avec commentaires, sur le format Office Open XML de Microsoft, un début de polémique a fait surface, les représentants de Microsoft France ayant abondamment dénoncé le déroulement de la réunion de la commission. Après les déclarations fortes de Marc Mossé (voir Open XML&ODF: l'AFNOR demande la convergence(màj)), directeur des affaires juridiques pour Microsoft France, nous avons interviewé Jean-François Legendre, de l'AFNOR, Responsable développement et communication pour la normalisation dans le secteur IT.

|clubic|Clubic.com|fin||neteco|Neteco.com|fin| : Lors d'une conférence téléphonique avec la presse française, Microsoft France a dénoncé le climat houleux dans lequel s'est déroulé la réunion de la commission de l'AFNOR chargée d'Office Open XML. Qu'en est-il ?

Jean-François Legendre : Microsoft est un partenaire avec lequel nous travaillons depuis longtemps. Nous souhaitons poursuivre la meilleure collaboration possible. Ceci étant, l'objectif de l'AFNOR est de viser le bien des communautés techniques françaises sur le moyen et le long terme. Nous n'allons pas nous engager dans une polémique par média interposé avec un partenaire qui était encore dans nos locaux peu de temps après la publication du rapport.

Je ne parlerais pas d'un débat houleux, mais d'un débat technique et constructif. Il a montré qu'une solution technique est envisageable pour obtenir un document XML de qualité reconnu par les autres acteurs. Les gens souhaitent vraiment une convergence, la démonstration qu'il existe une solution technique pour aller vers la dite convergence est donc une bonne chose. Il est clair toutefois que nous n'avons pas pu faire l'analyse technique détaillée sur la faisabilité et les moyens de la convergence avec l'ODF. La convergence est un objectif à terme. Il est important de montrer qu'on est capable techniquement d'obtenir un document de qualité en XML. Après l'arrêt du débat technique consacré à OpenXML, nous n'avons pas cherché à obtenir de consensus puisque nous savions qu'il serait impossible à obtenir.

|clubic|Clubic.com|fin||neteco|Neteco.com|fin| : Quid de la sérénité des débats dans des circonstances où Microsoft France parle d'injures et de rappels à l'ordre ?

Jean-François Legendre : Notre rôle est de réguler le débat, et de faire en sorte que l'état d'esprit des divers participants soit le plus constructif possible. Lorsqu'il y a des cartons jaunes à distribuer dans le cadre de notre mission de régulation, nous le faisons. Nous avons eu des retours très positifs sur la gestion de la séance. La position de Microsoft (NDLR : sur le déroulement des débats) n'est vraiment pas partagée par les autres membres. Effectivement, il y eu une ambiance tendue mais nous en avons l'habitude. Nous avons d'ailleurs un certain nombre de recommandations fortes pour les experts qui sont amenés à négocier dans des conditions difficiles sur des sujets délicats. Si le verdict de la réunion n'avait pas été crédible (NDLR : du fait des conditions de déroulement de la séance) nous ne l'aurions pas publié. Les rappels à l'ordre - il n'y en a d'ailleurs eu qu'un seul si mes souvenirs sont bons - n'étaient pas de nature à faire changer les débats sur les aspects de la position technique ou sur les résultats que nous avons perçu comme étant la bonne solution pour les communautés.

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Schéma de fonctionnement du format Open XML


|clubic|Clubic.com|fin||neteco|Neteco.com|fin| : Microsoft indique que tous les commentaires techniques proviennent d'un seul et même acteur, à savoir , sans toutefois le nommer clairement. Qu'en est-il ?

Jean-François Legendre : La proposition française se divise en deux points : un contenu technique fort et original et un découpage des fonctionnalités d'Open XML. Ce travail très original est totalement indépendant de celui d'IBM, sauf qu'IBM a bien sûr participé aux travaux. Il est vrai toutefois que celui qui a fait le plus gros effort d'analyse sur la proposition Open XML est IBM. Si certains commentaires d'IBM ont été rejetés, dans l'ensemble les gens étaient relativement d'accord sur les commentaires techniques de détail qu'ils ont formulés. Nous les avons donc repris, lorsqu'il y avait consensus parmi les membres, leur rédaction étant aboutie, dans la partie « exemple de ce qui faudrait faire pour que le document ait une meilleure qualité technique ». D'ailleurs, dans les débats internes à la commission, Microsoft a déjà proposé des solutions aux commentaires soulevés.

|clubic|Clubic.com|fin||neteco|Neteco.com|fin| : Le fait que deux géants de l'industrie informatique participent aux débats ne pose-il pas un problème au niveau de l'impartialité des débats ? Impossible d'imaginer par exemple que l'un ou l'autre n'ait pas d'arrière pensée ?

Jean-François Legendre : Au départ, nous avions peur de nous retrouver dans un débat à deux. Les contributions reçues lors de l'enquête probatoire par les membres mais aussi par des associations non membres de la commission nous ont vite détrompées. Les gens ont eu à coeur d'examiner en détail les spécifications du format Office Open XML. Les communautés françaises n'ont pas fait la même analyse dans le détail d'ODF que d'Open XML. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une analyse de détail est en cours au sujet d'ODF, avec pour objectif l'analyse de la convergence avec Open XML, puisque la proposition française demande une révision d'ODF.

|clubic|Clubic.com|fin||neteco|Neteco.com|fin| : Comment pensez-vous que réagira Microsoft suite à la demande de convergence entre Open XML et ODF ? Ne demandez-vous pas l'impossible ?

Jean-François Legendre : Il y a eu une forte contribution de Microsoft sur le document ECMA, où l'ensemble des industriels était rappelons-le représenté. La problématique de la convergence ne se discute pas seulement avec un acteur, en l'occurrence Microsoft, mais avec l'ECMA et l'OASIS (Organization for the Advancement of Structured Information Standards). La vraie question est : est-ce que l'ECMA et l'OASIS vont être d'accord pour aller au-delà de leur divergence de fond ? Ils ont deux options : soit il y a une norme internationale et tout le monde sera gagnant, soit c'est une simple tentative qui s'arrête là. C'est la question qui leur est posée. Quand on s'engage dans un effort de normalisation, on a intérêt à aller jusqu'au bout, mais ce n'est que mon avis.

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|clubic|Clubic.com|fin||neteco|Neteco.com|fin| : La position et les exigences de la France ne rendent-elles pas impossible le prochain vote de l'ISO ?

Jean-François Legendre : Cette position originale de la France, dans un débat où les autres pays ont pour la plupart exprimé les mêmes choses sans toutefois le dire, ouvre d'emblée le débat de l'ISO sur une question de stratégie. Cela avantage même l'ISO puisque cela montre qu'il s'agit d'un organisme de poids capable d'exprimer des positions pour le bien des communautés techniques.

|clubic|Clubic.com|fin||neteco|Neteco.com|fin| : Quelle est la prochaine étape dans la ratification d'Open XML ?

Jean-François Legendre : Il y aura une réunion d'analyse des commentaires techniques le 25 février prochain. C'est là-dessus qu'il faut focaliser notre énergie pour l'instant. Il faut regarder comment les commentaires des différents pays vont être étudiés et analysés. Quels vont être les mandats de négociation qui pourront être acceptés et tolérés. La position à court terme, sur six mois, est d'obtenir une normalisation sous forme de technical specification de l'Open XML avec la qualité indispensable pour en faire un document ISO. C'est sur cette base que nous nous proposons de réviser Open XML et ODF avec l'objectif d'atteindre une convergence. En attendant, il y aura donc bien un document permettant pendant trois ans des implémentations industrielles interopérables de l'Open XML.

|clubic|Clubic.com|fin||neteco|Neteco.com|fin| : Quel est votre sentiment sur le fait que soudainement Microsoft se préoccupe de ses partenaires pour créer un nouveau format alors que ses formats étaient jusqu'à présent des standards de fait ?

Jean-François Legendre : Je pense que cette image ne correspond pas à la réalité de ce que fait Microsoft. Microsoft est à l'origine de propositions fortes notamment auprès du consortium W3C. Microsoft est qui plus est largement représenté auprès de l'ISO et le groupe a poussé à la reconnaissance par l'ISO de spécifications largement moins médiatiques que l'Open XML. Microsoft et la normalisation, c'est une affaire plus ancienne qu'Office Open XML. En revanche, ce qui change c'est de se dire qu'on proposera pour les suites bureautiques un format normalisé et ouvert.

|clubic|Clubic.com|fin||neteco|Neteco.com|fin| : Est-ce dû aux gouvernements qui pour la plupart exigent dorénavant des logiciels dont le format est ouvert, faute de quoi Microsoft serait exclu des appels d'offre ?

Jean-François Legendre : Je pense que c'est donner un poids un peu trop important aux gouvernements. Il faut savoir que les industriels peuvent travailler soit dans des consortiums soit dans l'ISO. Lorsqu'ils ont un vrai besoin d'ouverture mondiale des marchés, et qu'ils sentent qu'ils ne peuvent l'obtenir que par l'ISO, alors les industriels se décident. Microsoft sent bien que les formats propriétaires lui ferment aujourd'hui des portes. En réfléchissant à qui va utiliser la norme, on voit qu'il s'agit d'utilisateurs finaux, du secteur public ou encore de fournisseurs de solutions et de fait cela ouvre aux suites bureautiques des marchés plus larges.
Julien Jay
Par Julien Jay

Passionné d'informatique depuis mon premier Amstrad 3086 XT et son processeur à 8 MHz, j'officie sur Clubic.com depuis ses presque débuts. Si je n'ai rien oublié d'Eternam, de MS-DOS 3.30 et de l'ineffable Aigle d'Or sur TO7, je reste fasciné par les évolutions constantes en matière de high-tech. Bercé par le hardware pur et dur, gourou ès carte graphique et CPU, je n'en garde pas moins un intérêt non feint pour les produits finis, fussent-ils logiciels. Rédacteur en chef pour la partie magazine de Clubic, je fais régner la terreur au sein de la rédaction ce qui m'a valu quelques surnoms sympathiques comme Judge Dredd ou Palpatine (les bons jours). Mon environnement de travail principal reste Windows même si je lorgne souvent du côté de Mac OS X.

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