Live Japon : les métamorphoses d'Akihabara

Karyn Poupée
Publié le 23 septembre 2007 à 13h06
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Akihabara, la ville électrique change de couleur. Quartier de l'électronique emblématique de Tokyo, Akihabara traverse ces dernières années une nouvelle phase de mutation. Ce n'est pas la première, ce ne sera assurément pas la dernière, mais comme toutes les autres, elle fait des nostalgiques et attire des nouvelles peuplades.

Quelques années après la fin de la Deuxième guerre mondiale, les couples venaient déjà à Akihabara pour découvrir les premières machines à laver "made in Japan", à l'époque signées Sanyo, ou les réfrigérateurs d'autres concepteurs compatriotes ou américains. Puis vint l'époque des téléviseurs, à partir de 1958. Le premier modèle nippon était estampillé Sharp. Le passage à la diffusion en couleurs quelques années plus tard contribua à enjoliver les vitrines des petits commerçants des lieux.

Arrivèrent ensuite les magnétoscopes à cassette : les vendeurs étaient alors bien embarrassés qui ne savaient quel modèle conseiller, VHS de Victor (JVC) ou Betamax de Sony. Au petit bonheur la chance, ils y allaient tous de leurs arguments, plus ou moins fondés. Malheur à ceux qui avaient recommandé le Betamax. Les ménagères n'avaient pas grand chose à faire de ces querelles, elles étaient davantage attirées par les publicités portant sur une autre innovation, les fours à micro-ondes.

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La mise sur le marché ensuite des premières consoles de jeu vidéo, Nintendo Famicom en tête, transforma Akihabara en repaire d'adeptes de ce nouveau mode de divertissement. La silhouette de l'otaku (asocial ne fréquentant plus que sa chambre, les boutiques d'Akihabara et les trains pour y aller) devint vite la figure symbolique des lieux dans les années 80/90.

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La commercialisation des lecteurs de CD, la transition de l'analogique au numérique, la démocratisation des PC avec Windows 95, le lancement des services de téléphonie mobile, l'iPod et autres nouveautés technologiques majeures continuèrent au fil des années de restructurer les rues, les commerces évoluant et changeant de main à chaque nouveau bouleversement.

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La métamorphose actuelle d'Akihabara apparaît pourtant différente des précédentes. Car il ne s'agit pas tant d'un changement dû à l'arrivée d'une nouvelle gamme d'appareils, que du glissement du matériel vers l'immatériel et ses dérivés, autrement dit des machines vers des contenus. En effet, Akihabara est aujourd'hui autant « la Mecque de la high-tech », que le temple de la « Pop Culture japonaise », avec ses manga, ses « karakuta » (personnages), ses musiques tirées de dessins animés, et, bien sûr, ses Jeux Vidéo.

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Les cosplay (déguisés) qu'on voyait précédemment le dimanche à Harajuku, autre quartier branché de Tokyo, se font désormais photographier dans l'artère centrale d'Akihabara (Showa Dori), lorsque cette dernière est transformée en « paradis des piétons », interdite aux voitures.

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Les boutiques dont les rayons sont exclusivement consacrés à « l'anime » ou les cafés à thème, avec soubrettes corvéables à merci, occupent désormais des emplacements archi-visibles, alors qu'ils étaient logés auparavant dans les étages d'immeubles connus des seuls initiés (les otaku) il y a ne serait-ce que cinq ans.

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Le mouvement s'accélère, attisé par la présence dans les lieux de l'Anime Center dans l'UDX Building, lieu censé symboliser cette transition de « l'hardware » au « contents », où sont régulièrement organisés des « événements » pour promouvoir l'animation et les technologies robotiques. Mais à vrai dire, les effets les plus importants de cette déferlante de l'animation sont presque déjà passés. Elle fait désormais partie du paysage.

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Toutefois, la transformation qu'elle a entraînée en attirant de nouvelles activités (notamment des sociétés de création de technologies d'animation ou de contenus), conjuguée à la réfection totale de la gare et à la construction de nouveaux gratte-ciel, donne l'impression qu'Akihabara est devenu un nouveau quartier d'affaires autant que de commerces. Et surtout que les petites boutiques d'électronique sont une à une contraintes de mettre la clef sous la porte, sauf celles qui se sont spécialisées dans un domaine bien précis (audio d'occasion haut de gamme, composants, matériel radio-amateur, équipements de surveillance), niches qui les protègent des griffe des géants.

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Le grand chamboulement s'est produit il y a quelques mois avec l'ouverture du gigantesque hypermarché Yodobashi Camera, à la sortie de la nouvelle gare. La plus grande Fnac de France est à pleurer comparée à cet empire de la high-tech, avec six immenses étages empli des dizaines de milliers de références de produits. Or Yodobashi propose un système de points de fidélité tellement avantageux que seuls les autres grandes enseignes concurrentes peuvent suivre. Les petits commerces eux, n'ont aucunement l'assise pour s'aligner. Par exemple, qui achète chez Yodobashi un téléviseur à écran plat à 400.000 yens (2.500 euros), peut repartir s'il le souhaite avec un enregistreur à disque dur pour 0 yen, puisque payé avec les points de fidélité gagnés sur le prix de la TV, soit 60.000 ou 80.000 points équivalents à autant de yens.

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Du coup, des personnes qui, précédemment, fréquentaient les autres boutiques d'Akihabara vont désormais chez Yodobashi. Seul avantage: cette enseigne attire un très large public, en raison de son offre colossale, et le quartier est donc devenu plus familial, surtout le dimanche. Le premier week-end d'ouverture, le magasin a ainsi accueilli plus de 250.000 personnes le samedi et le dimanche. Un millions de curieux en trois jours et demi, du jamais vu.

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Certains commerces profitent de cette nouvelle vague d'arrivants dans les rues d'Akihabara, notamment les spécialistes de produits d'occasion dont les rayons n'étaient auparavant fréquentés que par des connaisseurs. Le Bic Camera du quartier de Yurakucho, à trois stations trains de là (8 minutes), en bénéficie aussi, nombre de personnes comparant les offres chez Yodobashi et Bic Camera avant d'opter pour l'un ou l'autre, grosso-modo aussi compétitifs.

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D'autres commerçants, à commencer par les petits généralistes de l'électronique, à l'inverse, souffrent de l'ombre du building massif de Yodobashi sur leurs étals. Certains en meurent. Exemple symbolique: la tour Laox "The Computer", un des grand magasins d'informatique et d'appareils électroniques immédiatement repérable dans le quartier, a bradé cette semaine l'ensemble de ses stocks : liquidation, fermeture. Cause principale: impossibilité de rivaliser avec Yodobashi. Certes, les néons formant les quatre lettres LAOX ne vont pas disparaître des rues d'Akihabara puisque le groupe compte plusieurs autres boutiques spécialisées (matériels pour musiciens, produits détaxés...) à proximité. Toutefois, la disparition de "The Computer" est éloquente. L'immeuble, où le PDG fondateur de Microsoft, l'Américain Bill GATES, a plusieurs fois mis les pieds, a été racheté par un promoteur qui ne sait pas encore ce qu'il en fera, mais exclut de reconstruire à la place un empire de l'électronique. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.

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Et en face, que voit-on ? D'un côté le nouveau navire amiral de Sofmap, autre célèbre enseigne d'électronique nippone reprise par le groupe Bic Camera, et de l'autre un terrain évidé entouré de palissades blanches brillantes sur lesquelles sont placardées des photos des futures résidences de luxe en voie de construction.

On se retourne encore, et on aperçoit des bulldozers à l'emplacement d'un autre immeuble dont on a oublié l'architecture et ce qui s'y trouvait. Vous l'aurez compris, et c'est là le plus étonnant à nos yeux, Akihabara est aussi en train de devenir un lieu d'habitation très prisé. Cela a commencé il y a peu de temps, deux ans peut-être, par la construction de tours résidentielles dans les artères légèrement excentrées du quartier.

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Aujourd'hui, les nouveaux "mansion" poussent désormais en plein milieu, à la place même d'anciennes boutiques d'électronique. Cela signifie que les promoteurs immobiliers, biens connus pour leur calculs spéculatifs, sont en train de mettre le grappin sur les lieux. Du coup les prix grimpent. Et certains, qui voient leurs affaires péricliter, font le choix de vendre, harcelés par des acheteurs potentiels au bagout irresistible. Alors, on s'inquiète. Non que les immeubles qui abritent les boutiques d'Akihabara soit des monuments à protéger, mais tout simplement parce qu'il existe au moins un des symboles des lieux qu'on ne voudrait pas voir disparaître : les petits stands de composants électroniques alignés dans des sortes de hangars sombres et tenus par des familles qui se les transmettent de génération en génération. Là, un grand-père ou une grand-mère de 80 ans vous explique la différence entre tel et tel câble, ou entre la diode de gauche et celle de droite. Les métamorphoses d'Akihabara, ces vétérans là, ils les ont toutes connues et aucune n'a eu raison de leur stand. Pourvu que ça dure... Banzai (10 000 ans) !

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Karyn Poupée
Par Karyn Poupée

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