Sabine Gräfe, Precepta : "Présenter Internet comme un nouvel Eldorado serait réducteur"

Jérôme Bouteiller
Publié le 16 octobre 2007 à 13h47
Directrice d'Etudes chez precepta, sabine-grafe présente son étude intitulée "L'assurance face aux défis de l'internet". Elle évoque les enjeux liés à la montée en puissance de ce nouveau canal de distribution susceptible de bouleverser ce secteur économique.

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Sabine Gräfe
JB -Sabine Gräfe, bonjour. Precepta vient de réaliser une étude intitulée "L'assurance face aux défis de l'internet". A qui s'adresse t'elle ?

Sabine Gräfe -Les études Precepta, en général, s'adressent aux dirigeants des sociétés qui opèrent sur le secteur (ou le thème) analysé, ou qui souhaitent réaliser une veille concurrentielle.

JB -Contrairement à ce qu'affirmaient les concepteurs du projet ZeBank (Europ@web) en 99/2000, l'internet n'a pas permis l'émergence de nouveaux acteurs. En quoi en serait-il autrement avec celui de l'assurance ?

Sabine Gräfe -Le cas de l'assurance n'est finalement pas différent. Certes, dans l'absolu, et poussée à l'extrême la logique Internet peut conduire à des gains de coûts substantiels et ce, à différents stades de la chaîne de valeur pour au final conduire à une proposition d'offre "discount", tout du moins dans le cas du choix d'une redistribution de la valeur créée aux clients. Mais présenter Internet comme un nouvel Eldorado et la solution à l'épineux problème du couple compétitivité / rentabilité serait réducteur. Les retours d'expérience d'acteurs de vente en ligne, voire même tout simplement de vente à distance « classique » d'ailleurs, révèlent que la baisse des coûts induite par la technologie (ou l'absence de réseaux) ne saurait être, à elle seule, un facteur décisif de succès. La mise en œuvre d'une offre tout Internet s'avère complexe et ne peut s'accommoder d'une simple reproduction sur la toile de l'existant. Elle exige également la mobilisation d'importants moyens financiers liés aux investissements initiaux et aux frais de constitution d'une notoriété à même de générer suffisamment de trafic. Deux conditions semblent en fait devoir être réunies pour accroître ses chances de réussite sur le Web (avec pour sous-jacent, la maîtrise de l'aspect "technologie") : une marque visible, et la création d'une offre de rupture (l'élément de différenciation le plus prégnant aujourd'hui restant le facteur « prix »).

JB -Selon vous, quels seront les grands gagnants et les grands perdants dans cette grande redistribution des cartes ?

Sabine Gräfe -L'ensemble de ces contraintes relativise à court terme la portée de la menace de nouveaux entrants et exclut l'hypothèse d'une remise en cause de l'équilibre des forces en présence et d'une redistribution massive des cartes en faveur des "pure player". Reste que si l'initiative venait à être prise par un acteur reconnu et installé de la place, la question se poserait en des termes différents. Cette hypothèse doit néanmoins être remise en perspective avec les différents modèles de distribution des forces en présence, modèles dont certains génèrent des contraintes lourdes et autant de freins à une utilisation plus intensive d'Internet.

Pointé du doigt : le risque de cannibalisation entre réseau physique et virtuel, problème d'autant plus délicat pour les acteurs recourant à des réseaux non intégrés. Au-delà de ce premier écueil à éviter, la mise en oeuvre d'une offre tout Internet soulève d'autres interrogations: quelle politique produits (offre identique quels que soit les réseaux v/s offres différenciées), et le cas échéant quels moyens de promouvoir une offre différenciée d'un canal à l'autre sans porter atteinte à la lisibilité de la marque. De fait les acteurs en place conservent des avantages concurrentiels importants: les stratégies mixtes "mortar and click" (diffusion traditionnelle, Internet et autres canaux à distance), conjuguent les meilleurs atouts, les meilleurs synergies. Et si Internet représente aujourd'hui avant tout un support pour les réseaux existants, son rôle est amené à évoluer. Bien entendu, la problématique de la gestion multicanale est au centre des réflexions stratégiques. Elle est d'ailleurs devenue incontournable face à l'évolution des comportements des clients devenus adeptes d'une accessibilité affranchie de toute contrainte de lieu ou de temps.

JB -Sabine Gräfe, je vous remercie.
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