Open source business : un marché, des modèles

Ariane Beky
Publié le 02 novembre 2007 à 11h23
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, Jboss, MySQL, , Sun, Nuxeo, Zend, Talend, nombreux sont les éditeurs et fournisseurs de logiciels open source dont la réputation n'est plus à faire. Les éditeurs de logiciels propriétaires eux-mêmes, d'IBM à Oracle, sont de plus en plus nombreux à contribuer à cet écosystème. Comment est né ce mouvement, quels sont ses atouts, ses faiblesses, ses perspectives d'avenir ?

Le mouvement du logiciel libre a précédé la vague open source

A l'origine, le mouvement du logiciel libre s'est structuré avec la création en 1985 de la Free Software Foundation (FSF) par le programmeur américain Richard STALLMAN. La FSF attribue ou reconnaît plusieurs licences, dont la plus répandue est la licence publique générale GNU (GNU GPL).

Selon la FSF, les logiciels libres doivent respecter quatre libertés : liberté d'exécuter le programme pour tous les usages ; liberté d'étudier le fonctionnement du programme, de l'adapter à ses besoins et, par conséquent, d'avoir accès au code source du logiciel ; liberté de redistribuer des copies ; liberté d'améliorer le programme et de publier ses améliorations (accès au code source requis).

Le dossier de l'Aful (Association francophone des utilisateurs de Linux et des logiciels libres) sur les « Modèles économiques liés aux logiciels libres » (juin 2007) apporte un éclairage sur le sujet.

Née d'une scission de la communauté d'utilisateurs et de développeurs du logiciel libre, dans le but d'éviter la confusion libre/gratuit (le logiciel a un coût), l'Open Source Initiative (OSI) a été créée en 1998 à Palo Alto, Californie, par Todd Anderson, Chris Peterson, John "maddog" Hall, Larry Augustin, Sam Ockman, Michael Tiemann et Eric Raymond.

L'OSI s'est donnée pour mission de définir ce qu'est l'open source (OSD) et de promouvoir une approche jugée plus adaptée aux réalités économiques et techniques.

Ainsi, d'après l'Open Source Definition (OSD), les modalités de distribution de logiciels open source doivent respecter les 10 critères suivants : libre redistribution du logiciel ; accès au code source ; droit de modifier le code source et de développer des applications dérivées ; respect de l'intégrité du code source de l'auteur ; pas de discrimination de personnes ou de groupes ; pas de discrimination des domaines d'applications ; universalité des droits attachés au programme ; protection du programme et non pas du produit ; pas de restrictions imposées à d'autres logiciels intégrant un code source protégé (par exemple, la licence ne doit pas imposer que tous les programmes d'un même produit soient open source) ; neutralité technologique de la licence.

Il existe de nombreuses licences open source et le mouvement initié par l'OSI promeut une économie du logiciel basée sur la vente de prestations de services (formation, assistance et maintenance techniques) et non plus sur la vente de licences d'utilisation comme c'est le cas dans l'économie traditionnelle du logiciel (propriétaire).

Aujourd'hui, d'autres organisations font la promotion de l'open source dans le monde professionnel, parmi elles : l'Open Solutions Alliance, fondée par Adaptive Planning, Centric CRM, CollabNet, EnterpriseDB, Hyperic, JasperSoft, Openbravo, SourceForge.net, SpikeSource et Talend ; QualiPSo, un regroupement d'acteurs européens, brésiliens et chinois des technologies de l'information et de la communication ; la Collaborative Software Initiative, dont HP, IBM et Novell font partie, ou encore la Linux Foundation, née de la fusion de l'Open Source Development Labs et du Free Standards Group.

Les modèles économiques de l'open source

Les éditeurs et fournisseurs de solutions open source se sont structurés ces dernières années autour de quatre business models : les services (SpikeSource, Nuxeo...), la distribution à valeur ajoutée (Red Hat, Novell/SUSE, ...), le modèle de licence double open source/commerciale (Sun, JBoss, MySQL, SugarCRM...) et la mutualisation (OpenTrust, AF83, Emencia...) « Quel que soit le modèle adopté, toutes les entreprises proposent des services complémentaires à leurs produits pouvant représenter du quart à la moitié de leur chiffre d'affaires », observe faberNovel Consulting dans une analyse distribuée sous licence Creative Commons (« Modèles économiques des logiciels open source et logiciels libres » - septembre 2007).

L'open source enregistre ses plus grands succès sur des marchés balisés par les éditeurs de logiciels propriétaires

Dans les bases de données, MySQL et PostgreSQL apparaissent comme des alternatives open source à Oracle Database, IBM DB2 et Microsoft SQL Server. Dans les progiciels intégrés de gestion (ERP), Compiere fait face aux leaders du marché : et Oracle. Dans les logiciels de gestion des relations clients (CRM), SugarCRM et Compiere entrent en concurrence avec Oracle Siebel CRM ; dans les systèmes d'exploitation, Red Hat affronte Microsoft.

Les grandes entreprises n'hésitent plus à utiliser l'open source pour valoriser leurs solutions propriétaires. Oracle, par exemple, contribue au développement d'Apache, d'Eclipse et de PHP sur le segment middleware, et IBM fait partie des principaux contributeurs de l'écosystème open source.

Dans ce contexte, les spécialistes de l'open source peuvent être à la fois concurrents et partenaires des éditeurs de solutions propriétaires. MySQL AB, signale David Axmark, co-fondateur de l'éditeur suédois, « propose des solutions qui viennent compléter des bases de données comme Oracle Database, IBM DB2 et Microsoft SQL Server d'ores et déjà installées dans les entreprises ».

Selon l'étude « Open Source on the Fast Lane » (JoinVision - octobre 2007), les spécialistes des systèmes informatiques utilisent le serveur open source de bases de données MySQL aussi fréquemment qu'Oracle, SQL Server ou DB2. Quant à Bertrand DIARD, président de l'éditeur français Talend, il constate « auprès de grands comptes que les solutions d'intégration open source de Talend sont utilisées non pas en lieu et place, mais plutôt en complément des solutions propriétaires comme celles d'Informatica ou de Business Objects ».

L'opposition entre logiciel propriétaire et logiciel open source, dépassée ?

« Je suis convaincu que le monde du propriétaire et celui de l'open source vont cohabiter pour créer de la valeur, à l'image de ce que tentent de faire IBM avec Eclipse, Oracle avec le rachat de Sleepycat (base de données open source), Citrix avec le rachat de Xen Source ou encore Red Hat avec le rachat de Metametrix », ajoute Bertrand Diard. Ce sentiment est partagé par Paul Doscher, CEO de JasperSoft, éditeur américain de solutions décisionnelles (BI) open source.

Selon Paul Doscher, les modèles « coexistent et les entreprises sont de plus en plus nombreuses à opter pour un modèle hybride, un exemple classique : des serveurs sous Linux et des postes de travail sous Windows. Des géants de l'industrie informatique, IBM, Sun, Oracle et Microsoft, aujourd'hui, l'ont compris. Quelles que soient leurs motivations - Microsoft s'est rapproché de Novell, c'est une bonne chose en terme de perspectives financières, moins pour la communauté open source - le fait est que nul ne peut ignorer l'open source aujourd'hui. »

D'après Gartner, près de 50% des applications critiques des entreprises reposent sur un socle open source aujourd'hui. Par ailleurs, la société d'études estime que 95% des plus grandes entreprises dans le monde auront une stratégie open source en 2008, et que 80% des logiciels commerciaux contiendront au moins une partie de code open source d'ici 2011.

L'open source pour l'entreprise, forces et faiblesses

L'entreprise peut obtenir un produit de qualité à un prix inférieur à celui d'un logiciel propriétaire et adapter ce produit à ses besoins à partir du code source du programme. Les mises à jour sont fréquentes, les développements et tests assurés par une large communauté de développeurs. Selon Ingres Corporation, éditeur de solutions open source de gestion de l'information, « la polyvalence et l'adaptabilité du modèle open source permettent à l'entreprise de ne pas être liée à un fournisseur unique, de comprimer les coûts de gestion des bases de données et de développer rapidement des applications cruciales pour son activité, Business Intelligence, Datawarehouse, CRM, etc. »

Quelle fiabilité ? Quelle pérennité ? Quelles garanties de sécurité ? L'agence faberNovel Consulting note que les entreprises déjà utilisatrices de solutions open source se plaignent généralement d'un manque de suivi et de soutien. Directeur général d'Informatica France, Didier Guyomarc'h prévient : « les impératifs opérationnels des entreprises et leurs conséquences sur le système d'information, ne peuvent pas faire l'économie d'une analyse technique sur le simple fait que le produit qu'on leur propose est gratuit ». Malgré les interrogations légitimes, le marché se développe.

Un marché en croissance

D'après Gartner, le marché open source mondial devrait générer 6,4 milliards de dollars de revenus en 2010 (« Open-Source Software Services Forecast Scenarios, Worldwide, 2005-2010 » - février 2007), alors qu'IDC table sur 5,8 milliards de dollars en 2011, contre 1,8 milliard en 2006 (« Worldwide Open Source Software Business Models 2007-2011 » - mai 2007).

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Selon Saugatuck Tech. plus de 20% des logiciels vendus dans le monde en 2010 seront open source (« Open Source Software: The Next Disruptive IT Influence » - octobre 2007). Par ailleurs, 77% des entreprises du Nord de l'Europe interrogées par Ingres Corp. cet été ont déclaré leur intention de mettre en œuvre des logiciels open source dans leurs principaux systèmes informatiques, si elles ne l'ont pas déjà fait (« Managing 21st Century Business Information » - juillet 2007).

Quel avenir pour l'open source ?

Systèmes d'exploitation, serveurs, bases de données, logiciels d'infrastructure, applications de gestion et d'informatique décisionnelle, les logiciels open source sont partout. Ils forment bien souvent le socle de systèmes complexes, orientés services, dans lesquels des applications open source et propriétaires de multiples éditeurs se côtoient. Plusieurs modèles ont vu le jour afin de répondre aux attentes des utilisateurs. « L'open source n'est pas une mode, n'est pas un marché de niche », note Mark Driver, analyste chez Gartner. Reste à convaincre des entreprises et des organisations encore frileuses, que l'open source a de l'avenir en environnement critique.
Ariane Beky
Par Ariane Beky

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