Le Web, purgatoire de la télé ?

Jérôme Bouteiller
Publié le 25 janvier 2008 à 16h05
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Loisir préféré des français avec une consommation quotidienne moyenne de plus de trois heures, la télévision n'en reste pas moins un média exigeant sur le plan économique. Pendant longtemps, les animateurs ou les émissions exclus des grandes chaînes hertziennes tentaient de poursuivre leur carrière sur un second marché : les chaînes du câble, du satellite ou désormais de la TNT. Or depuis plusieurs mois, beaucoup de ces mêmes programmes tentent de se réinventer sur un nouvel écran : celui de l'ordinateur.

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Si l'on fait exception de LaCinq, chaîne de télévision hertzienne fermée au milieu des années 90 et dont l'association de défense a longtemps alimenté un site web dédié, le pionnier de ce type de recyclage a sans doute été Michel Field, ex présentateur de France 2 et Canal+, dont le site web ALaTélé.com, lancé dès 2001, a tenté d'offrir une seconde jeunesse à quelques gloires des années 70 telles que la présentatrice Danielle Gilbert. Comme CanalWeb.net ou Nouvo.com un an plus tôt, le site fermera toutefois ses portes quelques mois plus tard, victime du faible nombre d'abonnés haut débit capables de consulter leurs programmes en vidéo.

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Malgré ce faux départ, l'idée est néanmoins restée dans l'air et c'est un Karl Zéro, fraîchement débarqué de Canal+, qui se relancera en grandes pompes fin 2006 sur le portail d'AOL France avec son “Club du Net”. Un programme politique arrêté dès la fin des élections présidentielles au printemps et qu'AOL n'a pas souhaité reconduire. «L'audience était bonne mais il s'agissait d'un dispositif spécial limité aux élections présidentielles» explique un représentant du portail web. Un faux départ qui n'empêche toutefois pas Karl Zéro de poursuivre ses projets sur le Net puisqu'il vient de prendre la direction du pôle média du groupe avec pour ambition le lancement d'une WebTV dès le printemps de cette année.

«Michel Field avait raison trop tôt mais là, c'est le moment. Les budgets publicitaires supprimés sur France Television iront majoritairement sur le web, c'est mathématique. Le web n'est pas le purgatoire de la télévision, c'est son fossoyeur» annonce jean-baptiste-descroix-vernier, PDG de Rentabiliweb.

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Collaborateur de Karl Zéro sur Canal+ jusqu'en 2005 avant de rejoindre les équipes d'Arrêt sur Image en 2006 , le journaliste John-Paul Lepers a également profité de la campagne présidentielle de 2007 pour lancer une webTV, “LaTéléLibre.com”, une télévision citoyenne sur internet revendiquant une audience de près de 200 000 internautes chaque mois. «Nous avons gardé le niveau de professionnalisme et les standards de qualité de la télévision ce qui fait que le projet est difficile à financer. Mais nous sommes en train d'inventer une nouvelle forme d'écriture audiovisuelle et un nouveau modèle économique. En outre latelelibre.fr dispose d'un véritable trésor: plus de 700 programmes de qualité, reportages et émissions régulières, que nous pouvons exploiter dans la durée et sur n'importe quel écran“ explique John Paul Lepers, Directeur de la rédaction de latélélibre.fr, qui finance ce nouveau projet grâce à la syndication de contenu à Canal+ en attendant, peut-être, l'ouverture d'une “école de la télé libre” pour former des journalistes aux métiers de l'audiovisuel et de l'internet.

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Un parcours qui a sans doute donné des idées à son ancien patron : Daniel Schneidermann, animateur producteur de l'émission Arrêt sur Image, diffusée depuis 1995 sur France 5 mais supprimée de l'antenne mi 2007. Après avoir habilement mobilisé 200 000 téléspectateurs qui ont signé une pétition de soutien, ce dernier a relancé son émission début janvier 2008 en misant exclusivement sur un modèle premium, sans publicité. Un pari risqué mais réussi puisque plus de 35 000 internautes auraient souscrit à la formule (30 euros par an, 12 pour les chômeurs).

Le web serait -il dès lors l'avenir des émissions recalées du petit écran ? «Non, le Web est une solution alternative. La plupart des journalistes qui sont passés de la télévision au Web n'ont pas eu le choix (Daniel Schneidermann, Karl Zéro, Christian Blachas) : ils ont été poussés dehors par leur chaîne ! Le Web nécessite beaucoup moins de moyens pour rebondir : n'importe quel animateur ou journaliste peut y parvenir s'il sait s'entourer et s'il ne sous-estime pas la technique. Ces enfants de la télé savoureront sans doute la liberté de ton que leur offre le Web. Mais s'ils sont rappelés un jour par la télévision, la plupart y retourneront ! Question d'égo et d'argent, surtout.» observe Julien Bellver, journaliste pour le webzine spécialisé iMedias.biz.

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Une analyse d'ailleurs confirmée par le parcours de CulturePub, une émission culte lancée en 1987 sur M6 Anne Magnien et Christian Blachas, supprimée de M6 en 2005 avant de rebondir sur le web fin 2007 pour finalement revenir, sur la chaîne NT1 (TNT) en janvier 2008. Plus que les chaînes hertziennes, les chaînes de la TNT n'hésitent d'ailleurs pas à miser sur la complémentarité avec le web, à l'image d'un Jean-Marc Morandini, combinant une émission sur Direct8 et un blog sur les médias, ou encore de BFM, ressuscitant Sept sur Sept en partenariat avec DailyMotion.

«Suivant la théologie catholique, le purgatoire est un processus de purification de l'âme après la mort et qui suit le jugement particulier, et presque tout le monde y passe avant d'entrer au Ciel faute de s'être préoccupé de réparer les dommages causés de son vivant.» peut on lire sur le site Wikipedia. Une définition qui peut sans doute également s'appliquer au web, purgatoire des animateurs et des émissions recalées du paradis télévisuel...
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