L'Association internationale du transport aérien a dressé deux scénarios possibles pour le secteur à moyen-long terme. Elle pointe aussi du doigt les mesures de quarantaine à l'arrivée et les remboursements imposés.

Le secteur aérien vit des heures sombres, et le coronavirus ne représente que le début d'une longue crise qui étalera ses conséquences durant plusieurs années sur l'aéronautique. C'est ce qu'il est ressorti le mercredi 13 mai d'une conférence de presse donnée par le directeur général de l'Association internationale du transport aérien (IATA), Alexandre de Juniac, pour qui le trafic aérien doit être reboosté à l'aide des gouvernements.

Pour l'IATA, la quarantaine à l'arrivée nuit davantage à la confiance des voyageurs dans le secteur

L'IATA a fait un nouveau point sur la crise de la maladie Covid-19 en réagissant notamment aux dispositions que souhaitent prendre (et que prennent déjà) les gouvernements. En premier lieu, l'association cible les mesures de quarantaine à l'arrivée, qui selon elle « nuiraient davantage à la confiance dans les voyages aériens ». Le Royaume-Uni vient d'annoncer une quarantaine obligatoire de 14 jours, même chose pour l'Espagne qui a mis en place cette mesure au moins jusqu'au 24 mai.

Pour l'organisation commerciale internationale, les mesures de quarantaine constituent un obstacle majeur à la reprise du trafic aérien. En se basant sur une étude menée sur 11 marchés différents, l'IATA constate que 84% des voyageurs interrogés voient les mesures de quarantaine comme l'une de leurs principales préoccupations, tandis que 69% d'entre eux ne sont pas prêts à voyager de nouveau si elles sont maintenues.

© Air France
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Parmi les solutions pour redémarrer l'industrie, l'association propose de privilégier « une approche en couches de la biosécurité fondée sur les risques qui doit être coordonnée à l'échelle mondiale ». Ce système comprend notamment des contrôles de température au départ (comme l'applique déjà Air France), de façon à stopper les voyageurs atteints de potentiels symptômes avant même prendre la route des airs. « Un solide système de déclarations de santé géré par le gouvernement et un suivi rigoureux des contacts peuvent gérer le risque associé aux voyageurs asymptomatiques », a aussi expliqué Alexandre de Juniac.

La Commission européenne veut maintenir la proposition de remboursement des billets

L'organisation internationale milite depuis plusieurs semaines déjà contre le remboursement systématique des billets pour des vols annulés par les compagnies. L'IATA rappelle que cette obligation européenne va au moins coûter 9,2 milliards de dollars aux compagnies aériennes européennes pour les vols annulés jusqu'à la fin du mois de mai, comme nous vous l'expliquions en début de semaine sur Clubic.

L'IATA souligne que le règlement européen (261/2004) qui s'applique n'a pas été prévu « pour faire face aux annulations massives comme le nécessitaient les blocages imposés par le gouvernement dans la lutte contre une pandémie mondiale ».

L'association demandait ainsi que ce remboursement ne soit plus obligatoire ni imposé aux compagnies aériennes, et que celles-ci puissent plutôt proposer des avoirs, des bons remboursables ou différents, qui permettraient aux compagnies de mieux protéger leur trésorerie, et ainsi de survivre à la crise.

© Pixabay
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Si 16 États de l'Union européenne, dont la France, ont soutenu la demande, la Commission européenne a rappelé que le remboursement devait rester « la règle ». L'institution de l'UE encourage tout de même les compagnies aériennes à « rendre les bons de valeur plus attractifs pour ceux qui choisissent cette option », comme par exemple la proposition d'un nouvel itinéraire.

Pas de retour à la normale avant plusieurs années pour le trafic aérien

Au-delà de ces points majeurs de désaccord, sur les mesures de quarantaine d'un côté et le remboursement des billets de l'autre, l'IATA et Tourism Economis ont dressé deux scénarios potentiels de voyage en avion.

Dans le meilleur des cas, il faut s'attendre à une ouverture des marchés intérieurs au troisième trimestre, et plus progressivement des marchés internationaux. En 2021, la demande mondiale de passagers serait en recul de 24% par rapport aux niveaux de 2019, et 32% inférieure aux prévisions établies en 2019 par l'IATA pour l'année 2021. Dans ce cas de référence, « nous ne nous attendons pas à ce que les niveaux de 2019 soient dépassés jusqu'en 2023 », précise l'association. Et même d'ici 2025, la demande mondiale de passagers devrait être inférieure (de 10% environ) aux prévisions précédentes. Le retour à la normale prendra donc au moins cinq ans.

Le second scénario, lui, est à l'évidence pessimiste. Il se base sur une relance plus lente et des blocages qui se prolongeraient jusqu'au troisième trimestre, potentiellement causés par une seconde vague de coronavirus. Ce qui retarderait davantage la reprise du trafic aérien. La demande mondiale de passagers serait cette fois en recul de 34% par rapport aux niveaux de 2019, et 41% inférieure aux prévisions établies pour l'année 2021.

Pour l'IATA, seules des mesures importantes provenant des gouvernements, et l'injection de liquidités par les banques centrales aideront à stimuler la reprise du secteur une fois la crise pandémique évacuée.

Source : IATA