crypto euro

Depuis 2019, les banques centrales ont initié des recherches pour la création d’une monnaie numérique « souveraine ». L’Europe livre aujourd'hui les premiers résultats de ces recherches et lance une consultation publique.

Depuis l’annonce de la création du Libra par Facebook, différents gouvernements dans le monde ont témoigné un intérêt à se doter d’une monnaie numérique souveraine. En Europe, les priorités sont mises sur la régulation et l’encadrement de ce nouveau type de monnaie avant une distribution européenne.

Blockchain, crypto-monnaies, stablecoins

Pour bien comprendre ce qu’est une « Monnaie Numérique de Banque Centrale », il est fondamental de définir, au préalable, les termes connexes, l'environnement et le contexte de sa création.

Tout d’abord, qu’est-ce qu’une blockchain ? En décembre 2018, une mission d’information commune de l’Assemblée Nationale donnait la définition suivante :

« Une blockchain est un registre, une grande base de données qui a la particularité d’être partagée simultanément avec tous ses utilisateurs, tous également détenteurs de ce registre, et qui ont également tous la capacité d’y inscrire des données, selon des règles spécifiques fixées par un protocole informatique très bien sécurisé grâce à la cryptographie ».

Une sorte de grand livre des comptes pour l’échange de données numériques donc. On remarque toutefois que cette définition se veut extrêmement large, couvrant ainsi tous les usages qu’il est possible de faire avec une blockchain.

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Dans le cadre d'une utilisation pour l’échange de monnaie numérique, historiquement, c’est le protocole Bitcoin qui fut le premier à être aussi massivement adopté. Selon l’Institut National de la Consommation, le terme crypto-monnaie fait référence à :

« Une monnaie virtuelle qui repose sur un protocole informatique de transactions cryptées et décentralisées, appelé blockchain ou chaîne de blocs ».

À noter que si les transactions peuvent être stockées dans un système de registre décentralisé, cela ne veut pas dire qu’elles seront forcément consultables par n’importe qui. Tout dépend de la manière dont a été réfléchi le système de gouvernance en amont.

Pour répondre à la problématique de la volatilité des prix des crypto-monnaies, certaines ont été adossées à une monnaie fiduciaire, leur assurant ainsi un prix « stable ».

Appelées stablecoins, ces crypto-monnaies utilisent donc un protocole qui leur permet de se maintenir au même prix, quelle que soit l'importance de la demande ou de l’offre.

Initiatives privées contre gouvernements centraux

En 2018, Facebook a annoncé le lancement de recherches pour la création de son propre stablecoin, le Facebook Coin. En 2019, le projet se précise et change de nom pour devenir Libra.

Adossée à plusieurs monnaies fiduciaires (le Dollar et l’Euro, entre autres), le projet est soutenu par 28 organisations et ONG, pour viser les populations fortement débanquarisées.

Les pays du G7 ne voient pas cette création monétaire, détenue par un consortium d’entreprises privées, d’un très bon œil. Aussi, la majorité d’entre eux déclarent ne pas avoir confiance en cette nouvelle crypto-monnaie. Le Fond Monétaire International, lui, encourage les innovations et se veut plus neutre dans sa position vis à vis des stablecoins.

Néanmoins, suite aux déclarations des différents gouvernements, de nombreux partenaires de Libra se sont désolidarisés du projet, jusqu'à ce que Facebook finisse par annoncer revoir sa copie.

En janvier 2020, un groupe de recherche se forme alors, regroupant la Banque Centrale Européenne (BCE), la Banque des Règlements Internationaux (BRI), la Banque Nationale de Suisse et la Banque d’Angleterre. La Banque Fédérale rejoindra ce groupe de recherche quelques mois plus tard tandis que la Banque Populaire de Chine et la Banque du Japon travaillent et expérimentent sur le sujet de leur côté.

En Europe, le groupe de travail nommé par le Conseil des Gouverneurs de la BCE a rendu son rapport le 2 octobre, dégageant plusieurs pistes de réflexion et un calendrier prévisionnel.

La MNBC européenne

Aujourd’hui, le crypto-euro en est encore au stade de l’éventualité.

La décision d’émettre ou non une Monnaie Numérique de la Banque Centrale (MNBC) européenne est attendue pour mi-2021, et le Conseil des Gouverneurs n’a pas encore annoncé de date pour l’émission réelle de cette MNBC, si elle devait avoir lieu.

Le rapport, rédigé par 19 banques et des experts de la BCE, est décliné en sept parties :

  • Pourquoi un Euro numérique ?

  • Effets potentiels

  • Considérations juridiques

  • Possibilités de conception fonctionnelle

  • Approches techniques et organisationnelles des services

  • Travaux à venir

  • Consultation publique sur un euro numérique

Dans presque chacune de ces sections, l’emploi du conditionnel est utilisé ; et pour cause, la vocation de ce groupe de travail est de réaliser un état des lieux et de faire des projections concernant chaque pan d'un éventuel Euro numérique, pour servir de base théorique à l'éventuelle émission de ce dernier.

Dans les mois à venir, institutions, citoyens et entreprises vont être consultées et ce afin de cerner leurs avis, inquiétude et propositions. La consultation publique a démarré le 12 octobre 2020 et devrait se poursuivre jusqu’à mi-2021.

S’ensuivra une période de test et d’évaluation pour déterminer si cette monnaie virtuelle pourra être diffusée au grand public ou non.

Notons que selon l’avis des entreprises, des citoyens et des institutions, les propositions émises dans le rapport pourront être modifiées, aussi, il est encore bien trop tôt pour se prononcer quant à la forme de l’Euro de demain.

L’univers des échanges décentralisés de données est encore très jeune et même si ses avancées sont très rapides, de nombreuses failles de sécurité subsistent encore.

L’équilibre entre la centralisation des données, leur sécurité et les libertés numériques individuelles devra être trouvé par les européens pendant cette consultation publique.

Une chose est sûre : plus il y a de monde qui exprime sa voix dans une décision collective, plus elle sera juste, bien que longue à définir...