Le nouveau règlement européen dit MiCA, pour Market in Crypto-Assets, doit profondément changer le mode de fonctionnement des monnaies numériques sur le Vieux Continent. Et apporter plus de sécurité.
En Europe, on crée peut-être moins niveau technologie que les États-Unis, mais on sait réguler. C'est maintenant presque un adage pour un Vieux Continent à l'origine du Règlement général sur la protection des données (RGPD) - assez admiré à l'étranger -, des Digital Markets Act (DMA) et Digital Services Act, et plus récemment encore, de l'AI Act. Et dans ce domaine, Bruxelles n'a pas non plus oublié le secteur de la cryptomonnaie, dont les acteurs vont devoir désormais s'adapter à de nouvelles règles s'ils veulent continuer à opérer chez nous. EN Europe, c'est notamment le cas de Bitpanda.
Le règlement MiCA en détail
Qu'est-ce que le MiCA ?
Le MiCA est une initiative législative de régulation du secteur de la cryptomonnaie présentée pour la première fois par la Commission européenne en septembre 2020 - une idée qui vient donc de loin. Le texte, après quelques années de travail, a été approuvé par le Parlement européen le 20 avril 2023, pour une entrée en vigueur le 29 juin 2023.
Il sera applicable à partir du 30 décembre 2024, à l'exception des dispositions concernant les stablecoins, déjà en application depuis le 30 juin 2024. À noter qu'il s'agit d'un règlement, et non d'une directive, ce qui signifie qu'il s'applique directement aux États-membres.
Pourquoi MiCA est-il important ?
Les cryptomonnaies sont encore un domaine tout neuf de l'économie, avec une croissance qui, comme tous les débuts, peut quelques fois être chaotique. Afin de pouvoir attirer une masse d'investisseurs critique, et non pas seulement une poignée d'aventuriers, une action d'encadrement légal s'avère alors indispensable. Que ce soit pour créer de meilleures protections pour les investisseurs, ou offrir un environnement plus clair pour les entreprises.
Le plus souvent, les gouvernements qui ont voulu agir dans le secteur ont tout simplement multiplié les interdictions, comme en Inde ou en Chine. Pour des résultats assez médiocres. La tentative de l'Union européenne est la première qui ait pour ambition de réguler le milieu avec des contraintes très fermes, tout en laissant l'opportunité aux habitants du Vieux Continent de pouvoir investir. Si la réussite couronnait ce règlement, il pourrait alors servir de nouveau standard pour les États de la planète, à l'image de ce qu'est devenu le RGPD.
Quels sont les objectifs du reglement MiCA ?
Le premier objectif du MiCA est d'effectuer « un renforcement de la protection des consommateurs et des garanties contre la manipulation des marchés. » Une intention qui s'entend, au vu des différents scandales qui ont émaillé l'émergence de la crypto, de la faillite de Mt. Gox en 2014, plateforme dont les créanciers commencent à peine à être remboursés, jusqu'aux événements plus récents constitués par l'effondrement du LUNA ou de la plateforme FTX.
Mais l'horizon du MiCA ne s'arrête pas là, puisque le règlement veut aussi rendre le secteur des cryptomonnaies aussi transparent que ceux de la banque et de la finance classique. Il vise ainsi « à garantir que les transferts de crypto-monnaie puissent toujours être tracés et les transactions suspectes bloquées, comme c’est déjà le cas pour toute autre opération financière », selon le Parlement européen.
Les transformations majeures induites par MiCA
Une harmonisation des règlementations
Évidemment, les États du Vieux Continent n'ont pas attendu Bruxelles pour tenter de mettre un peu d'ordre dans le monde des actifs numériques. En France ainsi depuis la loi PACTE de 2019, des mesures ont été prises, avec notamment l'obligation pour les grands exchanges comme Binance de s'enregistrer en tant que Prestataires de Service sur Actifs Numériques (PSAN).
Avec la mise en place du MiCA, ces tentatives isolées, qui créent un cadre législatif assez complexe pour les acteurs extérieurs à l'Union européenne, sont remplacées par une règlementation unique qui s'applique aux 27 pays de l'Union européenne. Cela concerne donc Bitpanda, le plus grand exchange crypto de l'UE.
Une protection accrue pour les investisseurs
Comme nous vous le disions un peu plus haut, l'une des ambitions du MiCA est de mieux protéger les investisseurs, dans un secteur autant connu pour ses réussites fulgurantes que pour les sommes conséquentes perdues en quelques instants par les utilisateurs.
Les émetteurs de crypto-actifs, tout comme les plateformes d'échanges (tels que OKX, Binance ou Kraken) seront ainsi à l'avenir tenues à des obligations de transparence. Par ailleurs, un registre public pour les prestataires de services de crypto-actifs non conformes sera aussi mis en place, afin de lutter contre les manipulations de marchés et les diverses activités criminelles.
Une réglementation pour les stablecoins
MiCA est un règlement qui porte une attention particulière sur les stablecoins. Pour rappel, il s'agit d'actifs numériques adossés à une monnaie réelle, le plus souvent le dollar (et plus récemment, l'euro). Afin de favoriser la stabilité de ces monnaies particulièrement importante, puisque considérées par les investisseurs comme un passage nécessaire lors d'une prise de profit, le règlement MiCA impose de nouvelles contraintes, pour éviter tout effet de panique dans les moments difficiles.
Les émetteurs de stablecoins sont ainsi soumis à un ratio de réserve de liquidité 1:1, ce qui doit leur permettre de toujours pouvoir répondre à la demande, qu'importe son volume. La nature de la réserve d'actifs est aussi spécifiée par le règlement, alors que les stablecoins algorithmiques sont tout simplement interdits (coucou le projet LUNA !).
Résultat, depuis le début du mois de juillet, certains stablecoins sont sur le reculoir, à l'image du plus utilisé d'entre tous, l'USDT. Sur Binance, il n'est ainsi plus disponible que pour les transactions de crypto à crypto et pour la détention sur un wallet. Au contraire, l'USDC, émis par Circle, est le premier stablecoin conforme au MiCA,ce qui devrait lui permettre de gagner en importance chez nous.
Quelles perspectives d'avenir pour l'industrie des crypto-monnaies ?
Vers une professionnalisation du secteur
Avec le règlement MiCA, l'Union européenne veut apporter plus de sécurité pour les utilisateurs, mieux combattre le crime dans le domaine, mais aussi créer un cadre légal et pérenne pour tous les professionnels des cryptomonnaies.
Car le règlement, qui s'applique à tous les pays, et qui a été travaillé durant plusieurs années, s'impose comme un outil légal dorénavant clair et destiné à imposer les mêmes règles durant les prochaines années. Une stabilité légale qui va pouvoir tranquilliser les professionnels, et les inciter à investir plus qu'ils ne l'auraient fait dans l'environnement instable précédent.
Les défis et les opportunités
Avec l'arrivée du MiCA, les petites entreprises vont d'abord devoir faire face à une adaptation légale qui pourrait leur être coûteuse. Même un géant comme Tether a de nombreuses fois fait état des difficultés qu'il rencontrait à s'adapter à ce qu'il considère être un carcan trop contraignant.
Sauf que cette première phase difficile devrait être suivi d'une phase beaucoup plus longue, dans laquelle la stabilité du système établi devrait permettre l'instauration d'un climat de confiance, qui reste difficile à créer dans le secteur toujours très mouvant des cryptomonnaies. Il suffit de voir l'incroyable succès du lancement des ETF Bitcoin par BlackRock et les autres grands fonds américains pour comprendre l'appétit des investisseurs pour la création d'acteurs légitimes dans la crypto.
Une influence d'envergure internationale
Enfin, MiCA pourrait aussi faire école. Si l'on aime moquer l'Union européenne pour sa faculté à légiférer, on peut aussi noter que certaines initiatives ont fait florès, comme le RGPD, qui a inspiré des pays aussi différents que le Japon, l'Inde ou le Brésil. Le règlement MiCA pourrait ainsi faire de l'Europe, à terme, une terre considérée comme stable pour l'investissement crypto.
Zoom sur Bitpanda
Dans le monde de la cryptomonnaie, il n'existe que des mastodontes développés au-dehors de l'Union européenne. Que ce soit Binance (basé aux Îles Caïmans) ou les plateformes américaines Coinbase ou Kraken, les grandes plateformes n'ont pas entamé leur aventure en Europe. Le plus grand exchange européen est Bitpanda, fondé à Vienne (Autriche) en 2014.
Ce dernier, contrairement à d'autres, s'est montré assez enthousiaste quant au nouveau règlement, qu'il voit comme un potentiel levier de croissance. « MiCA peut être perçu comme un "sceau" qui montre que l'industrie de la cryptomonnaie est là pour rester et pour remodeler le monde financier existant de manière régulée et sécurisée. La réussite de l'introduction de MiCA marque la prochaine phase de la croissance et de l'adoption du secteur des cryptos » s'est enthousiasmé au micro de BFM le directeur commercial France de Bitpanda, Alexis Bouvard. Bitpanda sera-t-il l'exchange à plus profiter du changement légal à venir ?