C'est une histoire incroyable qui se déroule au cœur des tribunaux français. Des milliers de mails frauduleux ont été envoyés aux greffes durant une grande partie de l'année 2017. Ces mails provenaient tous d'adresses inventées et ressemblant énormément aux vraies adresses d'acteurs du monde de la justice.
Un afflux de demandes provenant de fausses adresses
« Nous avons été alertés en 2017, par les greffes, d'un afflux de demandes émanant de fausses adresses. Nous avons donné consigne de ne pas répondre, et ces pratiques n'ont pas repris en 2018 », indique le Conseil d'Etat, chef de la juridiction administrative.Les pirates souhaitaient récupérer, via ces courriers frauduleux, rien de moins que des décisions de justice émanant des différents tribunaux. En effet, l'administration judiciaire éprouve depuis longtemps déjà des difficultés techniques et financières à diffuser et rendre publics les différents délibérés.
« Les greffes n'ont pas matériellement la possibilité de mettre les pièces juridiques à la disposition de tous. Le personnel des greffes se plaint d'un grand manque de moyens. Pour obtenir une jurisprudence, il faut très souvent envoyer un courrier », explique au journal Le Monde l'association Juriconnexion, regroupant les utilisateurs d'informations juridiques électroniques.
Un business juteux peut-être à l'origine de ce piratage
C'est là qu'intervient la société française Forseti SA, détentrice de la publication doctrine.fr. Ce site web se présente comme le Google du droit, proposant un moteur de recherche complet indexant les plus de 8 millions de décisions de justice enregistrées en France.Derrière ces fausses adresses qui ont inondé les boîtes mail des tribunaux, on retrouve une société britannique, Legal Nemesis Limited, dont les actionnaires sont également les fondateurs de Forseti SA.
Les tentatives de piratage auraient pu avoir pour but de remplir l'annuaire de doctrine.fr. Le site web a, depuis, passé un accord avec Infogreffe, le groupement d'intérêt économique des greffes des tribunaux de commerce, lui permettant d'ajouter 3 millions de décisions de justice à son annuaire.
La faute du stagiaire ?
Contactés, les fondateurs du site web tombent des nues et expliquent avoir été trompés par un ancien stagiaire qui aurait pris l'initiative de créer ces adresses frauduleuses.La justice pourrait se saisir de cette affaire qui se déroule dans ses propres murs, comme l'explique Christiane Féral-Schuhl, la présidente du Conseil national des barreaux : « Si nous avons la confirmation qu'il y a bien eu usurpation de la qualité d'avocat, nous n'excluons pas d'intervenir ».