Dans une lettre ouverte à l’administrateur de l’agence américaine, le fondateur de Blue Origin plaide pour que la NASA réintègre son entreprise… Sans hésiter à couper les prix de deux milliards et à promettre un contrat sans dépassements. La Lune continue d’attiser les convoitises !
Le gros contrat HLS est bloqué depuis plusieurs mois.
La Lune, rien que pour SpaceX ?
Le 16 avril dernier, dans un mouvement qui a créé une certaine surprise, la NASA a sélectionné SpaceX comme seul maître d’œuvre pour son contrat « HLS » (Human Landing System) visant à concevoir et réaliser un atterrisseur lunaire. Ce dernier, dans le cadre du projet Artemis, aura la lourde tâche d’envoyer des astronautes fouler à nouveau le régolithe…
Mais Artemis, malgré le soutien des politiciens, n’a pas recueilli ces dernières années un budget suffisant compte tenu de ses ambitions. Aussi, même si la NASA était censée sélectionner deux entreprises concurrentes pour le HLS, elle s'est rabattue faute de moyens sur la meilleure proposition (technique) et la moins chère (suite à une petite négociation), en confiant 2,89 milliards de dollars à la firme d’Elon Musk.
Pour les concurrents, à savoir la National Team (conglomérat dirigé par Blue Origin avec Locheed Martin, Draper, Northrop Grumman) et Dynetics, l’annonce a généré un tollé et des protestations officielles.
Un petit milliard par ci, un petit milliard par là
Ce choix a également beaucoup fait de vagues au Congrès américain, de la part de sénateurs d’États au sein desquels SpaceX n’est pas implanté, malgré le changement d’administrateur de la NASA ce printemps et le choix contraint par la taille du chéquier. Une décision est attendue au cours du mois d’août, car les protestations ont bloqué toute attribution « finale » du contrat.
C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles Jeff Bezos s’est décidé à écrire une lettre ouverte à la NASA. Il y déplore le manque de concurrence et le fait que la National Team, pourtant bien notée techniquement, n’ait pas été sélectionnée alors qu’elle était (selon lui) prête à négocier le tarif proposé.
De fait, il en profite pour prendre les devants et propose d’autofinancer, via Blue Origin, une réduction de deux milliards des coûts annoncés, le financement d’une mission de démonstration sur fonds propres et une prise en charge de tout dépassement en cas de retard ou de coûts cachés. Jeff Bezos argue que ces trois points permettent d’effacer tous les arguments de l’agence et de regarder « plus objectivement » les arguments de la National Team.
Quel prix pour rétablir la concurrence ?
Sans faire l’effet d’une bombe, cette lettre ouverte n’était finalement pas tant adressée à l’administrateur Bill Nelson (lequel n’a pas la voix finale sur le processus) qu’aux politiciens du Congrès, attentifs à la défense du dossier. C’est un peu un geste de « quitte ou double » pour cette fin de protestation : les soutiens de la National Team y verront une main tendue et un argument de poids, les détracteurs un geste désespéré (voire une tentative de renégociation de dernière minute). Il faut dire que Blue Origin en particulier, malgré des succès récents, est sous le feu des critiques.
Dans le principe, difficile de donner tort aux arguments finaux de Jeff Bezos : c’est la mise en concurrence d’acteurs de poids de l’industrie américaine qui a permis la majorité des succès déterminants des programmes des deux dernières décennies, des lanceurs aux véhicules cargos et jusqu’au transport des astronautes. Donner les clés à SpaceX uniquement, malgré les avancées déterminantes du programme Starship jusqu’ici, ne parait pas tant en phase avec les principes des contrats commerciaux de la NASA. Ce qui est certain, c’est que cette sélection qui permettra aux astronautes de fouler le sol lunaire suscite toutes les convoitises…
Source : Blue Origin