Coup de chaud au Texas ! À peine plus d'une minute après son décollage du site de Van Horn, la capsule New Shepard « H.G. Wells » a dû s'éjecter d'urgence, car son booster était victime d'une grosse anomalie. Le vol était inhabité, mais les autorités vont mener l'enquête avec Blue Origin.
S'il y avait eu des passagers, ils auraient été secoués, mais ramenés doucement au sol.
C'est quand on s'y attend le moins…
Avec trois vols habités de sa capsule New Shepard (RSS First Step) dans la première moitié de l'année, Blue Origin se préparait à un automne studieux, commençant par un décollage jusqu'à plus de 100 km d'altitude avec une mission dédiée à des expériences scientifiques. Certains l'ont peut-être oublié puisque Blue Origin fait à présent voler de riches volontaires, mais les expériences représentent elles aussi une part de marché, en particulier vis-à-vis des universités et de la NASA, pour de petits programmes de recherche.
Blue offrait donc en ce mois de septembre la possibilité de voler avec plusieurs centaines de kilogrammes de matériel au sein de sa capsule « RSS H.G. Wells ». Le lancement avait cependant été repoussé de plusieurs jours suite à de mauvaises conditions météo, jusqu'à ce lundi où, pour une raison inconnue, le compte à rebours est resté plus d'une heure en stand-by. À 16 h 27, New Shepard allumait son unique moteur BE-3 et décollait du site de Van Horn (Texas).
Le système de sécurité a réagi comme prévu
Mais pour sa 23e tentative de vol en huit ans, cette fois une mission New Shepard s'est involontairement mal passée. Après une minute de vol, passé Max-Q (l'instant où la pression atmosphérique est maximale sur le corps de la fusée en fonction de sa vitesse), le moteur à hydrogène et oxygène BE-3 a produit des flammes inhabituelles. Puis, c'est le corps de la fusée qui a commencé à s'incliner… Une fraction de seconde plus tard, le système d'évacuation d'urgence de la capsule s'est activé : laissant le booster loin derrière lui, le petit véhicule pressurisé s'est propulsé loin du danger.
Un système totalement automatisé, qui a réagi comme s'il y avait des astronautes dans la capsule… et heureusement. Car hors caméra, le booster retombe et s'écrase au sol (il ne causera aucun dégât matériel ou humain). La capsule, elle, atteint pratiquement 11 km d'altitude, avant d'ouvrir ses trois parachutes et de se poser sans encombre dans les buissons secs du grand site de Blue Origin.
Un premier accident de vol pour Blue Origin
Si l'accident est embarrassant pour Blue Origin après 22 missions réussies (tous projets confondus, c'est une première), les équipes peuvent se féliciter d'avoir conçu un système d'évacuation et de sauvetage qui a fonctionné en conditions réelles ! Ces ensembles sont complexes et testés extensivement, mais rien ne remplace l'expérience, et les clients de Blue sauront désormais que même face à l'imprévu, les mesures mises en place pour leur sécurité fonctionnent exactement comme elles le devraient.
Toutefois, la reprise des vols habités du système New Shepard sera probablement repoussée de quelques mois : Blue Origin va enquêter sur les circonstances et les causes de cet échec avec la propulsion, sans doute une rupture sur le moteur BE-3. Et recevra pour cela l'aide de la FAA, l'agence fédérale de l'aviation américaine. L'entreprise ne pourra d'ailleurs pas reprendre les vols (qui plus est habités) avant d'avoir l'assentiment des autorités.
C'est peut-être aussi la limite de vols pour le système New Shepard : le booster qui volait hier effectuait son 9e aller-retour à 100 km d'altitude. Quelques minutes avant le décollage, la commentatrice expliquait que l'appareil et sa capsule étaient justement construits pour 25 vols…
Quelles conséquences ?
Il faut souligner que cet accident intervient dans un contexte particulier pour le tourisme suborbital, puisque Blue Origin est pour l'instant la seule entreprise à proposer commercialement la possibilité d'aller se frotter à la frontière de l'espace. Trois vols habités supplémentaires étaient prévus (à minima) avant la fin de l'année.
Le seul autre concurrent sur ce marché est Virgin Galactic (sa billetterie est ouverte), mais l'entreprise californienne de Richard Branson n'a pas fait voler son avion-fusée depuis juillet dernier, et ne prévoit pas de vol suborbital avant au moins la fin de l'année. Ironiquement l'activation du système d'évacuation d'urgence sur New Shepard pourrait même pénaliser l'avion de Virgin… Ce dernier n'est effectivement équipé d'aucun dispositif équivalent : si le moteur ou l'appareil se désintègre comme cela s'est passé hier, la catastrophe est garantie.
Source : Spacenews