Appelez-ça un cri du coeur, ou une réaction épidermique ? Linus Torvalds, créateur du noyau Linux, était jeudi à l'université d'Aalto, en Finlande, à l'initiative du club des entrepreneurs de la faculté. Après avoir commenté la conduite du projet Linux - particulière en ceci que Torvalds s'est toujours défini comme un ingénieur, et non comme un chef d'entreprise - et dispensé divers conseils, l'invité du jour s'est prêté au jeu des questions / réponses avec l'assistance. Peu avant la fin de la rencontre se lève une jeune femme qui demande à Torvalds pourquoi il a été si difficile pour elle de trouver le moyen de faire fonctionner la technologie Optimus sur son ordinateur portable équipé de GNU / Linux.
Optimus, c'est pour mémoire cette technologie élaborée par Nvidia, qui permet de basculer silencieusement du contrôleur graphique intégré au processeur de la machine à la carte graphique dédiée, de façon à limiter la consommation électrique globale de la machine lorsque les performances du GPU GeForce ne sont pas nécessaires. Si celle-ci suppose quelques aménagements matériels, son implémentation est essentiellement affaire de logiciels : il faut en effet disposer de pilotes capables de gérer cette bascule. Sur Windows, aucun problème, mais la donne semble moins heureuse côté Linux.
La future impétrante explique avoir acheté il y a deux ans un ordinateur portable compatible Optimus, mais n'avoir trouvé qu'il y a six mois le moyen de profiter pleinement de cette technologie par le biais d'un projet hébergé sur Github (célèbre répertoire de réalisations open source). Elle se dit donc surprise que Nvidia n'ait pas directement planché sur le sujet, et de cette absence de prise en charge, alors que logiciel et matériel jouent, selon ses termes, « dans le même bac à sable ».
« Je vois exactement ce dont vous parlez », embraie Torvalds, sans se faire prier, « et je suis très heureux de dire que c'est l'exception plutôt que la règle. Je suis aussi heureux de souligner publiquement que Nvidia est l'un des pires cas auquel nous avons eu affaire dans nos relations avec les fabricants ». Il se dit d'autant plus marri de la situation que Nvidia tente aujourd'hui de vendre ses puces dans l'univers Android (le système de Google repose sur le noyau Linux), avant de qualifier l'américain de « pire société avec laquelle nous ayons jamais travaillé ».
S'ensuit une conclusion pour laquelle Torvalds joint le geste à la parole, non sans susciter rires et applaudissements de l'assistance : « Nvidia, fuck you ! ».
Si Nvidia fournit bien des pilotes GeForce dédiés à Linux, il est vrai que ceux-ci ne s'accommodent aujourd'hui pas bien de la technologie Optimus et les linuxiens qui souhaitent profiter de cette technologie n'ont d'autre recours que de se tourner vers des solutions alternatives comme Bumblebee. Reste à voir si la vindicte Torvaldsienne poussera la marque au caméléon à améliorer sa prise en charge de Linux...
Comme l'histoire n'est qu'un éternel recommencement, on rappellera qu'un autre illustre libriste, Richard Stallman, fustigeait déjà l'attitude des fabricants de carte graphique en 2006... L'intégralité de l'intervention de Torvalds est accessible ci-dessous (en anglais). Les plus pressés sauteront directement aux alentours de 49'.