Ce 19 décembre, le Centre National d'Etudes Spatiales fête son 60e anniversaire ! Pas question pour autant d'envisager la retraite : si les moyens sont contraints, les sujets que couvre le CNES sont toujours plus nombreux, de la défense au suivi environnemental, en passant par l'exploration planétaire.
Il reste encore beaucoup à découvrir !
Starteup naïcheun
17 salariés. En décembre 1961, lorsque le général de Gaulle signe la création du Centre National d'Etudes Spatiales, c'est un petit poucet… chargé tout de même de superviser les travaux pour rendre le lanceur Diamant orbital, et pour le premier satellite français, Astérix ! Le CNES succède alors au Comité des Recherches Spatiales et devra rapidement travailler avec les armées, en particulier le CIEES, ou le Centre Interarmées d'Essais d'Engins Spéciaux, basé en Algérie.
Mais à force de succès, les équipes grandissent et la reconnaissance nationale puis internationale vient régulièrement couronner les activités de l'agence spatiale française. Aujourd'hui, le CNES compte environ 2 450 « collaborateurs » répartis sur différents centres : le siège social et la Direction des Lanceurs à Paris, le Centre Spatial Toulousain (ou CST) pour tout ce qui a trait aux activités vers et depuis l'orbite, et le Centre Spatial Guyanais, d'où décollent les lanceurs européens. Et il existe aussi d'autres pôles beaucoup plus petits, comme les stations de suivi, ou le COB (Centre d'Opérations Ballons) à Aire sur l'Adour.
Un seul CNES, plein de missions différentes
Le CNES dépend aujourd'hui directement de trois ministères : Recherche, Défense et Economie. Il dispose d'un budget important de 2,34 milliards d'euros, mais attention : près d'un milliard est directement reversé à l'ESA, dont la France est l'un des principaux contributeurs. Bien sûr, vu comme ça, le budget est 22 fois moins élevé que celui des Etats-Unis… Mais en réalité, le CNES réussit à s'investir intelligemment à travers des partenariats nationaux et internationaux (126 sont actifs cette année !), en particulier avec les entreprises, les instances européennes et l'ESA, justement (car les euros investis « retournent » ensuite dans le pays hôte).
D'autre part, le CNES ne dispose pas d'une armée d'équipes de recherche, le centre coordonne les projets. Par exemple pour le rover Perseverance, le CNES est maitre d'œuvre de la partie optique du boitier SuperCam, mais tout n'est pas réalisé à Toulouse, loin de là ! Les scientifiques de plusieurs laboratoires publics (notamment l'IRAP), des universités, des entreprises privées se réunissent autour de la table. En réalité, les projets où le CNES est seul responsable sont très rares.
Le CNES tient aussi sous sa houlette des projets de défense, en assurant diverses missions telles que l'aide à la conception, le lancement, la mise à poste et les manœuvres des satellites, la gestion en orbite… Contrairement à la NASA par exemple, qui n'a pas cette dualité avec les militaires. La défense, via sa propre agence de recherche la DGA et ses différents services qui s'occupent des données satellitaires, gère de son côté les opérations (et va par ailleurs étendre ses compétences avec le nouveau « commandement de l'Espace » qui se met en place à l'intérieur même de l'enceinte CNES de Toulouse).
Ami souviens-toi, et pas que des fusées !
En 60 ans bien sûr, le CNES aura eu une riche histoire, avec des projets que tout le monde connait. D'abord en faisant entrer le 26 novembre 1965 la France en 3e place dans le club des puissances spatiales, avec le satellite Asterix. Puis avec ses projets de moteurs et de lanceurs qui, n'hésitons pas à l'écrire, ont permis à l'Europe d'être à la place où elle est aujourd'hui. Europa puis Ariane 1, 2 et 3, 4 et puis Ariane 5, entièrement différente et pourtant portée par la France… y compris dans ses échecs inauguraux. Le CNES a aidé tous les programmes de lanceurs en activité en Europe, y compris Soyouz au CSG, ainsi que des travaux au service du lanceur Vega. Bien sûr, ça ne s'arrête pas aux fusées. Rien qu'en orbite basse : les satellites SPOT, les balises Argos, les premiers satellites de télécommunications, les cargos ATV… sans oublier l'astronautique !
Car oui, en 1998 le corps des astronautes français est passé du CNES sous la responsabilité de l'ESA, mais cela n'empêche pas d'avoir au sein de l'agence française des institutions très investies qui voient le passage de tous les camarades de Thomas Pesquet : le MEDES (centre de médecine spatiale) et le CADMOS, qui est le lien entre les laboratoires français et leurs expériences sur la station spatiale internationale.
Le Centre National du Système Solaire
Enfin, les participations du CNES aux missions d'exploration planétaires sont nombreuses et reconnues. Quatre instruments aujourd'hui sur la surface de Mars et d'autres en orbite de la planète rouge, des collaborations sur ExoMars à venir, mais aussi sur d'autres thématiques comme sur la sonde Solar Orbiter, sur la mission Rosetta (et son atterrisseur Philae) qui a étudié plusieurs années durant la comète 67P Churyumov-Gerasimenko, des partenariats qui vont amener nos scientifiques à étudier les lunes gelées de Jupiter avec JUICE dans la décennie 2030, à rouler sur la surface de Phobos (la lune de Mars) en 2026 et à étudier depuis le sol lunaire les émissions de radon avec l'instrument DORN, qui partira avec la mission chinoise Chang'E 6. Il y a quelques semaines seulement, le gouvernement français a signé pour que le petit rover lunaire Rachid des Emirats Arabes Unis soit équipé de caméras Caspex, sous la responsabilité du CNES. C'est cela aussi d'avoir une « petite agence », travailler un maximum sur ses points forts.
On oublie parfois des thématiques chères au CNES, car elles ne sont pas les plus médiatisées. Avec son programme Janus, l'agence aide depuis une dizaine d'années de multiples universités (réparties en Centres Spatiaux Universitaires) pour faire progresser la thématique satellite et nano-satellite chez les étudiants. Les plus jeunes ont été nombreux à participer à l'expérience du Blob en parallèle avec Thomas Pesquet cette année. D'autre part, après l'Accord de Paris, le CNES a mis en place le SCO (Space Climate Observatory) qui lie plusieurs dizaines de pays et promeut des projets et méthodes pour mieux observer et encadrer nos émissions de carbones et notre influence sur le climat.
Bientôt 61 ans !
Le CNES a changé de président cette année, avec l'arrivée de Philippe Baptiste. Et si les défis sont nombreux pour le futur de l'agence (militarisation de l'espace, gestion des super-constellations, concurrence dans le secteur des lanceurs, etc…), la grande majorité de ceux qui y travaillent ont hâte de s'y frotter, ou s'y attellent déjà ! Pour terminer, on pourra rappeler aux politiciens dans cette année électorale qu'un « euro investi » dans le spatial rapporte jusqu'à 20 fois plus selon le CNES, grâce au dynamisme du secteur.