© SK Hynix
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Si tout va comme prévu, d’ici quelques mois nous devrions voir débouler les premières cartes mères capables d’exploiter de la DDR5. En toute logique, les premières barrettes de ladite DDR5 seront également disponibles… En réalité, un constructeur en propose même dès à présent sans qu’il soit possible d’en faire quoi que ce soit puisque les plateformes ne sont pas encore là. L’occasion pour nous faire le point sur cette nouveauté technique.

Les premiers travaux autour de cette DDR5 ont été officialisés en septembre 2017 par la société Rambus. Alors que le standard DDR5 n’était encore que préliminaire, SK Hynix a été le premier à annoncer une puce DDR5 fonctionnelle accélérant de fait les besoins d’une certification précise. Les principaux acteurs du marché de la mémoire sont parvenus à un accord en juillet 2020 ouvrant la voie à une exploitation à grande échelle de ce nouveau standard. Avant d’entrer dans le détail de cette DDR5, il convient donc de voir comment nous en sommes arrivés là.

Une puce de SRAM. Non, elle n'est pas d'époque © RS-Online
Une puce de SRAM. Non, elle n'est pas d'époque © RS-Online

Petite histoire de la mémoire vive

Celle que nous connaissons sous le nom de DDR4 est en réalité nommée improprement. Pour être rigoureux, il faudrait effectivement parler de DDR4 SDRAM et, pour éviter d’audacieux acronyme, de Double Data Rate 4th generation Synchronous Dynamic Random Access Memory. Le terme est évidemment barbare, mais il a l’avantage de préciser les choses et de permettre de mieux comprendre ce qui se cache derrière.

Vous le savez tous, la DDR4 est de la mémoire vive que l’on connaît sous l’acronyme RAM pour Random Access Memory ou mémoire à accès aléatoire. Le terme ne date pas d’hier… il est même carrément ancien puisqu'utilisé pour la première fois en 1965. L’idée était alors de distinguer cette génération de puces mémoires des précédentes, les fameuses ROM – Read Only Memory – que l’on inscrit une fois pour toutes et qui ne bougent « plus jamais ». Nous autres Français, plus romantiques, avons opté pour les termes mémoire vive et mémoire morte.

Parce que seuls les « vrais » sauront, une barrette de SIMM EDO 32 Mo © Wikipedia

Pendant des décennies, deux types de RAM se sont opposées – la SRAM et la DRAM – avant que n’arrive une mémoire dont le nom évoquera quelque chose aux plus anciens, la SDRAM pour Synchronous Dynamic Random Access Memory ou mémoire dynamique synchrone à accès aléatoire. L’intérêt de cette nouvelle mémoire réside évidemment dans le terme synchrone. En effet, à partir de cette génération de RAM qui a grosso modo débarqué en 1992, la RAM était synchronisée au bus, simplifiant grandement la gestion des instructions entrantes.

Très vite cependant, les débits ont montré leurs limites et dans la perpétuelle fuite en avant que connaît l’industrie micro-informatique, certains ont l’idée d’aller plus loin en exploitant à la fois le front montant et le front descendant des impulsions d’horloge. De fait, on profite d’un accès doublé à la mémoire, que ce soit en lecture ou en écriture. Vous vous en doutez, il fallait trouver un nom pour cette SDRAM d’un genre un peu particulier et, là encore ce n’est pas vraiment une surprise, fut adopté le terme DDR SDRAM ou Double Data Rate Synchronous Dynamic Random Access Memory.

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DDR, DDR2, DDR3, DDR4 en attendant la suite

La révolution apportée par la DDR SDRAM est arrivée six ans après la sortie des premières puces de SDRAM. Dans un cas comme dans l’autre, c’est d’ailleurs Samsung – oui, le Sud-coréen était déjà aux premières loges – qui a lancé la chose avec des processus de gravure qui feraient doucement rigoler aujourd’hui puisque nous parlions de 180 nm, 150 nm ou 140 nm dans le meilleur des cas. Logiquement, les choses ont évolué avec la sortie en 2001 de la DDR2 puis en 2003 de la DDR3.

À chaque nouvelle génération, les constructeurs ont sensiblement amélioré les caractéristiques techniques des barrettes de mémoire qui restent cependant dans des formats très similaires. Cela fait d’ailleurs bien longtemps que l’on parle toujours de barrettes DIMM pour les modules mémoires à destination du marché desktop et de SO-DIMM pour ceux que l’on envisage sur les machines les plus compactes ainsi que sur les ordinateurs portables.

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Par rapport à la DDR, la DDR2 vient doubler le taux de transfert afin de permettre des débits bien plus importants. En revanche, le gain est en partie perdu sur certains types d’accès, car la DDR2 est contrainte de faire avec des temps de latence plus élevés, mais d’autres améliorations techniques ont malgré tout permis d’imposer rapidement la DDR2 auprès des constructeurs. L’un des arguments de poids est la consommation électrique nettement inférieure. Alors que la SDRAM nécessitait 3,3 V, on est passé à 2,5 V sur la DDR et même 1,8 V avec la DDR2.

Des différences physiques entre barrette de DDR4 et barrette de DDR5 © Teamgroup

De manière assez schématique, on retiendra que la DDR2 a permis de doubler la bande passante par canal avec 6,4 Go/s officiellement reconnus par le JEDEC, l’organisme chargé de standardiser les caractéristiques des modules mémoires : il a même existé des modules capables d’atteindre 8, voire 9 Go/s quand la DDR a toujours été limitée à 3,2 Go/s dans le meilleur des cas. En toute logique, la DDR3 a permis de consolider ces progrès et d’aller encore un peu plus loin pour suivre les évolutions dans tous les autres secteurs.

Réellement disponible à partir de 2007, cette DDR3 capitalise sur les réussites de la DDR2 pour aller un petit peu plus loin à chaque fois. C’est ainsi que l’on évoque une meilleure mémoire tampon de prélecture ou une finesse de gravure encore plus remarquable. L’un dans l’autre et sans qu’il soit question d’imaginer de nouveaux modes de fonctionnement, un module de DDR3 consomme jusqu’à 40% d’électricité en moins qu’un module de DDR tout en assurant des débits plus élevés avec une bande passante qui dépasse maintenant les 10 Go/s.

Des fréquences sensiblement plus élevées sont attendues avec la DDR5 © Teamgroup

En 2014, petit bouleversement puisque c’est SK Hynix qui, le premier, finalise un module de DDR4 alors que Samsung avait toujours dégainé le plus vite. Entre autres avantages de cette nouvelle génération de mémoire figurent une densité plus importante et de moindres exigences électriques. Alors que la DDR3 se limitait à des DIMM de 16 Go alimentées en 1,35 V, on peut compter sur de la DDR4 capable d’atteindre 64 Go par DIMM en se limitant à 1,2 V. Les fréquences sont aussi plus élevées, jusqu’à 1 600 MHz quand la DDR3 se « contentait » de 1 067 MHz.

Alors cette DDR5, une révolution ?

Cinquième génération de DDR, la nouvelle mémoire qui nous attend d’ici la fin de l’année entreprend de moderniser encore nos chères barrettes DIMM. La chose a d’ailleurs connu un peu de retard puisqu’il était un temps prévu de finaliser tout ça courant 2018 et le JEDEC n’a finalement arrêté ses décisions que le 14 juillet 2020. En toute logique, les membres du JEDEC ont cherché à pousser encore plus loin les spécificités de la DDR4 pour justifier une nouvelle évolution. Il est ainsi possible de mettre en avant quelques points clés.

La gestion électrique des barrettes ne se fera plus depuis la carte mère © Teamgroup

Tout d'abord, retenons que la DDR5 pousse encore les débits de données avec un doublement de ce que nous connaissons sur les puces actuelles : de 3200 à 6400 MTps pour la DDR5 contre 1600 à 3200 MTps pour la DDR4. Pour garder une échelle comparable aux valeurs avancées sur les précédentes générations de DDR, parlons en bande passante globale, là encore, la DDR5 marque de notables avancées : le plafond de 25,6 Go/s de la DDR4 est ainsi porté à 32 Go/s… Encore que des constructeurs évoquent déjà de la DDR5-10000 et une bande passante de 160 Go/s.

Autre nouveauté introduite par la DDR5 qui, là aussi, permet de poursuivre les progrès réalisés à chaque génération de DDR : il est question d’abaisser encore les exigences électriques de chaque module. Avec la DDR5, on parle maintenant de 1,1 V contre 1,2 V. Si abaissement, il y a encore, notons toutefois que l’écart est plus faible que par le passé.

Il convient toutefois de signaler que des débits plus importants, une tension moindre et des fréquences plus élevées limitent la marge de manœuvre dans la gestion du bruit. Le signal se dégrade avec ce que l'on nomme des pertes d'insertion et de multiples interférences. Une fonctionnalité baptisée Decision Feedback Equalization fait son apparition : elle permet d'ajuster le signal plus efficacement en fonction de multiples retours d'informations.

La tension de fonctionnement des barrettes de DDR5 va légèrement baisser © Teamgroup

Puisque nous parlons alimentation, il est important de noter que la DDR5 implique un changement de taille. En effet, alors que jusqu’à présent la gestion électrique des barrettes était dévolue à la carte mère, la chose a été déplacée sur la RAM elle-même avec la DDR5. Ceux que l’on nomme PMIC – pour Power Manager Integrated Circuit ou circuit intégré de gestion de l’énergie – ont déjà été conçus par des constructeurs comme Samsung afin d’offrir une meilleure gestion de l’alimentation des barrettes : le Sud-Coréen évoque notamment une meilleure efficacité.

Les barrettes de DDR5 pourront intégrer l'ECC © Teamgroup

Autre nouveauté « structurelle » dans la conception des barrettes de DDR5, celles-ci vont intégrer ce que l’on appelle l’ECC – pour Error-Correcting Code ou code correcteur d’erreurs – et qui permettra donc d’analyser les données et intercepter d’éventuelles erreurs avant d’envoyer tout ça au CPU. Attention cependant, les spécifications du JEDEC confirment qu’il existera des DIMM de DDR5 dépourvue de l’ECC. Sans doute pour limiter les coûts et il faudra alors voir le gain réel d’un tel apport pour un usage domestique.

Enfin, même s’il existe encore d’autres changements architecturaux importants, nous terminerons cette présentation des apports de la DDR5 en évoquant la question de la capacité des barrettes DIMM. En effet, si la DDR4 avait déjà permis de considérablement augmenter cette capacité, la DDR5 se propose d’aller bien plus loin. On parle ainsi d'un quadruplement de la densité : sur une unique puce, il est possible d'atteindre 64 Gb contre « seulement » 16 Gb sur la DDR4. De fait, on peut aboutir à 128 Go de capacité maximale par barrette UDIMM (unregistred) quand il fallait se contenter de 32 Go sur la DDR4.

La DDR5 est la promesse de modules de bien plus grande capacité © Teamgroup

Il va falloir « tout changer »

Problème, vous vous en doutez, le passage à la DDR5 implique de notables changements matériels. D’ailleurs, afin de ne pas mélanger barrettes de DDR4 et barrettes de DDR5, ces dernières seront légèrement modifiées : le détrompeur est décalé un soupçon vers le centre de la barrette, tout en prenant soin qu'il ne soit pas pile au milieu afin qu’il fasse encore office… de détrompeur justement. Reste que nos cartes mères actuelles ne sont pas pourvues de la sorte et, de toute façon, nos CPU et leur contrôleur mémoire sont bien incapables d’exploiter la DDR5.

Une fois encore, il faudra donc « tout changer » pour profiter des progrès de la DDR5. Chez Intel, la chose pourrait démarrer dès la sortie de la prochaine génération de processeurs, Alder Lake-S. Intel n’a pas fait mystère de sa volonté d’aller de l’avant après avoir connu bien des déboires sur son processus de gravure en 10 nm. La sortie d’Alder Lake-S n’est pas encore officialisée, mais elle pourrait intervenir dès les mois d’octobre ou de novembre 2021 avec, bien sûr, toute une ribambelle de cartes mères pour l’accueillir.

Alder Lake-S devrait être le premier processeur à prendre en charge cette DDR5 © Tom's Hardware

Chez AMD, il faudra faire preuve d’un tout petit peu plus de patience puisque rien n’est prévu pour l’année 2021 et que la prise en charge de la DDR5 devrait coïncider avec la sortie de la prochaine génération de cœurs Zen, les Zen 4 que l’on devrait retrouver au sein des Ryzen de série 7000. En l’absence de boule de cristal fiable, il convient donc de prendre un peu de distance, mais AMD s’est régulièrement présenté comme « sur les rails » pour une sortie autour des 2nd / 3e trimestre 2022. L’avenir nous dira évidemment ce qu’il en est.

Une évolution logique plus qu'une révolution

Comme nous l'avons vu tout au long de ce dossier, la DDR5 n’est rien de plus que l’évolution logique de cette mémoire Double Data Rate qui habite nos PC depuis maintenant plus de vingt ans. Elle n’a pas vocation à bouleverser notre quotidien, mais en insistant sur les points que les constructeurs ont fait évoluer à chaque nouvelle génération, elle devrait apporter un surcroît de confort et d’efficacité.

La part des différents types de RAM 2015-2026 © Yole Developments

Une consommation électrique plus mesurée ou la possibilité de barrettes de plus grande capacité sont autant d’atouts qui auront leurs amateurs… quand bien même l’immense majorité de la population n’aura « pas besoin » de ces améliorations. Notons cependant que des changements plus profonds dans l’architecture même de la DDR5, dans la présence d’un circuit de gestion de l’alimentation intégré aux barrettes ou dans la généralisation de l’ECC sont à même d’inspirer des bouleversements un peu plus importants.

Reste que, comme à chaque génération, il ne faut pas s’attendre à un raz-de-marée DDR5 dès la sortie de ces barrettes. Bien sûr, les industriels ont tout intérêt à ce que l’adoption se fasse aussi vite que massivement, mais même les instituts les plus optimistes n’envisagent le point de bascule DDR4 / DDR5 qu’autour de 2023 avec une DDR4 qui représenterait encore 20% du marché à l’horizon 2025.

Qu'il soit question de tester cela parallèlement à la sortie d'Alder Lake-S, à l'arrivée des premiers CPU Zen 4, vous pouvez bien sûr compter sur nous pour vous rendre compte, dès que possible.