Quel avenir pour la neutralité du Net ? La question, qui fait débat en France, en Europe, mais aussi aux Etats-Unis, a fait l'objet d'une étude commanditée par la secrétaire d'Etat au Numérique. Il en résulte un rapport intitulé « La neutralité de l'Internet. Un atout pour le développement de l'économie numérique », remis au Parlement fin juillet. Le quotidien Libération en a obtenu une copie et livre quelques morceaux choisis de ce texte qui doit servir de préalable à la position officielle du gouvernement sur le sujet. L'avis exprimé au long de ces 45 pages ne ravira pas les partisans d'une neutralité des réseaux érigée comme principe absolu.
Le principe de neutralité du Net suppose pour mémoire que l'on exclue toute discrimination à l'égard d'un contenu, de sa source, ou du moyen de communication exploité pour y accéder. Sur les réseaux, les données doivent donc être transférées sans modification et sans qu'un protocole soit privilégié par rapport à un autre. Si les éditeurs de service y adhèrent le plus souvent, la donne est plus complexe du côté des opérateurs, chez qui on souhaite pouvoir gérer le trafic de données et faire participer les plus gros consommateurs de trafic aux frais de maintenance et de développement du réseau.
Neutralité du Net contre impératifs économiques
Une logique économique à laquelle semble adhérer le gouvernement. « La préservation d'un Internet ouvert n'interdit pas la mise en place de mesures techniques, notamment de gestion de trafic », fait ainsi valoir le rapport, en soulignant tout de même que « les interventions des acteurs techniques (...) (doivent) répondre à des objectifs légitimes, rester aussi limités que possible et être appliqués de façon transparente et non discriminatoire ».
Les différents débats consacrés à la question laissaient d'ailleurs transparaitre une menace latente : si les plus gros consommateurs de bande passante ne sont pas mis à contribution pour financer les infrastructures, c'est le consommateur final, l'internaute, qui finira par l'être. Selon cette logique, il ne serait donc pas impossible, selon le rapport, d'assister à « une augmentation du prix des forfaits ou un plafonnement de consommation dans les forfaits permettant d'adapter la facturation à la consommation ».
Régulation des débits, garantie de qualité de service
Soulignée par Libération, une comparaison inédite étaie le rapport, dressant un parallèle entre tuyaux numériques et poste traditionnelle. « Le facteur fait ses meilleurs efforts pour délivrer le courrier mais celui-ci peut être retardé en cas de surcharge, et l'expéditeur n'a pas la garantie que le courrier soit délivré avec succès. Cependant, l'expéditeur peut payer un complément pour avoir des garanties de qualité de service ».
Ici, on retrouve la controverse mise en exergue par les rumeurs d'un accord entre Verizon et Google ces derniers jours, avec un opérateur qui serait prêt à accorder une qualité de service supérieure aux fournisseurs de contenus qui acceptent de payer pour cet avantage concurrentiel. A comparaison, comparaison et demi. Les défenseurs de la neutralité du Net préfèrent envisager les tuyaux comme une autoroute, dont la société gestionnaire ne gère que les accès et la facturation associée, sans intervenir sur les véhicules qui y circulent.
Entre autres points, le rapport ne pouvait finalement pas faire l'impasse sur la problématique du filtrage des contenus, problématique que l'on retrouve aussi bien au niveau des lois Hadopi et Loppsi que dans la récente réglementation qui encadre la libéralisation des jeux d'argent en ligne. Sur ce point, nulle surprise : « les agissements illicites (fraudes et escroqueries, délits de presse, atteintes à la vie privée, contrefaçon, piratage des oeuvres protégées par le droit d'auteur, diffusion de contenus pédopornographiques, etc.) doivent être poursuivis et sanctionnés, ce qui peut impliquer la mise en place de dispositifs de filtrage ou de blocage de certains contenus », lira-t-on en page 8.