En octobre 2011, Orange lançait un programme (baptisé Orange Préférences) proposant au détenteur d'une ligne Livebox que ses données de navigation soient analysées afin de pouvoir mieux cibler la publicité qui lui est affichée sur le portail de l'opérateur. A l'époque, il prenait la forme d'une option proposée sur le mode de l'opt-in : le consentement préalable de l'utilisateur était donc requis pour que la fonction soit activée.
Le procédé n'en dérangeait pas moins les partisans de la vie privée : l'analyse des données de navigation suppose la mise en place d'un outil capable d'inspecter le trafic entrant et sortant par la ligne de l'abonné. Les technologies associées (DPI, pour Deep Packet Inspection) n'ont pas particulièrement bonne presse, et pour cause : ce sont elles par exemple qui permettent à certains régimes d'opérer la censure et la détection des cyber-activistes.
A l'époque, la Cnil avait toutefois affirmé (voir cette interview sur France Info) que le procédé employé par Orange respectait la loi, notamment parce que les données capturées étaient expurgées de toute information à caractère personnel (comme le contenu d'un email).
Une analyse DPI généralisée ? « Non ! » répond Orange.
Jeudi matin, le site Reflets.info s'est fait l'écho d'une modification opérée au niveau des conditions générales de vente des offres Livebox ADSL, qui laisse supposer la mise en place d'un dispositif similaire, généralisé cette fois à tous les abonnés les ayant acceptées... et surtout, enclenché par défaut.
Le texte exact, que l'on pourra consulter à l'article 21 des dites CGV (PDF), est le suivant :
« Le Client autorise France Télécom à utiliser les données relatives à son trafic afin de pouvoir lui proposer les produits ou services de France Télécom pouvant répondre à ses besoins, et ce pendant une durée de douze (12) mois à compter de leur émission (date de passation de la communication). »
S'il souhaite exercer son droit de retrait (procédure dite de l'opt-out), l'abonné devra envoyer un courrier postal au service client d'Orange. S'agit-il pour autant du même dispositif que celui qui est envisagé dans le cadre de l'offre Orange Préférences ? Interrogé par nos soins jeudi, l'opérateur assure que tel n'est pas le cas. Il rappelle dans un premier temps que cette mention n'a rien d'une nouveauté : elle serait en réalité en vigueur au moins depuis 2008 (on en trouve effectivement trace dans une version des CGV datant de début 2010).
« Les informations évoquées à l'article 21 des CGV Orange concernent des données de facturation ou d'usage que nous collectons et analysons pour proposer à nos clients des options ou des services adaptés à leurs besoins. Elles ne sont évidemment pas collectées à des fins de revente commerciale », assure notre interlocutrice.
« Nous sommes en parfaite adéquation avec l'article L34 du Code des postes et des communications électroniques, et je peux vous assurer qu'Orange ne procède à aucune analyse des données de navigation du client », ajoute-t-elle. Les techniques de DPI, qui sont bien employées dans le cadre de l'option Orange Préférences, n'auraient donc absolument pas cours ici.
Les données de facturation comprendraient l'âge, le sexe et le lieu de résidence du souscripteur de la ligne, que l'opérateur peut avoir besoin d'exploiter pour adapter ses propositions commerciales. « Si vous avez 22 ans et habitez un grand centre-ville, nous n'allons par exemple pas vous suggérer l'offre Internet Facile, qui est plutôt réservée à un public de néophyte », prend comme exemple la porte-parole. La transmission à des partenaires commerciaux telle qu'évoquée dans l'article 21 se limiterait aux prestataires techniques ou forces commerciales détachées de l'opérateur.
Les données d'usage comprendraient par exemple « le nombre d'appels passés vers les mobiles pour savoir s'il est pertinent de vous proposer l'option appel illimité ». Les données qui n'ont aucun intérêt au regard de la segmentation des offres et options de l'opérateur ne seraient donc pas collectées.
« Orange Préférences reste un programme disponible en opt-in, avec la possibilité de se désinscrire en un clic depuis son espace client en ligne. Il est absolument pas envisageable qu'un tel dispositif soit étendu à l'ensemble de nos clients », conclut notre interlocutrice, selon qui aucun amalgame ne doit être fait entre cette option, effectivement intrusive, et le processus de personnalisation de la relation client décrit par l'article 21 des CGV. Si la situation est aussi clairement tranchée que nous le décrit Orange, peut-être faudrait-il clarifier ce dernier et notamment cette mention qui concerne « les données relatives au trafic » ?