Un juge de Bologne estime que Deliveroo a failli en établissant un classement de réputation en fonction des performances de ses livreurs.
Deliveroo, pointée du doigt par trois syndicats, a été épinglée par un juge en Italie, qui a reconnu dans une ordonnance rendue le 31 décembre que l'entreprise avait utilisé un algorithme considéré comme « discriminatoire ». Le plateforme de livraison de repas, présente dans la Péninsule depuis 2015, a été reconnue coupable d'opérer des distinctions entre ses livreurs, selon leurs performances. « Le système a été changé il y a peu », assure désormais Deliveroo, contrainte de changer de braquet.
Une inégalité d'accès aux créneaux horaires de la plateforme
Pour comprendre comment l'algorithme de Deliveroo en est venu à être « discriminatoire », il faut d'abord comprendre comment fonctionne la plateforme.
Les livreurs, pour pouvoir exercer, doivent en avance bloquer des créneaux horaires de travail disponibles, pour que la répartition du travail soit équitable selon les coursiers et selon les lieux. L'idée étant de favoriser les livreurs qui seront les premiers à indiquer être disponibles. Les créneaux horaires sont mis à la disposition des coursiers sur une plateforme numérique dédiée.
Il se trouve que certains livreurs n'avaient pas accès de façon égalitaire à certains créneaux, comme le dénonce trois syndicats italiens, parmi lesquels la CGIL Bologne, branche locale de la Confédération générale italienne du travail, plus grand syndicat du pays.
Selon eux, le système de réservation des créneaux était basé sur une note attribuée par un algorithme, qui, pour chaque coursier, se basait sur deux éléments : la fiabilité et la participation. Sauf que tous n'avaient pas accès à la plateforme au même moment. Les plus performants pouvaient en effet bloquer leur créneau pour la semaine dès le lundi matin, tandis que les autres, jugés donc moins performants, devaient attendre 15h00, voire 17h00 pour les plus inefficaces.
Des manquements au droit du travail italien
L'autre problème soulevé par les syndicats et confirmé par la décision du tribunal est que le système ne respectait pas le droit du travail, dans le sens où la moindre annulation de réservation (d'un créneau de livraison) faite en-deçà de 24 heures entraînait manifestement une pénalité et, donc, une baisse de la « performance » du livreur aux yeux de l'algorithme. Et ce quel que soit le motif invoqué : maladie, grève ou autre.
Même en cas d'activité, le rider pouvait être sanctionné par une perte de points, si celui-ci se connectait au-delà de « 14 minutes et 59 secondes » après le début de sa session de livraison. Sur ce point, la société Deliveroo a elle-même reconnu que ce défaut de connexion affectait « négativement le paramètre de fiabilité » du coursier, comme on peut le lire dans la décision. En somme, aucun retard n'était toléré sans prendre le risque d'être « sanctionné », alors même que les livreurs italiens sont censés demeurer indépendants.
Les syndicats italiens se sont félicités de la décision du tribunal de Bologne, qu'ils n'hésitent pas à qualifier de « tournant historique dans la conquête des droits et libertés syndicats du monde numérique ».
On peut aussi aller plus loin et directement s'interroger sur ce modèle à long terme. La gestion algorithmique d'une telle activité n'est-elle pas, en soi, déshumanisante, arbitraire et génératrice de discriminations diverses ? Chaque pays se fait petit à petit son avis. L'Italie, elle, a en partie tranché. Et même si Deliveroo a anticipé en écartant cet algorithme il y a un mois et affirmé qu'il ne serait pas utilisé en France, d'autres pays réfléchiront peut-être à la question. Ce sera peut-être également le cas d'autres plateformes, comme Uber Eats, dont les livreurs peuvent être directement imputés par les notations attribuées par les clients du service de livraison.
Source : Tech Crunch