La Sacem réclame aux propriétaires de locations saisonnières un forfait annuel au titre des droits d'auteur. Cette situation, soumise à des conditions, suscite une grosse incompréhension.
Ces derniers jours, c'est un peu la pagaille chez les propriétaires qui mettent leur logement en location saisonnière. En effet, la Sacem, Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, réclamerait à ces derniers, à certaines conditions seulement, des droits d'auteur dus à la présence d'un téléviseur, d'une radio ou d'un lecteur CD dans les logements. Entre ce que la Sacem a réellement le droit de faire, les conditions applicables et ce qui a pu être dit à droite ou à gauche, l'avocat et ingénieur Jean-Denis Lefeuvre a pris la parole sur les réseaux sociaux pour nous aider à y voir plus clair.
Des visites surprises dans les logements pour faire payer des droits d'auteur aux propriétaires
Deux éléments ont mis le feu aux poudres. Le premier n'est autre que l'évocation d'un forfait annuel, d'un montant de 198,01 euros, auquel seraient soumis les propriétaires de locations saisonnières (chambre d'hôte, gîte, meublé de tourisme) qui mettraient à disposition de leurs clients et voyageurs une télévision, une radio ou un lecteur CD, s'ils veulent diffuser des œuvres dans les chambres et les parties communes des logements. Toute personne qui déclarerait la présence d'un tel appareil à l'avance bénéficierait même d'une réduction de 20 %.
On en vient au second élément : le paiement de la fameuse taxe de la Sacem. Le Figaro a par exemple recueilli le témoignage de Neela, ancienne propriétaire de chambres d'hôtes à Metz. « Un matin, je vois un homme arriver chez moi, dégainant une carte de la Sacem, dit-elle. Il voulait contrôler si j'avais un téléviseur ou une radio dans mon établissement ».
Après vérification, la Sacem lui confirme la démarche, et Neela règle cette somme d'un peu moins de deux cents euros, pour la seule présence d'un unique téléviseur, le sien, dans le salon commun. Jean Félix Choukroun, le directeur du service client de la Sacem, confirme au Parisien que les agents de la société ont l'autorisation légale d'entrer dans les domiciles entre deux locations « pour vérifier l'existence d'un téléviseur ou d'une radio ». Quel est le problème alors ?
Une démarche qui n'est pas légale, en plus d'être imprécise
Le problème, c'est qu'un inspecteur de la Sacem n'a aucun droit de pénétrer dans un domicile, car il demeure salarié d'une entreprise privée (la Sacem est une société privée de gestion des droits collectifs musicaux) et ne dispose pas de prérogatives de puissance publique. Autrement dit : vous pouvez lui fermer poliment la porte au nez sans avoir à craindre quoi que ce soit. « S'il essaye de vous intimider et de vous impressionner pour rentrer (Ndlr : en évoquant une amende pouvant atteindre 300 000 euros en cas de refus), il n'en a pas le droit et vous pouvez refuser sans la moindre crainte », explique Jean-Denis Lefeuvre.
Concernant ensuite la présence au sein d'une location saisonnière d'une télévision, d'un lecteur CD ou d'une radio, l'avocat et ingénieur indique qu'ils ne sont pas soumis à un paiement auprès de la Sacem du fait de leur seule présence. « Seule la sonorisation forcée d'une pièce recevant des tiers peut l'être », précise-t-il, évoquant les exemples d'un restaurant ou d'une salle d'attente. Ici, les établissements sonorisent d'eux-mêmes leurs espaces, imposant ainsi aux clients, patients et autres d'écouter la production artistique pour laquelle ils sont alors soumis aux droits d'auteur de la Sacem. Cette notion de contrainte à l'écoute, c'est la première exception.
La seconde exception repose sur la réception hôtelière d'un signal télévisé. Si un hôtel installe une antenne parabolique dans toutes les chambres de son établissement, il n'a rien à payer. En revanche, s'il possède une unique antenne parabolique pour l'ensemble de l'hôtel et que le signal est renvoyé sur tous les téléviseurs, il doit s'acquitter de la taxe réclamée par la Sacem. La Cour de cassation a dessiné les contours de cette exception dans un arrêt du 6 avril 1994, depuis complété au niveau jurisprudentiel par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui explique que la simple mise à disposition d'installations de réception ou d'écoute n'est pas comparable à une « communication au public ». En somme, « il faut plus qu'appuyer sur un bouton pour que les clients aient accès aux œuvres », résume bien Jean-Denis Lefeuvre.