Les batteries lithium-ion qui équipent la majorité de nos appareils numériques, de nos smartphones jusqu’à nos voitures électriques, font face à un double écueil : des ressources minérales bientôt épuisées, et un impact environnemental problématique, puisqu’elles sont rarement recyclées. Mais des chercheurs américains ont peut-être trouvé une alternative : des batteries « biologiques », qui se dégradent sur commande.
Les piles (accus ou batteries) sont l'un des outils les plus importants dans nos vies modernes : elles nous permettent de faire fonctionner une multitude d’objets, des radios aux jouets, des smartphones aux montres connectées. Outre les classiques piles sèches (AA, AAA, D), les batteries lithium-ion (ou “Li-ion”), rechargeables, équipent la majorité de nos appareils électroniques portables. Mais si ces dernières ont révolutionné notre quotidien depuis leur commercialisation en 1992, elles posent des problèmes environnementaux qui ne font que croître à mesure que les objets connectés et les véhicules électriques se développent.
Comme le notait le Chemical & Engineering News en 2019, ce qui pose problème, c’est « le caractère jetable de ces batteries ». Si les lithium-ion sont recyclables, dans les faits moins de 5 % sont recyclés, « pour des raisons techniques et économiques ». En outre, leur conception nécessite l'utilisation massive de cobalt, qui est à la fois une ressource naturelle finie et un métal toxique, qui pollue et qui nécessite de rejeter une grande quantité de CO2 pour son extraction. Selon les estimations, si rien ne change, ce sont 15 millions de tonnes de batteries lithium-ion qui devraient être mises au rebut d'ici 2030 (sans être recyclées).
La dégradation plutôt que le (non) recyclage
Plutôt que d’espérer un sursaut miraculeux des fabricants en matière de recyclage, des chercheurs ont mis au point une batterie « écologique », qui fonctionne avec des protéines au lieu du lithium. Plutôt que le graphène, un matériau cristallin synthétique qui selon les promesses de certaines entreprises comme Samsung, pourrait un jour prolonger la vie des batteries, augmenter leur capacité et accélérer leur vitesse de recharge, le futur pourrait ainsi être dans des batteries à radicaux organiques polypeptidiques.
Concrètement, des chercheurs de la Texas A&M University conçoivent depuis 2018 une batterie sans métal, qui utilise des polypeptides (substances qui servent dans la synthèse des protéines) « redox-actifs ». Ces polymères, en se dégradant, permettent de « réduire » une autre substance, c’est-à-dire de la rendre neutre. Quand ils composent la structure d’une batterie comme ici, ils peuvent rester « endormis » pendant son fonctionnement, mais aussi être « déclenchés » (grâce à des électrodes) pour se dégrader en vue d’un recyclage.
Selon les chercheurs de la Texas A&M University, qui ont publié leurs recherches début mai 2021 dans Nature, la dégradation de cette batterie biologique devrait se faire « à la demande » ; simplement en la plongeant dans une solution acide qui dégage des acides aminés. En outre, le processus de dégradation serait inoffensif pour les piles. Ce qui signifie qu'elles devraient se dissoudre sans danger et d’une façon naturelle ; qu’elles soient jetées dans une décharge ou dans l'environnement.
Batteries durables et économie circulaire
« En s'éloignant du lithium et en travaillant avec ces polypeptides, qui sont des composants des protéines, nous entrons dans un domaine qui évite le besoin d'extraire des métaux précieux, et qui ouvre aussi de nouvelles possibilités pour alimenter des appareils électroniques portables ou implantables », estime Karen Wooley, chimiste et membre de l’équipe de recherche.
Les batteries à base de protéines ont actuellement des performances équivalentes à un tiers de celles des batteries lithium-ion. « Mais grâce à leur architecture semblable à celle des protéines, ces performances pourraient être optimisées, en incorporant des conformations que l'on trouve dans les protéines naturelles, qui transportent déjà très efficacement les électrons », avance Jodie Lutkenhaus, professeure de génie chimique et en génie des matériaux, qui participe aux recherches. Les biochimistes de la Texas A&M University, qui travaillent déjà sur cette optimisation en utilisant l’apprentissage automatique, affirment que ces batteries écologiques pourraient constituer une « première étape » vers des batteries durables à long terme et « bio-dégradables ». Allant dans le sens d’une « future économie circulaire ».
Une batterie sans métal, non toxique, rechargeable, recyclable, dégradable à la demande et potentiellement plus performante : face à un tel concurrent, les Li-ion pourraient bien, finalement, voir leur durée de vie réduite.
Source : Techxplore