Vue schématique du SPARC, démonstrateur du réacteur ARC. On constate que son volume est considérablement plus réduit que celui d'ITER. © T. Henderson/CFS/MIT-PSFC
Vue schématique du SPARC, démonstrateur du réacteur ARC. On constate que son volume est considérablement plus réduit que celui d'ITER. © T. Henderson/CFS/MIT-PSFC

La course à la fusion nucléaire se poursuit dans le monde entier. Si la plupart des regards (et des financements) sont tournés vers le projet international ITER, en construction dans le Sud de la France, d’autres initiatives se poursuivent, avec des calendriers parfois plus ambitieux.

C’est notamment le cas du projet ARC du MIT. Le célèbre institut de recherches américain a récemment dévoilé une avancée majeure dans le domaine des électroaimants utilisés pour le champ de confinement.

Mettre le « Soleil en bouteille »

Le principe du réacteur à fusion consiste à reproduire dans une enceinte confinée les processus de fusion de l’hydrogène qui se produisent naturellement au cœur d’une étoile. En fusionnant dans un réacteur à fusion, deux atomes d’hydrogènes libèrent une énergie folle. Sous forme thermique, cette énergie peut alimenter une turbine à vapeur, comme sur n’importe quelle centrale électrique.

Mais pour atteindre la fusion contrôlée, il faut reproduire les conditions infernales qui règnent au cœur du Soleil. Cela nécessite de chauffer un mélange d’isotopes de l’hydrogène (deutérium et tritium) à des températures extrêmes. On parle alors de plasma, le tout dans une enceinte sous vide. Et il est question ici de près de 150 millions de degrés ! De quoi faire fondre instantanément n’importe quel matériau.

Pour contenir notre « soleil artificiel », il faut donc une bouteille… immatérielle. On utilise pour cela un champ de force électromagnétique, qui maintient le plasma en suspension, loin des parois du tokamak, comme on appelle ce dispositif de confinement magnétique en forme de tore (donut). Ce champ de force est le plus souvent créé par des électroaimants très puissants, assemblés avec une grande précision.

Malgré la chaleur intense produite au sein du tore, ces électroaimants utilisent généralement des matériaux supraconducteurs qui nécessitent de très basses températures. Sur ITER, les électroaimants seront ainsi maintenus à -269°, très proche du zéro absolu ! Si on sait déjà construire et opérer des tokamaks, les réacteurs à fusion actuels ne sont pas encore capables de produire plus d’énergie qu’il n’en faut pour alimenter le plasma, et encore moins de le faire dans la durée.

Vu du dessus du premier aimant testé par le MIT. Assemblés, des dizaines de ces aimants pourraient former un tore dans lequel circulera le plasma. © MIT
Vu du dessus du premier aimant testé par le MIT. Assemblés, des dizaines de ces aimants pourraient former un tore dans lequel circulera le plasma. © MIT

ARC : des aimants plus puissants et économes pour le réacteur du MIT

C’est là que se positionnent les recherches du MIT, et de la start-up Commonwealth Fusion Systems, elle-même un spin-off du Plasma Science & Fusion Center du MIT. Plutôt que de chercher à révolutionner le concept même de la fusion, le MIT reprend l’architecture conventionnelle des tokamaks, mais leur applique une percée technologique réalisée par CFS. En moins de trois ans, cette petite start-up a été en mesure de développer un électroaimant exploitant des supraconducteurs haute température (on parle tout de même de -253° !) permettant d’émettre un champ magnétique bien plus fort, dans un volume plus réduit, tout en nécessitant moins d’énergie pour son alimentation et son refroidissement. Et comme un champ magnétique deux fois plus puissant permet une puissance de fusion 16 fois plus importante, on comprend rapidement l’intérêt de tels gains sur les électroaimants !

Le 5 septembre, un grand électroaimant exploitant des supraconducteurs à haute température a donc pu générer un champ magnétique de 20 teslas. Environ quatre fois plus puissant que le champ magnétique prévu pour ITER, il s’agit tout simplement du plus puissant champ magnétique jamais atteint pour un aimant de ce type.

Pour les responsables du projet ARC, ces nouveaux électroaimants pourraient permettre de concevoir un tokamak opérationnel d’une puissance de 500 MW présentant un volume 40 fois plus restreint que celui prévu pour le projet ITER. Pour rappel, l’ensemble machine d’ITER mesure 29 m x 29 m. Pour le MIT, cet impressionnant changement d’échelle serait rendu possible par la création d’un champ continu d’une dizaine de teslas, contre 5,3 teslas prévus pour ITER.

Le calendrier ambitieux du MIT

Avec cette démonstration technologique, le MIT et CFS annoncent être dans les temps pour appliquer leur très ambitieux calendrier de développement. Un démonstrateur à échelle réduite du projet ARC, le SPARC, pourrait ainsi être opérationnel en 2025. L’institut technologique ambitionne donc, dans quelques années à peine, de démontrer la capacité à produire au moins deux fois plus d’énergie qu’on n’en injecte dans le plasma, même si une série d’articles laisse penser que le gain pourrait être encore supérieur.

La première centrale opérationnelle, reliée au réseau électrique, pourrait alors être mise en ligne dès 2033. On est ici bien loin du calendrier du projet ITER, qui n’atteindra pas sa pleine puissance avant 2035 et qui n’a de toute manière pas ambition à produire directement de l’énergie électrique, mais uniquement 500 MW thermiques permettant de valider le concept. Avec son volume réduit et ses délais de développement raccourcis, ARC pourrait être produit en série bien plus rapidement qu’une version opérationnelle d’ITER.

L’enthousiasme du MIT et de CFS doit tout de même être pondéré. Si leurs électroaimants à supraconducteurs à haute température permettront peut-être de répondre à une partie des défis liées à la fusion nucléaire, c’est loin d’être le seul point bloquant. Pour réellement produire de l’énergie à l’échelle commerciale, un tokamak devra pouvoir fonctionner de manière continue, avec une fiabilité sans faille, en supportant des conditions environnementales qui restent infernales. Il devra aussi pouvoir produire son propre tritium. Et, dans tous les cas, la fusion ne sera pas une solution magique, et elle mettra plusieurs décennies avant de réellement pouvoir peser dans la balance énergétique à l’échelle mondiale. La partie est donc encore loin d’être jouée.

Source : MIT