© ITER Organization
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ITER, le colossal projet de réacteur de fusion nucléaire, vient de franchir une étape clé. Le tout premier élément qui compose le tokamak vient d’être installé dans l’enceinte, une étape qui marque le début de l’assemblage du réacteur et la dernière ligne droite pour le projet avec des travaux qui devraient s’achever courant 2025.

La fusion de noyaux d’hydrogène sera-t-elle une source d’énergie viable à l’avenir ? C’est la question à laquelle doit répondre ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) qui n’est autre que le plus grand projet scientifique au monde à l’heure actuelle, mais aussi l’ouvrage de génie civil le plus important actuellement en cours de construction en Europe.

Situé près de Cadarache en France, ce projet scientifique ambitieux réunit au total 35 pays. Son budget initial de 5 milliards d’euros a été multiplié par 4 depuis son lancement en 2007. L’objectif d’ITER est de faire de la fusion nucléaire une nouvelle source d’énergie. La production expérimentale du premier plasma est prévue pour 2025, et suivant les résultats un démonstrateur industriel pourrait voir le jour d’ici 2035.

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Un plateau en acier de 1 250 tonnes

Les 26 et 27 mai 2020, le projet ITER a franchi une étape cruciale avec la pose de la toute première pierre du fameux tokamak : la base du cryostat, l’élément le plus volumineux et le plus lourd de la machine ITER, celui qui marque le coup d’envoi de son assemblage. Avec ses 1 250 tonnes, la base du cryostat accueillera « la plus grande enceinte à vide en acier inoxydable jamais construite » (16 000 m³). Son rôle sera d’isoler le système magnétique du tokamak en enveloppant les aimants supraconducteurs dans un environnement cryogénique.

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La réussite de l’opération couronne 10 ans d’efforts, période qui a été nécessaire pour « concevoir, fabriquer, livrer, assembler et souder » le cryostat de 30 mètres de haut et de diamètre. Dans le communiqué de presse annonçant la nouvelle, la pose de ce composant massif est comparée à la scène de clôture de Rencontres du troisième type de Steven Spielberg.

Après s’être élevé lentement de son support à une hauteur de 24 mètres (1 mètre par minute), ce gigantesque plateau d’acier a parcouru 110 mètres pour rejoindre la fosse d’assemblage du tokamak. Une opération particulièrement délicate, puisque l’objet a dû franchir deux obstacles de 20 mètres avant de venir se poser avec une précision extrême, calculée au millimètre, dans le cylindre en béton qui forme la fosse d’assemblage du tokamak.

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Avant le début de cette minutieuse opération, Bernard Bigot, directeur général du projet, a exprimé sa pleine confiance en son équipe et souligné le caractère unique de l’installation de cet élément : « Les moments à venir resteront dans les esprits et les souvenirs de nous tous. »

Puis il a ajouté : « Ce que vous accomplirez aujourd'hui, en équipe, est quelque chose qui n'a jamais été fait auparavant dans l'histoire - et bien que vous l'ayez répété plusieurs fois, ce sera une opération unique en son genre […]. Je vous fais confiance pour travailler comme une équipe engagée et hautement professionnelle, convaincue comme nous tous que l'échec n'est pas une option. »

ITER : le coup d’envoi pour l’assemblage du tokamak

Cette opération spectaculaire a pu être réalisée malgré les difficultés liées à la pandémie de coronavirus et la réduction des effectifs sur le chantier et dans les bureaux. La pose de ce premier jalon marque cependant le début de l’assemblage d’une machine qui révolutionnera peut-être le secteur de l’énergie. La dernière ligne droite d'un itinéraire au calendrier rigoureux, puisque la production du premier plasma est planifiée pour décembre 2025.

Maintenant que le support du cryostat est en place, l’étape suivante est l’installation du cryostat en lui-même. Cette enceinte à vide se compose de 4 éléments principaux : sa partie inférieure sera soudée à la base dans les deux mois qui viennent, avant que les trois autres éléments et leur blindage thermique ne soient par la suite assemblés. Dans un entretien pour la revue Science, Bernard Bigot fait état des éventuels retards du projet en raison de l’épidémie de COVID-19. Il y explique notamment que les éléments en provenance du Japon et de la Corée de Sud, les bobines de champ toroïdal et huit des neufs secteurs de l’enceinte à vide, n’ont pas subi de retards. Ce n’est cependant pas le cas des ateliers européens, notamment en Italie où certaines activités ont dû être stoppées.

Dans les prochaines semaines, le conseil d’ITER devrait prendre une décision, soit en engageant d’importants coûts supplémentaires pour respecter le calendrier, soit en allongeant le calendrier d’un an. Cette deuxième solution engendrera néanmoins elle aussi d’importants coûts, puisque le projet requiert déjà actuellement une dépense qui s’élève à 1 million de dollars par jour.