L'espace consacré à l'assemblage du réacteur, avec le premier des neuf segments du tokamak visible à gauche, au centre © ITER Organization
L'espace consacré à l'assemblage du réacteur, avec le premier des neuf segments du tokamak visible à gauche, au centre © ITER Organization

Coup dur pour le réacteur de fusion construit en France. Après déjà plus de 2 ans d'assemblage, il va falloir démonter une partie du tokamak de recherche ITER après avoir découvert des fissures. L'installation avait déjà peu de chances de voir son « premier plasma » en 2025…

Il devrait également y avoir des surcoûts, avec une lourde facture à la clé.

Fissure sur la fusion

C'est une annonce qui était malheureusement attendue à la suite de la détection en novembre 2021 de petites fissures au sein du revêtement thermique de l'un des 9 segments géants formant les parois du tokamak, l'élément central du réacteur de fusion prototype ITER. L'investigation a livré ses conclusions : des particules de chlore sont restées piégées sur le revêtement en argent et l'ont corrodé.

Associée à un stress mécanique important lors de la soudure des éléments de refroidissement (qui opéreront à -269 °C ou 4 degrés Kelvin), cette corrosion est à l'origine de fissures de 1,5 à 2 mm de profondeur. Cela peut sembler négligeable pour une machinerie complexe dont chaque segment mesure 18 mètres de haut et pèse 1 350 tonnes… Mais le mal est fait, et il faudra non seulement remplacer une partie des pièces des futurs segments, mais aussi démonter celui qui est déjà en place dans le bâtiment réacteur. Cette opération délicate va prendre plusieurs mois à elle seule.

Gros retards en vue

Le temps de tester, d'observer, de démonter et de remplacer les éléments fissurés, puis de s'assurer que le défaut ne se représentera plus avant de reprendre le chantier, ITER devrait « perdre » environ 2 ans sur le calendrier actuel, qui prévoyait un premier plasma pour 2025.

Mais cela va s'ajouter à d'autres retards qui n'étaient pas encore pris en compte, en particulier ceux dus à la crise sanitaire (les éléments d'ITER sont produits dans le monde entier sur des périodes de plusieurs années) et ceux provoqués par l'invasion russe de l'Ukraine, qui a indirectement créé des tensions sur l'approvisionnement des matériaux et des pièces, et ce, alors que la Russie fait toujours partie du consortium. Des experts évoquent ainsi 5 ans de retard et 1 milliard d'euros de surcoûts dans un article sur Les Échos.

L'un des 9 éléments sur lequel les équipes vont devoir refaire les soudures et travailler sur l'isolation thermique © ITER Organization
L'un des 9 éléments sur lequel les équipes vont devoir refaire les soudures et travailler sur l'isolation thermique © ITER Organization

ITER étant le premier assemblage du genre à cette échelle et sur cette gamme de puissance (même s'il s'agit d'un projet de recherche), les équipes n'étaient pas à l'abri d'une découverte de ce genre. Néanmoins, cela souligne aussi la difficulté inhérente à ce chantier gigantesque aux tolérances très faibles.

La fusion, qui intéresse de plus en plus d'acteurs, publics comme privés, pour ses promesses énergétiques, ne pourra venir au secours des problèmes de production d'électricité avant au moins une décennie. La compréhension des phénomènes internes, de cette physique extrême et des réactions associées devrait cependant progresser malgré le retard d'ITER. En effet, plusieurs autres installations de recherche dans le monde sont liées à la même thématique, sur des aspects plus spécifiques de la fusion.

Source : Les Échos