Autoconsommation, politique de recrutement, tarifs de l'électricité, géothermie, voiture électrique, le directeur général France BtoC du géant de l'énergie a abordé tout un tas de sujets, dans une interview donnée à Clubic.
La France et les autres pays du monde vivent une période déterminante de leur histoire, période qui poser les bases du futur de notre planète. La transition écologique fait fleurir les initiatives, les collaborations autrefois improbables et met au diapason des acteurs connus pour leur empreinte carbone peu recommandable. Depuis plusieurs années, Engie n'hésite pas à pousser en faveur d'une adoption massive des énergies renouvelables. Le géant français diversifie ses marchés et ses activités, se fixant désormais deux objectifs majeurs : produire de l'électricité verte, et inciter les consommateurs à s'équiper en ce sens.
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Dans le cadre de la cinquième édition de la Maddy Keynote, à la fin du mois de janvier, Hervé-Matthieu Ricour, directeur général France BtoC (branche dédiée aux consommateurs) du troisième groupe mondial du secteur de l'énergie hors pétrole, a répondu aux questions de Clubic, depuis le Centquatre-Paris. Ce fut l'occasion de dresser le portrait de la stratégie globale d'Engie en matière énergétique, pour aujourd'hui et les années à venir.
L'interview de Hervé-Matthieu Ricour, partie 1 : emploi et tarifs
Clubic : Engie devrait recruter, selon les informations de nos confrères de l'Usine Nouvelle, plus de 10 000 salariés en 2020, dont 65% en CDI, ce qui fait de la société le quatrième plus gros recruteur cette année. Quels sont les types de postes et de secteurs privilégiés via ces recrutements ?Hervé-Matthieu-Ricour : C'est très varié. Engie est un groupe qui, dans l'énergie, exerce deux gros métiers : produire de l'énergie renouvelable et aider les gens à moins consommer d'énergie en faisant des travaux chez eux, que ce soit dans le BtoC ou le BtoB. À côté de cela, il y a la gestion des grands réseaux.
Nous avons besoins des métiers qui permettent d'assurer ces activités, avec des métiers très technologiques, liés à l'énergie, à la data qui remonte depuis le réseau. Nous avons aussi besoin de collaborateurs dans les secteurs du marketing, de la finance.
« L'autoconsommation démarre à des prix raisonnables, à partir de 7 000 euros l'installation »
Les tarifs de l'électricité ont augmenté de 2,4% le 1er février 2020. A contrario, ceux du gaz, et vous êtes ici pleinement concerné, ont fortement diminué depuis le début de l'année. Comment expliquez-vous ces courbes inversées ?
Pour faire simple : la production de gaz est actuellement très importante, donc les prix baissent. Le coût de l'électricité, lui, augmente, parce qu'elle reflète la structure de coût de l'opérateur historique. L'État veille à calculer le coût de l'électricité pour le client final, en fonction de l'augmentation des coûts de l'opérateur historique.
Partie 2 : l'autoconsommation individuelle et collective
Vous promouvez l'autoconsommation, qui pourtant souffre de certains obstacles, comme la réglementation, avec des délais d'autorisation parfois très longs. Comment peut-on faire tomber ces délais ?C'est un ensemble de choses. Nous avons besoin que les gens prennent conscience qu'il faut faire quelque chose pour la transition énergétique. Et cela n'englobe pas seulement les utilisateurs et bénéficiaires, mais aussi ceux qui nous gouvernent.
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La seconde étape est que les clients, les consommateurs soient convaincus qu'ils peuvent faire quelque chose. Engie apporte des solutions en matière d'autoconsommation, qui démarre à des prix raisonnables, à partir de 7 000 euros, et permet de faire une économie de 30% sur sa facture. Si les clients ne veulent pas payer l'installation avec un premier investissement de 7 000 euros, ils peuvent très bien opter pour des mensualités de 70 euros par mois.
Les gens savent que des solutions existent. Nous sommes en train de rentrer dans la dernière étape où tout le monde doit faire des efforts pour que l'autoconsommation se déploie rapidement, notamment en matière d'autorisations administratives diverses. Aux Pays-Bas, il faut 6 semaines pour déployer une installation de production d'électricité à partir de panneaux photovoltaïques chez un particulier. En France, c'est 6 mois.
« Aux Pays-Bas, il faut 6 semaines pour déployer une installation de production électrique photovoltaïque. En France, il faut 6 mois »
Qu'est-ce qui explique véritablement ce délai abyssal entre la demande et l'autorisation ?
En France, plusieurs types de demandes sont nécessaires : à la mairie, au gestionnaire de réseau, aux contrôleurs des installateurs électriques, aux architectes des bâtiments de France etc. Toutes sont légitimes, on ne va pas exemple pas installer des panneaux photovoltaïques sur un lieu qui est classé. Il faut simplement veiller à ce que les demandes soient traitées rapidement.
Nous avons, d'un côté, l'autoconsommation individuelle, et de l'autre, l'autoconsommation collective, des initiatives se développent d'ailleurs là-dessus. Quelle est celle sur laquelle vous axez la priorité chez Engie ?
Les deux n'avancent pas à la même vitesse. Pour l'instant, nous nous tournons davantage vers un développement chez le particulier, qui autoproduit pour autoconsommer. La réglementation vient d'ouvrir la possibilité d'avoir 3, 4, 5 ou 10 maisons qui produisent de l'électricité en autoconsommation, mais 30, 40, 50 ou 60 voisins pourraient bénéficier de cette électricité produite, lorsque celui qui l'a produite n'en a plus besoin. C'est ça, l'autoconsommation collective. Depuis peu, il est possible de le faire dans une zone géographique d'environ 1 kilomètre de rayon. C'est un peu plus compliqué techniquement, mais nous sommes en train de démarrer et aurons, chez Engie et en cette première partie d'année, de l'autoconsommation collective sur une île en France.
Partie 2 : éolien, géothermie, voitures électriques, le point sur les énergies renouvelables
Où en est-on de la géothermie chez Engie ? C'est une ressource qui est compliquée à développer, notamment en raison de l'emplacement des gisements, que l'on ne trouve pas partout...Ça fait partie des alternatives. Mais on ne voit pas la géothermie se dessiner, à court terme, de façon importante en termes de chiffres. De nombreux clients veulent de l'électricité verte simplement.
« On voit se développer ce désir des clients d'accéder à la production, à la gestion locale de l'électricité »
Nous avons 3 millions de clients qui achètent de l'électricité verte. Il y a un très grand nombre de clients qui veulent adopter le remplacement de leurs équipements énergivores par des équipements qui le sont beaucoup moins. Aujourd'hui, en France, Engie remplace des pompes à chaleur, des chaudières, des ballons d'eau chaude, des radiateurs avec des solutions de plus en plus innovantes. Par exemple, nous installons des batteries, en-dessous des radiateurs pour pouvoir charger l'électricité pendant la nuit et la décharger pendant la pointe. Nous avons d'ailleurs investi dans une start-up grenobloise, Lancey Energy Storage, qui développe des radiateurs électriques connectés intelligents dotés d'une batterie de stockage. Une chaudière connectée permet aussi d'anticiper le fait qu'une chaudière va dysfonctionner.
Comme nous le disions avec l'autoconsommation, on voit se développer ce désir des clients d'accéder à la production, à la gestion locale de l'électricité, avec la capacité pour un client de gérer à distance son équipement de chauffage, et de pouvoir répondre à une demande du réseau pendant quelques minutes, d'interrompre le chauffage. Cela n'affecte pas son confort et participe à l'équilibre global du système, et donc à réussir la transition énergétique.
« Nous sommes au début de l'histoire du véhicule électrique »
Une question sur les véhicules électriques. Vous n'êtes pas censé savoir que Ionity, qui prend en charge les véhicules BMW, Volkswagen, Ford, Mercedes, Audi ou Porsche, a annoncé une augmentation de ses tarifs avec un prix qui passe de la charge au kilowattheure, ce qui fait exploser les coûts. Est-ce que cela n'annonce pas déjà la fin de "l'enthousiasme" et de l'accessibilité du véhicule électrique ?
Nous sommes au début de l'histoire du véhicule électrique. Lorsqu'on regarde les ventes de véhicules électriques en France, le parc est encore petit. Ce que nous observons, c'est qu'il y a des changements de réglementation importants qui font qu'il va y avoir des gammes de plus en plus importantes chez les constructeurs. Il est trop tôt pour dire si cette lame de fond va s'arrêter, mais c'est quand même une lame de fond. Nous le voyons dans certains pays du nord de l'Europe, avec un taux de véhicules électriques qui dépasse les 20% chez certains.
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Ce qui est intéressant dans le domaine du transport, c'est qu'il faut 15 ans pour changer profondément quelque chose. Quand on regarde les images de New York au début du XXe siècle, on ne voit pas de voiture. Si on regarde après 1918, on ne voit plus que des voitures. En France, il y avait des chevaux dans tous les villages dans les années 50. À partir des années 65-70, il n'y en avait plus. C'est seulement au bout d'une période de 15 à 20 ans que l'on verra, me semble-t-il, que nous avons basculé dans l'ère du véhicule électrique. Nous voyons plutôt une appétence forte des clients à se développer. Nous commercialisons d'ailleurs des produits de recharge, des contrats d'énergie qui permettent à un client, pendant les heures aux creuses, de recharger son véhicule électrique à moins 50%.
« Engie est le premier opérateur alternatif en éolien et en solaire en France »
Engie a conclu un partenariat, il y a quelques mois, avec Fiat Chrysler visant à fournir l'électricité pour recharger les véhicules du groupe en France et dans certains pays d'Europe. Ne peut-on pas regretter l'absence de partenariat franco-français en ce sens ?
Dans ces marchés en plein démarrage, ce qui compte, c'est d'y être, de développer des projets. Il ne me semble pas, aujourd'hui, que l'on soit dans une situation où il faille évoquer des alliances nationales tout de suite. On voit que sur certains points, la puissance publique prend les devants. L'idée de l'Airbus de la batterie est en train de se développer.
Chez Engie, nous essayons d'être en avance sur ces sujets de transition énergétique, avec deux grands axes : produire de l'électricité verte, et faire des travaux chez les clients qui leur permettent de moins consommer d'énergie, qu'ils soient des industriels ou des particuliers.
Sur l'éolien, un gros projet de deux parcs éoliens offshore est dans les cartons, avec un possible démarrage d'activité en 2024, à Noirmoutier et à Dieppe Le Tréport. L'énergie éolienne est extrêmement importante pour vous ?
Aujourd'hui, Engie est le premier opérateur alternatif en éolien et en solaire en France. C'est l'un de nos principaux axes de développement en France et à l'étranger. Nous pensons que pour réaliser cette transition énergétique, nous devons apporter deux choses aux clients : de l'électricité et du gaz verts. Il faut se dire qu'avant, on nous payait pour vendre de l'énergie. Aujourd'hui, on nous paie pour que l'on consomme moins d'énergie, et nous trouvons ça très bien. Le groupe est en train de se transformer.
Merci beaucoup Hervé-Matthieu Ricour pour cette interview. Bonne continuation pour la suite.
Merci à vous.