Avec plus de 2 milliards d'objets connectés et les meilleures performances du marché actuel, le système de géopositionnement de l'Union Européenne a réussi à trouver sa place… Malgré des années de surcouts et de retards. Les contrats permettent d'envisager sereinement son futur sur la décennie à venir.
Une opportunité assez inespérée !
Galileo, Galileo Figaro
Durant la première décennie du millénaire, le projet de l'Union Européenne de constellation de géopositionnement « Galileo » était malheureusement sur le devant de la scène pour de mauvaises raisons : dépassements du budget, plusieurs années de retard sur les décisions clé, problèmes pour convaincre les partenaires… Englué, le « GPS européen » a fait du surplace. De nombreux citoyens en gardent cette image une décennie après le décollage des premières unités de validation en orbite (21 octobre 2011). Pourtant, non seulement ces deux derniers satellites sont encore actifs, mais ils ont été rejoints par 24 autres unités.
Le déploiement a pris du temps, y compris pour convaincre les fondeurs de puces qu'il y avait un intérêt à adapter le matériel de leurs objets connectés pour recevoir les signaux européens. Mais ces trois dernières années, la progression est exponentielle… Pour une bonne raison : malgré ses déboires (et une panne mémorable en juillet 2019), le service européen est celui qui offre la meilleure précision du moment. Fin 2020, plus de 2 milliards d'objets étaient équipés.
Des concurrents peu pressés
Cette bonne dynamique, on la doit aussi indirectement… Aux concurrents de Galileo. En Russie, Glonass n'a pas été amélioré depuis longtemps, et la génération « K » se fait toujours attendre. En Chine, Beidou 3 est en service et fonctionne sur l'ensemble de la planète, mais la qualité des signaux n'est pas encore irréprochable et il y a encore peu de puces équipées. Enfin, aux Etats-Unis, seuls 4 satellites du nouveau standard Block 3 sont en service (sur 31), résultat, la précision n'atteint pas tout à fait celle des européens, même si la qualité du service est au rendez-vous. Avantage : Galileo et GPS partagent la même fréquence, les puces peuvent donc être configurées pour lire les deux services simultanément et naviguer grâce à un nombre record de satellites. L'autre avantage de Galileo, c'est la lisibilité du projet à court et moyen terme. En effet ce sont 12 nouvelles unités qui devraient rejoindre l'orbite à 23200 km d'altitude entre fin 2021 et 2024 grâce à des décollages sur Soyouz et Ariane 6. Ils sont basés sur le même modèle que ceux déjà en orbite, très légèrement améliorés grâce à des retours d'expérience notamment sur leurs horloges atomiques (ils en embarquent quatre chacun).
De la commission européenne jusqu'aux industriels
Les satellites Galileo actuels (un peu plus de 700 kg sur la balance) ont une durée de vie prévue de dix ans au minimum, mais ils sont toujours en léger sous-nombre, et le système ne dispose pas d'unités « de secours » en orbite qui pourraient remplacer au pied levé un satellite défaillant. C'est avant tout à cela que vont servir les 12 nouveaux satellites, qui vont également assurer la continuité vers la génération suivante… Pour laquelle les industriels viennent d'être sélectionnés (12 satellites). Il y a donc 24 satellites « dans les tuyaux » qui seront envoyés en orbite pour Galileo avant 2030.
Il faut rappeler brièvement que Galileo est un projet de l'Union Européenne. Cette dernière dispose d'une agence, la GSA (European GNSS Agency), récemment transformée pour étendre ses activités et gérer l'ensemble de ses programmes spatiaux : l'EUSPA, European Union Agency for the Space Programme. C'est là que ça devient un peu compliqué… Comme l'EUSPA n'a pas de grand programme de recherche scientifique et technique, l'Union Européenne signe un chèque à l'ESA, l'Agence Spatiale Européenne, qui est mandatée pour sélectionner les éléments techniques et travailler avec les partenaires pour mettre en place la constellation. C'est donc l'ESA qui choisit les industriels pour les satellites. Le contrat, 1,47 milliards d'euros, a été signé avec Thales Alenia Space Italie, et Airbus Defence & Space Allemagne fin mai.
Les grands noms du spatial européen se sont livrés une âpre bataille pour concevoir et réaliser ces futurs satellites, plus encore qu'à la fin de la décennie 2000 : à la surprise générale, c'était alors OHB (Allemagne) qui était choisi en 2008 pour la première génération, véritable « contrat géant » qui était prolongé en 2017. Mais ce nouveau lot a fait l'objet d'un appel d'offre, et les satellites vont changer de constructeur. C'est la fin aussi d'une bataille judiciaire car la décision de l'ESA est connue depuis le 20 janvier dernier, mais OHB a exercé un recours auprès de la Cour de Justice de l'Union Européenne… Cette dernière a tranché en faveur du choix de l'ESA, tout en soulignant que les éléments de la plainte n'étaient pas infondés.
Faire mieux pour s'assurer un avenir
Alors pour Galileo, comment s'améliorer ? En réalité, il y a deux volets. Le premier concerne les satellites eux-mêmes. Ils seront plus imposants, mais utiliseront une propulsion électrique-ionique, donc ils pourront toujours décoller par paires depuis le Centre Spatial Guyanais. Plus efficace, leur motorisation assurera aussi une durée de vie plus importante. Ils seront équipés d'antennes plus puissantes et de mécanismes capables de renforcer les signaux contre les brouillages et masquages.
Ces satellites sont dits reconfigurables, c'est-à-dire que le matériel qu'ils embarquent peut être reprogrammé pour évoluer avec le temps (c'est une des avancées de ces dernières années), et ils pourront également communiquer entre eux grâce à un réseau inter-satellites. Un ensemble d'innovations indispensable pour assurer une progression du service tout en gardant une constellation la plus efficace possible.
Le second volet sera du côté des utilisateurs. Les signaux de cette nouvelle génération (subtilement surnommée G2) seront plus puissants, ce qui signifie que du côté des puces, le géopositionnement devrait être plus rapide, plus précis et encore moins gourmand en énergie, une aubaine pour le titanesque marché des objets connectés. Le positionnement pourrait ainsi être garanti à sur des distances décimétriques lorsque l'ensemble de la constellation sera équipée… Un développement attendu, entre autres pour le secteur des drones et des autres systèmes mobiles automatisés (comme les autopilotes des voitures ou les robots de livraison).
Les nouveaux satellites seront également capables d'émettre vers des zones géographiques précises. De quoi activer de nouveaux services, notamment pour la fonction « Search And Rescue » (SAR). Cette dernière fonctionne avec le système global Cospas-Sarsat et devrait permettre des communications limitées avec la personne en urgence. Une autre fonction sera activée à moyen terme, qui transmettra à tous les objets équipés Galileo d'une même zone, une alarme en cas de danger imminent (tremblement de Terre, tsunami, éruption, etc). Un argument de vente intéressant, car il ne nécessitera aucun abonnement ni réseau mobile, puisque le message sera contenu dans l'émission des satellites Galileo.
Plus le droit à l'erreur
Surtout, ces améliorations de signaux et ces nouveautés devront être mises en place avec une compatibilité garantie avec les génération précédentes (notamment pour les puces) et sans que le service soit interrompu. Il en va de la crédibilité d'un système qui a la prétention de s'installer durablement comme le meilleur au monde… Même s'il est probable que dans le langage courant, on continue de parler de son « GPS ». Avec les gains attendus des autres constellations, le positionnement par satellite va continuer de progresser à grand pas ! Les premiers décollages de Galileo « G2 » sont attendus à partir de 2025.